L’économie est au bord d’une autre récession. Des entreprises étrangères plient bagage. Le nouveau président du Brésil, Jair Bolsonaro, a beaucoup à faire pour satisfaire les attentes élevées de la population.

Dans une économie en crise, gangrenée par la violence, la corruption et le chômage, le nouveau président du Brésil était attendu comme un messie. Auréolé d’une popularité  auprès de 75 % des Brésiliens, Jair Bolsonaro a pris le pouvoir le 1er janvier dernier (avec 55 % des voix) en plaçant la relance économique au sommet de ses priorités.

À peine cinq mois plus tard, le premier bilan de l’ère Bolsonaro, paru jeudi, n’est pas concluant. Et il inquiète les plus grands partisans du politicien d’extrême droite : les investisseurs et les gens d’affaires.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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Le produit intérieur brut (PIB) de la première économie d’Amérique latine a enregistré son premier repli trimestriel depuis 2016, avec un recul de 0,2 % au premier trimestre, selon l’institut de statistiques IGBE.

Le Brésil, qui compte plus de 13 millions de chômeurs, s’oriente donc vers une nouvelle récession (deux trimestres d’affilée de recul du PIB), après une croissance quasi nulle (+ 0,1 %) au dernier trimestre 2018.

L’économie brésilienne s’était contractée de 3,5 % en 2015, puis de 3,3 % en 2016, provoquant une crise majeure dont le pays ne s’est pas relevé (avec de faibles croissances de 1,1 % en 2017 comme en 2018).

Les investisseurs décrochent

Pire encore, le milieu des affaires pourtant enthousiaste au début de 2019 ne semble plus croire aux miracles.

Le Brésil, qui figurait il y a quelques années parmi les économies émergentes les plus attrayantes pour les investissements étrangers, dégringole au palmarès des gens d’affaires.

La firme de consultants AT Kearney vient de sonder 500 chefs d’entreprises pour leur demander dans quels pays ils investissent en toute confiance : pour la première fois en 20 ans, le Brésil n’apparaît plus dans le top 25.

En fait, les investissements directs étrangers (IDE) dans ce pays ont décliné de 12 % l’an dernier (à 59 milliards US), selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED). Le Brésil passe ainsi de la quatrième à la neuvième place mondiale à ce chapitre.

De grandes entreprises ont récemment décidé de plier bagage et de quitter le pays en citant entre autres la conjoncture défavorable. 

C’est notamment le cas du détaillant Walmart, du géant pharmaceutique Eli Lilly et de Ford, qui a fermé une usine de camions.

Jair Bolsonaro, ancien militaire de carrière, a admis pendant la campagne électorale qu’il ne connaissait rien ou presque à la science économique. C’est pourquoi il a choisi Paulo Guedes, un économiste connu pour ses orientations très libérales, pour diriger la relance à titre de « superministre » de l’économie.

Malgré ses atouts indéniables, avec ses ressources naturelles abondantes notamment, le Brésil ne redécolle pas. Et il perd de son attrait sur les marchés financiers.

La devise nationale, le real, et la Bourse brésilienne sont à peu près au même niveau qu’elles étaient au début de l’année, après une brève poussée de l’indice Bovespa (Bourse de São Paulo) à un sommet historique en mars.

Les Brésiliens écopent

Les Brésiliens, pour leur part, paient chèrement la note pour les ratés de l’économie.

Le nombre de chômeurs au pays a plus que doublé depuis 2012, passant de 7,6 millions à 13,4 millions au dernier décompte.

Le président Bolsonaro croit même que ces données sont trompeuses et que la réalité est pire. Selon les chiffres officiels, plus de 28 millions de Brésiliens sont « sous-utilisés », c’est-à-dire qu’ils ne travaillent pas ou très peu, note la BBC.

Et l’inflation, un mal qui avait poussé le Brésil au bord de la ruine durant les années 80, montre à nouveau son vilain nez. 

Depuis quatre ans, le coût de la vie a augmenté de 25 % alors que les salaires ont à peine bougé. 

Alors que la grogne populaire s’accroît, Paulo Guedes manifeste lui aussi ses frustrations.

« Nous n’avons rien fait, dit-il. Comment est-ce que l’économie pourrait croître ? Pas la peine d’entretenir de faux espoirs. On n’a encore rien approuvé [au Congrès]. »

Sylvain Barthélémy, économiste chez TAC Economics, résume ainsi la situation dans une note financière : le Brésil « est loin des années fastes du boom des matières premières », quand la croissance oscillait autour de 5 % au début des années 2000.

Après des années de surchauffe, dopée par le crédit, « nous ne nous attendons pas à un retour » aux belles années, affirme ce spécialiste cité par l’AFP.