Les prix du baril de pétrole ont plongé mardi à leur plus bas niveau depuis fin 2017, touchés de plein fouet par la prudence généralisée des marchés financiers au moment où s'intensifie la crainte d'une surabondance de brut dans le monde.

Le baril de WTI pour livraison en janvier, la référence aux États-Unis, a chuté de 6,6 % pour clôturer à 53,43 dollars.

Le baril de Brent pour la même échéance, coté sur le marché londonien, a de son côté dégringolé de 6,4 %, à 62,53 dollars.  

Cette glissade accompagne la déroute des indices boursiers à Wall Street et sur le reste des places financières, avance Phil Flynn, analyste chez Price Futures Group.  

« Le marché se retrouve dominé par la peur de voir la croissance mondiale ralentir considérablement » et faire baisser par ricochet la demande en énergie, explique-t-il.  

De nombreux investisseurs ayant déserté les salles de marché à l'approche de la célébration de Thanksgiving jeudi aux États-Unis, le repli des prix est aussi, selon lui, probablement accentué par des algorithmes se déclenchant automatiquement lorsque les cours atteignent certains niveaux.  

Reste que si l'ampleur de l'effondrement des cours est étonnante, elle n'est pas non plus « totalement incohérente avec la situation », rappelle James Williams, de WTRG Economics.  

Les acteurs du marché du pétrole s'inquiètent en effet depuis plusieurs semaines de la récente hausse de l'offre d'or noir dans le monde, faisant chuter ses cours d'environ 25 % depuis début octobre.

Les sanctions américaines sur le pétrole iranien entrées en vigueur en début de mois ont d'une part été fortement adoucies au dernier moment, amoindrissant nettement leur impact.

Comme l'Arabie saoudite et la Russie avaient fortement augmenté leurs extractions dans l'anticipation de la mise en oeuvre de ces sanctions, le pétrole y coule désormais à flots.  

Et, d'autre part, la production aux États-Unis est à un niveau record.  

Résultat : « les réserves de produits raffinés dans le monde sont désormais au-dessus de la moyenne des cinq dernières années », souligne M. Williams.  

Trump évite d'accuser Riyad

Tous les regards sont désormais tournés vers l'Organisation de pays exportateurs de pétrole (OPEP) et ses partenaires, dont la Russie, qui doivent se réunir à Vienne les 6 et 7 décembre et décider ou non de restreindre leurs extractions.  

L'issue de la rencontre reste à ce stade incertaine.

L'Arabie saoudite, chef de file de l'OPEP, a récemment plaidé pour une réduction de l'offre mondiale d'un million de barils par jour afin d'équilibrer le marché.

Mais quand le président américain a affirmé mardi que l'éventuelle implication du prince héritier Mohammed ben Salmane dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi ne menacerait pas la relation « inébranlable » entre les deux pays, la chute des cours du brut s'est accélérée.  

Ces remarques du locataire de la Maison-Blanche, qui a plusieurs fois reproché à l'OPEP d'alimenter la hausse des prix du carburant à la pompe, pourraient en effet inciter Riyad à ne pas trop insister pour faire remonter les cours de l'or noir.  

La Russie, de son côté, n'a pour l'instant pas donné d'indications claires, affirmant attendre une analyse plus approfondie sur l'offre et la demande.

Et lors d'une conférence en Slovaquie, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'Énergie (AIE) a, pour sa part, déclaré qu'une « diminution significative de la production des principaux producteurs aujourd'hui pourrait avoir des conséquences négatives pour les marchés ».

L'écroulement des cours ravive en tout cas les interrogations sur les futures dépenses d'investissements des producteurs de pétrole.  

« Si les prix continuent de tomber, l'OPEP va sûrement décider de freiner sa production. Mais aux États-Unis, les producteurs de pétrole de schiste vont aussi devoir freiner leurs ardeurs », estime Phil Flynn.  

Même si le prix de revient du baril diffère d'un puits de pétrole à l'autre, les producteurs font face ces derniers mois à des dépenses croissantes liées à une certaine pénurie de main-d'oeuvre, au manque d'oléoducs ou à l'augmentation du coût du sable nécessaire à leurs opérations, avance-t-il.  

Nombre de sociétés ont toutefois sans doute pris leur précaution et se sont couvertes, quand les prix étaient plus hauts, pour les mois à venir, tempère Andrew Lebow, de Commodity Research Group.  

Et les progrès dans les techniques d'exploitation du pétrole de schiste permettent, selon lui, de mieux faire face aux éventuelles chutes sporadiques des cours du brut.