Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont entamé mercredi des discussions pour renégocier le traité de libre-échange nord-américain (ALENA) en reconnaissant d'emblée que la tâche serait «difficile».

«Le premier défi est de trouver un terrain d'entente entre les trois pays et ce sera sans aucun doute un processus difficile», a déclaré Ildefonso Guajardo Villarreal, le négociateur en chef du Mexique, lors d'une déclaration à la presse aux côtés de ses homologues canadien et américain. Un point de vue partagé par le négociateur des États-Unis Robert Lighthizer.

Imposée par le président américain Donald Trump qui en a fait une priorité de sa politique, la modernisation de ce traité commercial, vieux de près d'un quart de siècle, est incontournable, ont unanimement souligné les pays, réunis jusqu'à dimanche à Washington.

«L'ALENA est un grand succès pour les trois pays mais nous sommes aussi d'accord qu'il faut le moderniser», a commenté M. Guajardo Villarreal, exhortant ses partenaires à regarder vers l'avenir plutôt que se tourner vers le passé, «pour embrasser les innovations du 21e siècle».

Le Mexique s'est engagé «à obtenir un accord gagnant gagnant pour les trois pays», a-t-il insisté.

Mais Washington entend avant tout s'attaquer au problème du déséquilibre de sa balance commerciale avec le Mexique, qui, depuis la signature du traité, est passée d'un excédent de 1,6 milliard de dollars à un déficit de près de 64 milliards de dollars.

«Nous devons faire en sorte que ce déficit colossal se résorbe et que nous ayons plus d'équilibre réciproque», a insisté le représentant américain au Commerce (USTR) Robert Lighthizer.

«Pour le seul secteur automobile, le déficit avec le Mexique s'élève à 68 milliards», a-t-il poursuivi, faisant état par ailleurs de la suppression «d'au moins» 700 000 emplois aux États-Unis en raison de l'ALENA.

Le président Trump lui-même n'a eu de cesse de dénoncer l'ALENA qu'il qualifie de «désastre», lui attribuant la responsabilité de nombreuses disparitions d'emplois aux États-Unis.

Il a sur cette question le soutien d'une partie de l'opposition démocrate. L'une des parlementaires de ce parti, Rosa DeLauro, avait affirmé mardi que «l'ALENA est directement responsable de la délocalisation d'un million d'emplois bien rémunérés».

L'ALENA est toutefois devenu vital pour l'économie mexicaine: 80% des exportations mexicaines, essentiellement des biens manufacturiers comme les voitures mais aussi des produits agricoles, sont destinées aux États-Unis.

Mexique «proactif»

Avec le Canada, à la fois plus grand client et plus grand fournisseur d'énergie des États-Unis, le débat devrait être plus apaisé.

«Je suis heureuse de souligner que si l'on regarde la balance commerciale des biens et services, nous avons une relation commerciale extrêmement équilibrée et même quasiment parfaitement équilibrée», a commenté la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, lors d'une conférence de presse.

Plus tôt, elle avait estimé que la renégociation du traité était «un projet historique» et souligné que la zone de libre-échange nord-américaine était «la plus grande zone économique du monde».

«Le Canada, les États-Unis et le Mexique représentent conjointement le quart du PIB (Produit intérieur brut) mondial avec 7% de la population mondiale», a-t-elle précisé.

La ministre, qui s'attend à «vivre des moments dramatiques» lors de cette renégociation, a rappelé les objectifs «clairs» du Canada dont protéger le traité «comme créateur d'emplois et de croissance économique», «harmoniser» ses règles et «inclure ce qui a trait aux normes du travail, à l'environnement, à l'égalité des sexes et aux autochtones».

De son côté, le Mexique compte jouer «un rôle proactif» dans les discussions avec «l'objectif de renforcer la compétitivité de l'Amérique», a expliqué M. Guajardo Villarreal.

Un point de cristallisation sera sans doute la révision du mécanisme de règlement des litiges commerciaux, connu sous le nom de «chapitre 19», qui permet d'arbitrer les différends en matière de droits compensateurs et de dumping.

Les États-Unis entendent supprimer ce dispositif qui, jusqu'à présent, a été favorable au Canada, notamment sur le contentieux du bois de construction.

Ce litige a connu de nombreux rebondissements depuis 1983, les producteurs américains accusant leurs homologues canadiens d'exporter ce bois aux États-Unis à un prix de dumping, c'est-à-dire inférieur aux coûts de production.

Sur la question du «chapitre 19», les Canadiens pourront compter sur le soutien des Mexicains qui souhaitent eux aussi le maintien de ce dispositif.

Les discussions de cette semaine constituent le premier round d'une série d'au moins sept organisés à tour de rôle dans les trois pays. Le deuxième round aura lieu au Mexique le 5 septembre avant le troisième au Canada à une date non communiquée.