Les usines situées au coeur de l'industrie canadienne du bois dans l'Ouest ont tourné au ralenti cet hiver, les incendies de forêt et les infestations aggravées par le changement climatique ayant transformé de vastes étendues de forêts jadis foisonnantes en forêts nues d'arbres morts.

Après avoir constaté des prix record du bois d'oeuvre plus tôt cette année, l'industrie forestière canadienne est confrontée à un avenir incertain en raison de la chute de la demande du marché de l'immobilier américain, d'incendies de forêt de plus en plus fréquents et intenses, et de dégâts persistants causés par des parasites, tels que le dendroctone du pin.

« Nous sommes en quelque sorte à ce stade du cycle où, malheureusement, des réductions permanentes doivent avoir lieu », a affirmé Ed Sustar, analyste des produits forestiers chez Moody's.

« Cela touchera une partie relativement importante de l'industrie du bois d'oeuvre en Colombie-Britannique, mais ce n'est pas une surprise », a-t-il ajouté.

La Colombie-Britannique, qui regroupe près du tiers des emplois dans le secteur de la transformation du bois au Canada, montre les effets les plus visibles de la réduction des approvisionnements, de nombreuses entreprises ayant réduit la production de leurs usines au cours des derniers mois.

West Fraser Timber a évoqué les pénuries de bois provoquées par le dendroctone du pin pour expliquer la réduction permanente de la production de 300 millions de pieds-planche, qui devrait toucher jusqu'à 75 emplois supplémentaires dans les scieries de Fraser Lake et de Quesnel. Cela s'ajoute aux coupes de production enregistrées au cours de la dernière partie de l'année résultant de contraintes d'approvisionnement en grumes.

La poudrière entraînée par l'épidémie de dendroctone du pin, conjuguée à un climat plus chaud et plus sec, a contribué à créer deux saisons d'incendies de forêt sans précédent dans la province.

En 2017, les incendies de forêt ont détruit environ 12 000 kilomètres carrés de forêt. Cette année, les pertes sont évaluées à 14 000 kilomètres carrés, comparativement à 1500 kilomètres carrés en moyenne les 10 années précédentes.

La diminution des forêts en bonne santé en Colombie-Britannique a poussé des entreprises à faire croître davantage leurs activités aux États-Unis ou à l'étranger, a souligné M. Sustar.

« La disponibilité de la fibre est un problème clé pour l'industrie. Il s'agit de notre principal intrant de produit, il est donc très important », a déclaré Susan Yurkovich, présidente du Conseil des industries forestières de la Colombie-Britannique.

Les exportations en hausse aux États-Unis

Selon la revue des marchés dans le bulletin de la Fédération des producteurs forestiers du Québec, la consommation de bois d'oeuvre croît en Amérique du Nord, mais cette croissance proviendra plutôt des États-Unis que du Canada à court et moyen termes.

Au cours des six derniers mois, les exportations du Québec vers les États-Unis ont explosé, souvent au détriment du marché intérieur, dans l'espoir d'établir des niveaux de vente pouvant servir d'étalon dans une entente future, indique le bulletin « Forêts de chez nous PLUS » du 1er décembre.

En pratique, les scieurs du Québec misent sur une entente qui serait négociée « sur la base de leur part du marché américain », fait-on valoir. Il est souligné que, d'emblée, le bois d'oeuvre ne fait pas partie du nouvel accord Canada-États-Unis-Mexique, qui doit encore être ratifié.

En apparence, les négociations sur le bois d'oeuvre ont été mises en veilleuse au cours des six derniers mois, souligne-t-on, ajoutant que « rien n'est réglé pour les producteurs de sciage québécois ».

Saluant le maintien du système d'arbitrage des litiges commerciaux, le bulletin déplore que les droits compensatoires sur l'acier et sur l'aluminium n'aient pas été retirés avec la nouvelle entente.

Les effets du changement climatique

La carte cachée dans tout cela reste les effets du changement climatique et ses répercussions sur l'approvisionnement.

« Ç'a déjà vraiment créé d'énormes problèmes d'approvisionnement en bois », a dit Sally Aitken, professeure à l'Université de la Colombie-Britannique.

« Le changement climatique touchera à peu près tout ce que nous faisons dans le secteur forestier et tout ce qui vit dans les forêts », a-t-elle souligné.

Mme Aitken étudie des manières de gérer des forêts plus résilientes au changement climatique en sélectionnant des variétés génétiques d'arbres qui pourraient mieux résister aux bouleversements à venir.

Les répercussions du changement climatique sur la santé des forêts sont toutefois difficiles à prévoir, car les conditions météorologiques changeantes entraînent des périodes plus humides et plus sèches, tandis que diverses menaces incluent des insectes, comme le dendroctone du pin et la tordeuse des bourgeons, ainsi que l'aggravation de maladies et de champignons.

Barry Cooke, chercheur en foresterie à Ressources naturelles Canada, qualifie la tendance de bizarrerie du climat, car de nombreux facteurs entrent en jeu.

« Les changements climatiques se répercutent dans cette cascade de conséquences physiques et biotiques », a soutenu M. Cooke.

Ses recherches ont porté en partie sur les forêts de l'extrême nord du Canada, où la fonte du pergélisol a laissé place à ce qu'il décrit comme des arbres « en état d'ébriété » qui tombent dans le sol gorgé d'eau.

Cependant, il note que des recherches gouvernementales montrent que les effets du changement climatique toucheront toutes les régions de forêts canadiennes, y compris dans l'est du pays, qui devrait connaître des conditions aggravées d'incendies de forêt. Il constate également une dégradation de la qualité des forêts, du fait de la croissance plus rapide de cernes d'arbres plus minces et du déclin d'espèces essentielles.

« Oui, il y a beaucoup d'arbres ici, mais ils ne sont plus aussi sains qu'autrefois... La forêt est en train de se transformer », a expliqué M. Cooke.

« Nous assistons à un ralentissement de la croissance dans l'est du Canada, et on ne prévoyait pas que ça se produise si tôt. Nous pensions que nous pourrions le voir dans 20 ou 30 ans, mais ça se produit déjà », a-t-il souligné.