Le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a indiqué lundi que la cible éventuelle du taux directeur, estimée par son équipe entre 2,5 et 3,5 %, était en fait « assez incertaine » et qu'elle pourrait glisser plus haut ou plus bas.

Les remarques de M. Poloz surviennent alors que la banque centrale est clairement engagée dans une séquence haussière en ce qui a trait aux taux d'intérêt. La banque a fait savoir qu'elle augmenterait son taux, actuellement de 1,75 %, jusqu'à ce qu'il atteigne un niveau « neutre », soit environ 3,0 %.

La semaine dernière, le gouverneur a conseillé aux Canadiens - dont plusieurs sont fortement endettés - de s'habituer à l'idée que des taux de 3,0 % soient normaux. Son avertissement faisait suite à la cinquième hausse du taux directeur de la banque centrale en 15 mois.

Mais M. Poloz a souligné lundi qu'il y avait aussi des inconnus quant à cette zone d'atterrissage - et qu'elle pourrait changer.

« Tout ce qui est économique a une portée plus large que nous le croyons, mais cela reste suffisamment incertain et [...] en principe, cela peut être mobile », a répondu M. Poloz à la question d'un journaliste sur l'incertitude entourant la fourchette cible, à la suite d'un discours prononcé devant la Chambre de commerce Canada - Royaume-Uni, à Londres.

« L'évolution de l'économie mondiale pourrait la faire grimper ou reculer, puisqu'il y a plusieurs ingrédients mondiaux en jeu. Ce n'est pas un phénomène purement canadien. »

La Banque du Canada augmente le taux d'intérêt afin d'empêcher l'inflation de grimper de manière excessive. Elle considère comme neutre un taux d'intérêt qui permettrait à l'économie de continuer à croître de façon soutenue sans trop éloigner l'inflation de sa cible de 2,0 %, qu'elle juge idéale.

La destination éventuelle de la trajectoire de hausse des taux de M. Poloz pourrait avoir des conséquences pour les ménages, en particulier ceux qui ont accumulé de lourdes dettes alors que les taux restaient bas.

De nombreux Canadiens ont accumulé des dettes dans la dernière décennie parce que la banque centrale, comme beaucoup d'autres dans le monde, a réagi à la crise financière de 2007-2008 en maintenant des taux d'intérêt très bas. Cela faisait partie d'un effort international visant à stimuler la croissance économique.

Trouver l'équilibre

Stephen Poloz a indiqué lundi que la fourchette neutre de la Banque du Canada correspondait à l'estimation pour les États-Unis. Il a noté qu'il y avait différentes façons de la calculer et que les paramètres qui permettent de le faire étaient entourés d'une certaine incertitude.

« Tout ce que nous savons, c'est qu'à mesure que nous nous approcherons d'une situation, peu importe ce qu'elle soit, nous commencerons à voir des signes que nous ne stimulons plus la demande. En fait, nous savons que si nous passons dans la zone neutre, nous pouvons voir des signes que nous commençons à limiter la demande », a-t-il affirmé.

Pour trouver l'équilibre, il faudra notamment tenir compte la sensibilité accrue et des risques liés à l'endettement accru, a ajouté M. Poloz.

Le gouverneur a noté, au cours d'une période de questions et réponses qui a suivi son discours, que le niveau neutre n'était « pas une destination précise, mais plutôt un voisinage ».

La grande question est de savoir à quelle cadence le taux augmentera. M. Poloz a récemment signalé que les hausses pourraient arriver plus tôt que prévu.

La prochaine décision de la banque au sujet de son taux directeur sera annoncée le 5 décembre.

M. Poloz a répété lundi que la banque déciderait du rythme approprié des augmentations en fonction de la capacité de l'économie à s'adapter aux hausses précédentes, compte tenu du niveau élevé de la dette des ménages. Il a également souligné que la banque centrale prêterait une attention particulière aux nouveaux développements du commerce international.

« Cela signifie que chaque réunion (peut se conclure par une hausse des taux) selon ce que les données nous montrent », a-t-il expliqué.

« Si les données sont étonnamment bonnes, nous nous pencherons dans cette direction, car cela signifie que notre histoire progresse plus rapidement que prévu. Si les données nous montrent une petite pause, bien sûr, cela signifiera que les données progressent un peu moins vite que ce que nous avions considéré. »

Dans son discours, M. Poloz a affirmé que l'époque des faibles taux d'intérêt avait permis à l'économie mondiale de faire des progrès considérables dans l'atténuation des effets de la crise financière.

Il a fait valoir que des taux aussi faibles n'étaient plus nécessaires.

« Les banques centrales ont déployé pendant une décennie des efforts extraordinaires pour inonder les marchés de liquidités, mais l'économie mondiale n'a plus besoin de ces mesures de détente monétaire, qui peuvent être peu à peu retirées », a dit M. Poloz.