Les transporteurs aériens canadiens demandent à Ottawa d'être exemptés de la taxe fédérale sur le carbone lors de son entrée en vigueur, le 1er janvier. Selon eux, cette mesure entraînera une hausse des tarifs et incitera les passagers à prendre leurs vols depuis un aéroport de l'autre côté de la frontière.

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada (CNLA) a envoyé vendredi des lettres à trois ministres fédéraux pour mettre en garde le gouvernement contre l'incidence de cette redevance sur leurs revenus ainsi que sur certains vols intérieurs.

« Une taxe sur le carbone est probablement le pire outil que vous puissiez envisager pour l'aviation si vous souhaitez réduire les émissions », a fait valoir le président du groupe de lobbying, Massimo Bergamini, lors d'un entretien.

Le premier ministre Justin Trudeau s'est engagé à imposer une taxe sur le carbone aux provinces qui ne disposent pas de leur propre système de tarification des émissions de gaz à effet de serre.

En l'état actuel des choses, les compagnies aériennes seront tenues de payer la taxe sur les vols des provinces relevant du système fédéral. Entre-temps, le gouvernement collaborera avec les administrations pour adopter un système de tarification des vols interprovinciaux.

Les gouvernements du premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, et du premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, contestent tous deux devant un tribunal la taxe fédérale sur le carbone.

Tous les plans tarifaires provinciaux actuels, tels que ceux de la Colombie-Britannique et du Québec, dispensent les compagnies aériennes de la taxe sur le carbone. Mais les provinces qui ne fixent pas les prix des émissions, comme le Manitoba et l'Ontario - M. Ford a récemment retiré sa province du marché du carbone auquel participent le Québec et la Californie - devront payer la taxe d'Ottawa à compter du 1er janvier.

Cette taxe sera de 20 $ la tonne en 2019 et son montant est appelé à grimper jusqu'à 50 $ la tonne en 2022. Une hausse de la taxe sur le carburant d'aviation en Ontario, combinée à la taxe sur le carbone, augmenterait le coût d'un vol de jusqu'à 45 $ pour une famille de quatre personnes d'ici 2022, a calculé le CNLA, citant une étude qu'il avait commandée.

M. Bergamini a estimé que l'idée voulant qu'une taxe sur le carbone génère de l'innovation en matière d'économie de carburant était « mal placée », les compagnies aériennes ayant déjà beaucoup investi pour réduire leur consommation de carburant - souvent leur plus grosse dépense - via des matériaux légers et le volume de fret.

« Nous avons prélevé autant de sang que possible de ce côté-là », a-t-il illustré.

Des tarifs aériens plus élevés pourraient pousser davantage de Canadiens vers les compagnies aériennes et les aéroports américains, en particulier ceux situés près de la frontière dans les États de New York et de Washington, a affirmé M. Bergamini.

Les transporteurs pourraient devoir réduire le nombre de vols sur les trajets plus marginaux au Canada, a-t-il ajouté. « Cela est particulièrement vrai dans le Nord et dans les petites collectivités. »

Le CNLA préconise un système fédéral similaire à celui du marché du carbone, dans lequel les transporteurs peuvent acheter des crédits auprès d'autres industries qui réussissent à réduire davantage leurs émissions.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a récemment adopté une telle approche pour tenter de maintenir les émissions à leurs niveaux de 2020.

Le gouvernement fédéral devrait publier les détails de la taxe avant la nouvelle année, y compris la manière dont elle s'appliquera à diverses industries.

Le cabinet de la ministre de l'Environnement, Catherine McKenna, n'a pas immédiatement répondu aux demandes de commentaires, mais a noté que des détails sur la taxe seraient présentés prochainement.

Le CNLA représente Air Canada, WestJet Airlines, Air Transat et Jazz Aviation. Le groupe a envoyé une lettre vendredi aux ministères de l'Environnement, des Transports et des Finances.