Le magazine L'actualité a présenté son nouveau visage, mercredi, et si ses journalistes ne sont pas près de divulguer leurs sources d'information, le nouveau propriétaire du magazine, Alexandre Taillefer, n'a pas hésité, lui, à dévoiler ses nouvelles sources de revenus.

Le magazine a ainsi conclu deux partenariats desquels il espère tirer des revenus additionnels pour soutenir la pérennité de sa publication.

D'une part, il s'associe au voyagiste Uniktour pour offrir à ses lecteurs des voyages quasi journalistiques. La première offrande consiste en un voyage en Afrique du Sud avec la journaliste Lucie Pagé et un voyage en Israël et en Palestine avec la journaliste Ginette Lamarche.

«Plutôt que d'avoir Uniktour qui paye une page de publicité 15 000$, on fait le pari d'être capables de générer suffisamment de ventes pour générer des revenus pour nos pages de magazine», a expliqué M. Taillefer lors d'un entretien avec La Presse canadienne en compagnie du rédacteur en chef, Charles Grandmont, au moment du lancement de la nouvelle mouture de la revue.

«Si on vend une centaine de voyages, c'est une unité d'affaires qui pourrait générer peut-être un million de dollars de revenus. Il va y avoir une rentabilité qui va être générée par cette entreprise et une répartition de cette rentabilité (entre L'actualité et Uniktour)», a-t-il expliqué.

Charles Grandmont se défend toutefois de se livrer ainsi à du reportage publicitaire: «Est-ce qu'il va y avoir un article après sur un sujet sur le terrain? Oui. Est-ce qu'il va y avoir un article sur le fabuleux voyage que vous allez faire? Non. Ça, ce serait du publireportage et on n'est pas du tout dans ce cadre-là», insiste-t-il.

«Lucie (Pagé) et Ginette (Lamarche) ne seraient pas associées à nous dans une optique de publireportage», a-t-il ajouté pour chasser cette conception.

D'autre part, la revue organisera des grandes conférences avec ateliers animés et encadrés par ses journalistes en partenariat avec l'atelier O'Dandy. Trois de ces conférences sont prévues pour 2018 sur les thèmes de l'avancement des femmes en entreprise, la surcharge mentale et l'intelligence artificielle. Là aussi, les revenus seront partagés entre les deux partenaires.

L'actualité mettra également sur pied le même genre de boutique que celle créée pour Voir, boutique qui consiste à vendre aux lecteurs des bons d'achat offerts par des annonceurs en échange d'espace publicitaire.

«Sans cette stratégie, Voir aujourd'hui serait mort, confie Alexandre Taillefer. Les bons d'achat, ça amène des gens dans les boutiques, dans les places d'affaires et c'est ce qui fait leur succès.»

Retour des publicitaires?

Par ailleurs, Alexandre Taillefer souligne que la tendance est au retour du balancier en matière de publicité. Il note ainsi que de plus en plus de grands annonceurs se détournent de la publicité en ligne, sur les réseaux sociaux et autres supports numériques, n'y voyant pas la terre promise par les «clics» qu'on leur avait vendue.

«Il y a eu une espèce de poudre de perlimpinpin qui a été utilisée par les médias pour faire croire que des clics égalent performance», affirme M. Taillefer.

«Moi, je peux vous dire que si vous avez 140 000 vues sur L'actualité, ça va être meilleur que 14 millions de clics sur un média où il n'y a pas de pertinence, où il n'y a pas de profondeur, où il n'y a pas de lien de confiance.»

«On se rend compte qu'il y a un retour du balancier», poursuit l'homme d'affaires, visiblement passionné. Il fait valoir que l'un des joueurs les plus importants et les plus visionnaires sur la planète en matière de publicité, le géant Procter & Gamble, a récemment annoncé une diminution très importante de son budget publicitaire sur les médias sociaux et sur les médias numériques pour être réorienté dans les magazines.

«On le voit nous-mêmes: quand on regarde le nombre de publicités qu'il y a dans L'actualité ce mois-ci, il y a définitivement un retour vers les médias traditionnels. Il y a un intérêt d'être associé à un contenu de qualité pertinent.»

Alexandre Taillefer se garde bien, toutefois, de s'en remettre à cette source de revenus qu'il estime au mieux cyclique.

«L'avenir des médias, c'est leur capacité à monétiser leur propre audience, à ne plus compter sur des annonceurs, mais à développer nous-mêmes des solutions pour monétiser nos audiences, que ce soit avec des produits, des services ou autre», plaide-t-il.

Magazine d'extrême centre

Côté éditorial, Charles Grandmont affirme se positionner «à l'extrême centre», en ce sens qu'il entend laisser la porte ouverte, comme le veut la tradition du magazine, à «la variété des opinions, des débats et des intervenants».

«Ça nous apparaît absolument essentiel comme positionnement, alors que les extrêmes polarisent la société. Il faut que les gens de tous points de vue puissent s'y retrouver», fait-il valoir.

Quant au magazine lui-même, celui-ci présente une facture graphique rafraîchie et un contenu plus volumineux avec l'ajout de nouveaux collaborateurs et de nouvelles chroniques. L'impression est réalisée sur un papier de plus haute qualité avec une reliure haut de gamme, un pari audacieux à une époque où l'utilisation du papier comme support est remise en question dans plusieurs médias.

«Nous sommes convaincus que l'imprimé demeure le meilleur média pour fournir de l'information de profondeur à ses lecteurs, soutient M. Grandmont, qui ne cache pas son affection pour la technologie Gutenberg, même si celle-ci date du 15e siècle.

Cela n'empêche pas L'actualité d'intensifier aussi son offre de contenu sur le web, notamment avec des vidéos, des baladodiffusions et des reportages interactifs.

La direction prévoit créer une «zone abonnés», où une partie des contenus - grands reportages, grands dossiers - seront offerts en exclusivité aux abonnés durant 60 jours.

«Parallèlement, des contenus web vont continuer d'exister et d'être accessibles gratuitement afin de rejoindre le plus large public possible. Plus les gens vont nous fréquenter sur le web, plus on aura de chances qu'ils migrent vers l'abonnement», espère-t-il.