Les efforts économiques du Québec commencent à porter leurs fruits, si l’on s’en remet à l’une des mesures prisées des économistes : le revenu disponible par habitant.

Cet indicateur calcule l’argent qui reste dans les poches des Québécois après avoir soustrait tous les impôts, taxes et contributions sociales. L’indicateur tient aussi compte des sommes reçues des gouvernements à divers titres (assurance emploi, soutien aux enfants, prestations de retraite, etc.).

Ainsi, en 2017, ce revenu disponible par habitant a crû de 3,6 %, soit la plus forte hausse en 10 ans. Une fois l’inflation retranchée, l’augmentation réelle nette est de 2,7 %, ce qui correspond à une hausse du niveau de vie.

Non seulement cette hausse après inflation est intéressante, mais le Québec arrive de plus au 2e rang au Canada à ce chapitre, derrière la Colombie-Britannique (4,6 %), qui connaît un véritable boom. Les données proviennent d’une analyse rigoureuse de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), mise à jour annuellement.

Selon l’ISQ, ce revenu disponible a été de 28 785 $ par Québécois en 2017, en moyenne. La somme paraît petite en raison des contributions de tous ordres, mais surtout parce qu’elle est répartie entre tous les habitants, y compris les enfants, qui ne gagnent généralement pas de revenu.

Selon l’analyste Stéphane Ladouceur, de l’ISQ, trois raisons expliquent la performance relativement bonne du Québec. D’abord, la croissance de la rémunération des salariés a été plus forte qu’ailleurs en 2017, soit 3,8 % (sauf en Colombie-Britannique, 4,8 %). Ensuite, l’inflation a grimpé moins vite (1 %). Enfin, les impôts directs ont été majorés de manière plus marquée hors Québec, pendant qu’ici, le gouvernement abolissait la taxe santé, notamment.

« La tendance à la hausse du revenu disponible au Québec se poursuivra pour les données de l’année 2018, mais de façon moins prononcée. » — Stéphane Ladouceur, analyste à l’ISQ

Cela dit, la croissance est bonne, mais le Québec conserve tout de même la triste palme du plus petit revenu disponible par habitant au Canada, à 28 785 $. Même la Nouvelle-Écosse (28 978 $) et l’Île-du-Prince-Édouard (28 997 $) font mieux que le Québec à ce chapitre.

En revanche, faut-il le rappeler, la Belle Province offre davantage de services aux contribuables (CPE, assurance auto, universités, etc.) — bien que la qualité de certains services publics soit critiquée — et l’énergie électrique est bien meilleur marché qu’ailleurs.

Selon l’ISQ, les Québécois gardaient 5580 $ de moins dans leurs poches que les autres Canadiens il y a deux ans, et cet écart a fondu de 1000 $, passant à quelque 4550 $ en 2017.

Cet écart de 4550 $ s’explique notamment par la rémunération plus faible des salariés (2827 $ par habitant). L’ISQ rappelle que les Québécois gagnent moins à l’heure, mais aussi qu’ils travaillent moins d’heures que la moyenne canadienne et sont en proportion moins nombreux à travailler.

Autre élément non négligeable : les Québécois sont plus nombreux qu’ailleurs à cotiser à des régimes de retraite, élément qui est soustrait du revenu disponible. Ainsi, en 2017, les Québécois ont versé 4742 $ par habitant à ce chapitre, soit 962 $ de plus que dans le reste du Canada.

Écarts depuis 25 ans

Ce n’est pas d’hier que le Québec a un revenu disponible moindre qu’ailleurs. Déjà, en 1981, ce revenu était plus faible que dans les principales autres provinces que sont l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Et l’écart ne s’est pas résorbé, il s’est plutôt accru avec le temps, sauf depuis trois ans, essentiellement.

L’une des raisons de ce rattrapage récent avec le reste du Canada est la déconfiture albertaine. À cet égard, les chiffres de l’ISQ sont renversants. Habituellement, les variations annuelles sont minces et c’est à long terme que les politiques économiques et sociales des provinces font leurs effets.

Or, en Alberta, le revenu disponible par habitant a subi une chute brutale de près de 4700 $ en deux ans, atteignant 36 705 $ en 2017. Ce recul est évidemment attribuable à l’impact de la dégringolade des prix du pétrole, notamment celui des sables bitumineux, qui a fait bondir le chômage.

Il reste qu’en 2015, les Albertains gardaient dans leurs poches environ 14 000 $ de plus que les Québécois, en moyenne, contre 7920 $ en 2017. Ce changement a effacé 12 ans de croissance creusée par l’Alberta face au Québec.

En revanche, le boom en Colombie-Britannique a pour effet d’accroître rapidement l’écart avec le Québec depuis le début des années 2000. Cet écart Québec–Colombie-Britannique est progressivement passé de 2000 $ à près de 6200 $ en 2017. Les variations de revenu disponible du Québec avec l’Ontario sont plus sinueuses.

Il faudra avoir cet indicateur à l’œil au cours des prochaines années et espérer que le Québec continue de bien faire. Pour rattraper la moyenne canadienne ou même l’Ontario, il faudra toutefois de nombreuses années.

Certains économistes disent, à juste titre, que le coût de la vie est plus faible au Québec, ce qui compense en partie l’écart. D’autres, par contre, soutiennent que c’est la faiblesse relative de l’économie du Québec depuis 25 ans qui maintient ces prix plus bas. Chose certaine, il faut renverser la vapeur.