(Washington) Accord commercial ou déclaration de bonnes intentions ? À la veille de la rencontre entre Donald Trump et le premier ministre japonais Shinzo Abe, le scepticisme grandissait sur leur capacité à parapher un véritable traité en marge de l’Assemblée de l’ONU à New York.

Voulues par le président américain pour rééquilibrer les échanges entre les États-Unis et le Japon au bénéfice notamment des agriculteurs américains, les négociations finales achopperaient sur le délicat dossier automobile, selon les médias japonais.

En échange d’une baisse sensible des droits de douane frappant les produits agricoles américains, dont le bœuf et le porc, le Japon exigerait l’engagement ferme de l’administration Trump qu’elle n’infligera pas des tarifs douaniers de 25 % sur ses exportations de voitures, vitales pour son économie.

PHOTO TORU HANAI, REUTERS

Des Subaru en attente d'exportation au port de Yokohama, au Japon.

L’an passé, Washington a accusé avec Tokyo un déficit commercial de 56,8 milliards de dollars. Le Japon a notamment exporté pour 51 milliards de dollars de voitures, selon les données du représentant américain au Commerce (USTR).  

Pour l’heure, l’administration Trump est restée muette sur ses intentions. Le président républicain, qui brigue un second mandat, s’est donné jusqu’au 17 novembre pour décider d’imposer ou non de nouveaux tarifs douaniers sur l’automobile non seulement en provenance du Japon, mais encore des pays de l’Union européenne.

Selon la presse japonaise citant des sources proches du dossier, les termes du traité seraient toujours en discussion, soumis à l’examen minutieux des avocats des deux parties.  

PHOTO J. SCOTT APPLEWHITE, PRESSE CANADIENNE

Des steaks de boeuf américain.

Le New York Times, citant aussi des sources proches du dossier, ajoute que Tokyo souhaite inclure en particulier une « clause crépusculaire » (« sunset clause ») qui invaliderait l’accord et tous les avantages accordés aux producteurs agricoles américains si Donald Trump donnait suite à sa menace d’imposer des tarifs douaniers punitifs sur les voitures.

Du maïs contre des Yaris, du boeuf contre des CX-9

Cet accord est particulièrement attendu par les agriculteurs et éleveurs américains.

L’an passé, les éleveurs de porcs, très dépendants des marchés étrangers où ils exportent 25 % de leur production, ont vendu pour 1,6 milliard de dollars au Japon.  

PHOTO DANIEL ACKER, BLOOMBERG

Des cochons âgés de cinq mois, ayant presque atteint le poids désiré, attendent leur sort dans une ferme de l'Illinois.

Les consommateurs japonais ont acheté pour plus de 2 milliards de dollars de bœuf américain, ce qui représente environ un quart des exportations totales de bœuf américain.  

Fin août, la fédération des producteurs de bœuf (NCBA) avait évoqué la suppression des droits de douane « massifs » de 38,5 % sur le bœuf américain qui permettraient de rendre attractives les exportations américaines.  

La première exportation agricole vers le Japon reste toutefois le maïs avec 2,8 milliards de dollars en 2018.

Les agriculteurs canadiens et les européens profitent déjà d'un accord

Cet accord « est très important pour nous », a souligné à l’AFP Veronica Nigh, économiste au sein de la principale fédération agricole, l’American Farm Bureau Federation alors que les producteurs de bœuf et de porc sont fragilisés par les récents accords de libre-échange signés par le Canada et l’Union européenne avec le Japon.

Ottawa est en effet partenaire de Tokyo au sein de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (le nouveau TPP) entré en vigueur en décembre 2018 que Donald Trump a rejeté, au grand dam des agriculteurs.

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Donald Trump arrivant à une rencontre avec des fermiers de la Floride dans un marché extérieur de Boynton Beach,.

L’accord de partenariat économique entre l’UE et le Japon est, lui, mis en œuvre depuis le 1er février 2019.

Veronica Nigh souligne que sans accord avec le Japon, la détérioration des parts de marché des éleveurs américains sur le marché japonais pourrait être très rapide.  

Les négociations avaient commencé en avril. Et, fin août, Donald Trump avait annoncé, lors du sommet du G7 en France, la conclusion d’un accord « de principe » entre les deux pays, avec le souhait que le texte soit formellement paraphé lors de l’Assemblée générale des Nations Unies qui se tient cette semaine.

À la tribune de l’ONU, hier, M. Trump n’a fait qu’une allusion en passant au traité avec le Japon : « Demain je retrouverai le premier ministre du Japon […] pour finaliser un accord commercial ».

« Je pense que nous allons avoir une belle cérémonie » lors de la réunion de mercredi avec Donald Trump et ses ministres, à la télévision japonaise. L’ancien ministre de l’économie, au cœur des négociations commerciales, n’a toutefois pas évoqué la signature d’un accord.

« S’agissant des négociations commerciales, nous avons terminé toutes les négociations aujourd’hui. C’est terminé », a affirmé lundi Toshimitsu Motegi le ministre japonais des Affaires étrangères après une réunion avec l’USTR Robert Lighthizer.

Faute d’un accord, les dirigeants pourraient annoncer qu’ils continuent à œuvrer à la conclusion d’un accord dans les prochaines semaines, poursuit le quotidien américain.

Lundi, la porte-parole de l’exécutif américain avait indiqué que les tractations commerciales devraient aboutir à la signature d’un texte « dans les deux jours à venir », lors d’un entretien sur Fox Business.