(Washington) Le président américain Donald Trump faisait face mardi à une profonde opposition dans ses rangs républicains à la menace de tarifs douaniers contre le Mexique, accusé de ne pas faire suffisamment pour stopper « l’invasion » de migrants.

À Washington, la grogne était palpable dans les couloirs du Sénat contrôlé par les républicains, qui ont fait part sans détour à la Maison-Blanche de leur malaise sur cette initiative menaçant de frapper durement l’économie américaine.

Certains se sont même dits prêts à défier le président républicain en bloquant, avec un vote, cette mesure s’il venait à l’appliquer.  

Prenant même de court ses alliés au Congrès, le milliardaire républicain a créé la surprise la semaine dernière en liant les dossiers du commerce et de l’immigration.

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Andres Manuel Lopez Obrador.

Il a annoncé que les États-Unis appliqueraient à partir du 10 juin une taxe de 5 % à tous les biens provenant du Mexique, qui pourrait augmenter progressivement jusqu’à 25 % le 1er octobre si son voisin du Sud ne parvenait pas à réduire drastiquement le flux de migrants d’Amérique centrale faisant route vers les États-Unis.

Engagés depuis dans des négociations, Washington et Mexico ont exprimé mardi des sensibilités bien différentes, à la veille d’un rendez-vous crucial à Washington entre le chef de la diplomatie mexicaine Marcelo Ebrard et son homologue américain Mike Pompeo.

Signe de l’importance donnée à cette réunion ? Elle est désormais prévue à la Maison-Blanche, sous la houlette du vice-président Mike Pence, a indiqué un responsable de l’administration Trump.

Enchaînant depuis lundi les rencontres avec l’administration Trump et l’opposition démocrate, l’importante délégation mexicaine dépêchée à Washington a insisté mardi sur la forte possibilité d’un accord.

Mais peu après, Donald Trump a déclaré que les taxes douanières entreraient « probablement en vigueur » la semaine prochaine.

Jugeant « inacceptable » que « des millions de gens » traversent la frontière séparant le Mexique des États-Unis, le président républicain a réitéré ses mises en garde depuis Londres, où il effectue une visite d’État.

Le Mexique « devrait faire plus pour arrêter […] cette invasion de notre pays », a-t-il ajouté.  

Le président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador s’est toutefois encore dit prêt à parler directement avec Donald Trump « si nécessaire ».

Risques pour l’économie

Les autorités américaines semblent débordées par l’afflux de migrants originaires du Guatemala, du Salvador et du Honduras, qui cherchent à entrer aux États-Unis après avoir traversé le Mexique. La police américaine aux frontières interpelle actuellement 100 000 migrants chaque mois.

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Jerome Powell.

Les deux pays ont jusqu’à dimanche soir pour s’entendre s’ils veulent éviter une escalade qui inquiète les milieux économiques des deux pays et menace de perturber le processus de ratification du nouvel accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC).  

Le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a d’ailleurs mis en garde contre cette multiplication des fronts de la guerre commerciale, face à la Chine et au Mexique.

« Nous surveillons de près l’impact que peuvent avoir les développements (dans ce domaine) sur les perspectives de croissance de l’économie américaine », a-t-il dit dans un discours à Chicago.

Grogne au Congrès

Au Congrès américain, l’initiative de Donald Trump a provoqué une grande colère dans les rangs républicains, un parti traditionnellement opposé aux mesures protectionnistes.

Le chef de sa majorité au Sénat, Mitch McConnell, l’a affirmé sans détour : « Nous ne soutenons pas les tarifs, et nous espérons encore qu’ils puissent être évités ».  

Le malaise est tel que certains élus ont brandi la menace d’un vote pour bloquer cette mesure. Ce serait un violent camouflet pour le président républicain, qui a déjà dû mettre son veto par deux fois à des mesures votées au Congrès.  

Mitch McConnell, qui aurait le pouvoir d’autoriser un tel vote, a cependant esquivé cette hypothèse, en martelant qu’il espérait que les tarifs ne seraient tout bonnement pas appliqués.  

Interrogé sur ce point à Londres, Donald Trump a estimé qu’il serait « insensé » pour les républicains de voter contre lui, compte tenu de son immense popularité auprès de la base républicaine.

Une déclaration qui n’a rien fait pour apaiser les sénateurs de son camp.  

« J’espère que nous n’en arriverons pas là, mais nous verrons ce qu’il se passera si le président appuie sur la gâchette », a mis en garde le républicain Pat Toomey.  

D’ordinaire allié du président Trump, le sénateur conservateur Ted Cruz a aussi exprimé l’« opposition » de son camp à cette idée, car elle « frapperait les emplois américains ».