Avec une main-d’œuvre jeune et bon marché, l’Asie du Sud-Est attire de plus en plus d’investissements des sociétés étrangères échaudées par les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis.

La guerre commerciale que Donald Trump a déclenchée contre la Chine cause une grande incertitude dans les milieux d’affaires, ce qui freine l’économie mondiale.

Concrètement, cette dispute a littéralement « gelé » les investissements transfrontaliers des multinationales — une source de capitaux importante pour plusieurs pays.

En 2018, les investissements directs étrangers (IDE) ont reculé de 13 %, à 1300 milliards US, dans le monde, vient de révéler la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED).

Toutefois, une région se tire plutôt bien d’affaire dans ce contexte très malsain.

L’Asie du Sud-Est profite en effet d’une hausse continue de ses exportations et, surtout, d’un afflux record d’investissements étrangers.

L’Asie en « développement », qui exclut les pays riches comme le Japon, a vu les IDE dans la région grimper de 4 %, à 512 milliards US, l’an passé, ce qui représente presque 40 % de tous les investissements directs étrangers recensés dans le monde. 

Fait encore plus remarquable, l’Asie du Sud-Est, qui regroupe les 10 pays membres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), a enregistré un niveau record d’IDE, à 149 milliards US. C’est 10 milliards de plus que tout l’argent investi en Chine (excluant Hong Kong). Un exploit.

Les petits tigres

On est parfois tenté de croire que la Chine, le Japon et l’Inde sont les seuls véritables moteurs économiques de l’Asie. Or, les pays de l’ANASE forment un bloc économique majeur comptant beaucoup plus d’habitants que l’Union européenne (647 millions contre 512 millions).

Avec un PIB cumulé de près de 3000 milliards US, l’ANASE est aussi le 5e bloc économique mondial derrière l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et le Japon.

L’Indonésie, avec sa population de plus de 260 millions d’individus, est le leader du groupe avec 35 % de la richesse de la région et 41 % de ses habitants. Suivent dans l’ordre les petits « tigres asiatiques », soit la Thaïlande, Singapour, la Malaisie, les Philippines et le Viêtnam. 

Une solution

De toute évidence, de plus en plus d’entreprises voient dans l’Asie émergente un moyen d’éviter les tarifs punitifs imposés par Washington sur les produits chinois.

Plus de 40 % des entreprises américaines présentes en Chine envisagent d’ailleurs de délocaliser leur production en Asie du Sud-Est ou au Mexique, selon une étude réalisée récemment par la Chambre de commerce américaine en Chine.

Certaines ont déjà fait leurs bagages. Le géant de la chaussure Steve Madden envisage de produire davantage au Cambodge et l’équipementier sportif Brooks Running lorgne le Viêtnam, selon la presse américaine.

Les multinationales japonaises, européennes et même chinoises (de plus en plus) y voient une double occasion : une main-d’œuvre bon marché et un grand marché intérieur en croissance.

Si bien que les flux d’investissements directs nets étrangers dans l’ANASE ont été multipliés par plus de six depuis le début des années 2000.

Les sociétés étrangères apprécient évidemment les bas coûts de production dans la région, grâce notamment à des salaires peu élevés : de l’ordre de 375 $US par mois au Viêtnam, 320 $US au Cambodge ou en Indonésie contre 720 $US en Chine, selon l’Organisation internationale du travail.

Par contre, la productivité y est aussi plus faible, faut-il retenir. « La main-d’œuvre est trois fois plus chère en Chine, mais la productivité est aussi trois fois plus élevée », a dit, dans un récent entretien à l’AFP, un dirigeant de la Chambre de commerce américaine au Viêtnam.

Embellie passagère

Pour l’instant, les usines de l’ANASE continuent de tourner rondement, alimentées surtout par les marchés d’exportation.

D’après la Banque mondiale, les exportations de la région se sont même accélérées depuis deux ans (+ 4,6 % en 2017 et + 9,7 % en 2018). Il reste que cela est deux fois moindre que la croissance des importations (+ 14,9 % et + 15,6 % respectivement). Signe que la guerre commerciale sino-américaine commence aussi à toucher la région.