L'homme d'affaires Claude Pantaloni a joué pendant des mois à un « habile » ping-pong bancaire avec les centaines de millions de dollars de ses clients pour obtenir du crédit de façon « malhonnête ». Quinze ans plus tard, l'homme de 72 ans a été reconnu coupable hier d'avoir fraudé la Banque Scotia pour une somme considérable grâce à un stratagème complexe de transactions bancaires à découvert.

La fraude bancaire manigancée par le Montréalais s'est déroulée entre le 1er septembre 2001 et le 24 juillet 2002. Mais preuve de la très grande complexité de la fraude, ce n'est qu'en 2009 que l'enquête Conversion de la Gendarmerie royale du Canada s'est conclue par le dépôt d'une accusation criminelle de fraude de plus de 5000 $. Les procédures judiciaires se sont ensuite étirées sur huit longues années.

L'entreprise de Claude Pantaloni, Paie-Maître PC, fournissait des services de paie des employés à plus de 1000 entreprises en utilisant le système de transfert électronique de fonds de la Banque de Nouvelle-Écosse, connue sous le nom de Banque Scotia. Le volume des transactions hebdomadaires s'élevait à plusieurs millions de dollars.

Or, à l'insu de ses clients et des banques, Claude Pantaloni multipliait les transferts de fonds « irréguliers » de millions de dollars chaque semaine, voire tous les jours, entre les deux comptes de son entreprise à la Banque Scotia et à la Banque de Montréal (BMO). Ces « manoeuvres frauduleuses » ont ainsi causé un découvert important à la Banque Scotia. La preuve de la somme exacte perdue par la banque n'a pas été établie, mais le juge Jean-Paul Braun a évoqué « probablement 10 millions et plus » après la lecture du jugement.

Entre avril et juillet 2002, les deux tiers des 6296 transferts de fonds effectués par Paie-Maître n'étaient pas liés aux affaires courantes de l'entreprise, a révélé la preuve de la poursuite dans le procès. Ces sommes transférées entre les deux comptes bancaires de l'entreprise dans un ping-pong quasi quotidien s'élevaient à pas moins de 643 millions de dollars seulement durant cette période.

Ce stratagème de kiting ou de « tirage à découvert » permettait à Claude Pantaloni d'obtenir pour une courte période des sommes importantes en profitant du temps s'écoulant entre le traitement des sommes inscrites au débit et portées au crédit. Par exemple, le 12 octobre 2001, l'entreprise de l'accusé a débité le compte de son client, l'entreprise Lassonde, de 1,7 million, puis l'a crédité de 1,3 million le jour même. Le solde dû de 325 000 $ était ensuite compensé par la paie du 15 octobre. Puis, pendant quatre jours d'affilée, on inscrivait au débit et au crédit aussitôt 1,4 million, ainsi de suite.

Selon le juge Braun, ces sommes n'ont pas été choisies au hasard et ont été « habilement calculées » par l'accusé. « Les opérations avec Lassonde et les montants spécifiques de ces opérations démontrent une habileté comptable et une façon détournée d'obtenir du crédit sans le demander », explique le juge. La BMO a finalement découvert le stratagème en juin 2002, poussant l'entreprise de l'accusé à la faillite.

Claude Pantaloni a témoigné pendant le procès que les transactions aller-retour jugées irrégulières n'étaient que des « tests ». Toutefois, le juge n'a pas cru cette version en raison du « nombre et [de] la fréquence » des opérations. Le juge Braun souligne également la « manipulation » et le « manque d'honnêteté » de l'accusé qui prétendait ne pas connaître le kiting, alors qu'il a une formation en comptabilité à HEC Montréal.

« C'est un coup dur pour M. Pantaloni. C'était toute [s]a vie », a conclu le juge Braun, après la lecture de sa décision. Dans la salle, le septuagénaire à la stature imposante n'a pas bronché. Les observations sur la peine auront lieu le 7 février prochain.