Immobilier, investissement, tourisme… les Chinois boudent de plus en plus de marchés jadis convoités aux États-Unis en guise de riposte au président américain.

En dévoilant ses résultats il y a quelques jours, le géant de l’électronique chinois Huawei a surpris tout le monde en affichant une meilleure performance que prévu au deuxième trimestre, et ce, en dépit des sanctions américaines.

Si le fabricant de téléphones intelligents redoute toujours les effets à long terme de la guerre commerciale entre Pékin et Washington, il se réjouit d’un soutien imprévu : la fidélité des Chinois.

Les ventes de Huawei ont bondi de 31 % en Chine. Une hausse qui tranche avec les baisses enregistrées par les grandes marques étrangères, comme Apple et Samsung.

Le nationalisme économique n’est pas un phénomène nouveau en Chine. Il est même encouragé par l’État et les entreprises.

À la fin de 2018, des sociétés chinoises ont d’ailleurs incité leurs salariés à ne plus utiliser ni acheter de produits d’Apple. Une entreprise de Shenzhen a même menacé de licencier les employés qui utilisaient un iPhone.

La plupart des Chinois aiment leurs entreprises, envers et contre tous. Plus de la moitié d’entre eux (56 %) évitent d’acheter un produit américain pour soutenir les fabricants locaux, indique un récent sondage de la firme britannique Brunswick. Les deux tiers (68 %) ont aussi une opinion dégradée des sociétés américaines du fait de la guerre commerciale.

Investissement et immobilier en berne

Le nationalisme chinois est aussi manifeste dans d’autres domaines.

Les tensions croissantes entre Pékin et Washington ont ainsi contribué à une chute de près de 90 % des investissements chinois aux États-Unis depuis que Donald Trump occupe la Maison-Blanche.

Les investissements directs étrangers (IDE) de la Chine aux États-Unis sont passés d’un niveau record de 46,5 milliards US, en 2016, à seulement 5,4 milliards US l’an dernier, affirme le Groupe Rhodium dans une étude parue cet été. Et les chiffres préliminaires, de janvier à juillet, ne laissent entrevoir aucune reprise significative.

Les Chinois boudent aussi la « brique et le mortier » en sol américain.

Selon la National Association of Realtors (NAR), un regroupement national de courtiers immobiliers, les achats de maisons aux États-Unis par des Chinois ont reculé de 56 %, à 13,4 milliards US, durant l’année se terminant à la fin de mars 2019.

Pourtant, il y a deux ou trois ans, nombre d’études et de reportages avaient fait d’état de l’engouement des Chinois pour les belles demeures de la Floride et de la Californie.

L’économie ralentit

Il faut dire, cependant, que Donald Trump n’est pas l’unique responsable de ces phénomènes.

Pékin a imposé des restrictions, ces dernières années, sur l’achat de sociétés étrangères et sur les sorties d’argent par des particuliers pour colmater une fuite de capitaux inquiétante.

De leur côté, les autorités américaines ont bloqué des tentatives d’acquisition par des groupes chinois, sous prétexte d’une menace à la sécurité nationale.

Plusieurs choses, en somme, nourrissent la méfiance des Chinois ces temps-ci.

Il reste que, dans l’immobilier, la NAR parle d’« une perte de confiance » des riches Chinois envers le marché américain.

Même le tourisme a perdu son erre d’aller.

Quelque 2,9 millions de Chinois ont visité les États-Unis l’an dernier, a récemment révélé l’office américain du tourisme. Cela marque une baisse de 300 000 visiteurs en un an – un premier repli en 15 ans.

Des consommateurs craintifs

Si le nationalisme économique semble une bonne nouvelle pour le gouvernement, il est aussi un signe que les consommateurs chinois sont affaiblis et craintifs face à une économie en perte de vitesse.

L’économie chinoise a nettement ralenti, avec une croissance de 6,2 % au deuxième trimestre, un creux de 27 ans. Aussi, les Chinois ont perdu leur belle fougue dans les magasins, indiquent des rapports économiques.

En citant un sondage de la banque centrale réalisé dans 31 provinces, l’Asia Times note d’ailleurs que quatre Chinois sur cinq (79 %) privilégient désormais l’épargne, pour la retraite et l’éducation, ce qui laisse croire qu’ils réduiront leurs dépenses dans l’avenir.

Diverses études montrent aussi que les Chinois ont pris goût au crédit ces dernières années, ce qui a fait exploser le taux de défaillance sur les cartes de crédit. Leur marge de manœuvre financière est donc réduite.

Voilà une mauvaise nouvelle pour le gouvernement, qui tente d’orchestrer une transformation de l’économie en s’éloignant des secteurs traditionnels, comme la fabrication, pour favoriser les industries de pointe et la consommation intérieure.

La fidélité de ses citoyens envers China inc. est certes encourageante pour Pékin dans la guerre commerciale contre Washington. Mais la réalité économique finira par rattraper les consommateurs.