Alors que le gouvernement Trudeau demande de nouvelles conditions de licence télé pour protéger la production de séries originales francophone, le seuil de 75 % demandé par les producteurs télé n'effraiera pas Bell Média, qui consacre déjà 93 % de ses dépenses en contenu canadien à des productions originales francophones.

Des quatre groupes télé francophones, seul Bell Média a rendu publiques ses dépenses en production originale pour ses chaînes francophones, des chiffres déposés par l'entreprise lors des audiences du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) sur les licences télé, l'automne dernier. 

Pour ses huit chaînes spécialisées (sa neuvième chaîne, RDS, est exclue du calcul et des licences par groupes), Bell Média consacre 93 % de ses dépenses en contenu canadien à la programmation originale francophone, soit 78,25 millions en production originale sur des dépenses en contenu canadien de 84,50 millions en 2014-2015. 

Groupe TVA, Groupe V Média et Corus ont soumis leurs chiffres de production originale francophone de façon confidentielle au CRTC, et aucun intervenant n'a contesté la confidentialité durant les audiences. Les trois groupes n'ont pas répondu hier à la demande de La Presse de connaître le montant et le pourcentage de leurs dépenses en production originale.

LES PRODUCTEURS DEMANDENT 75 %

Le gouvernement Trudeau a exigé, lundi, que le CRTC révise ses décisions du mois de mai sur les licences télé de Groupe TVA, Bell Média, Groupe V Média et Corus au sujet de la production originale francophone. Depuis mai, aucune des 31 chaînes de télé n'avait de conditions de licence sur la production originale.

Comme lors de l'audience initiale du CRTC l'automne dernier, l'Association québécoise de la production médiatique (AQPM), qui représente les producteurs télé, demandera que chaque groupe télé soit forcé de dépenser 75 % de son budget en contenu canadien pour des productions originales comme des séries télé réalisées en français au pays.

« C'est essentiel, on a vu le ressac [quand le CRTC a annoncé ses décisions en mai]. [...] Nous avons été échaudés par la réaction des diffuseurs au lendemain des conditions de licence. » - Hélène Messier, PDG de l'AQPM

« Nous voulons préserver des emplois et un public [pour la production originale francophone]. La compétition est grande pour les contenus, il faut préserver cet intérêt du public pour les productions locales », a ajouté Mme Messier, en entrevue à La Presse.

En plus des 75 % pour les dépenses de groupe, l'AQPM aura des « demandes bien ciblées, étant donné l'attitude des diffuseurs » pour certaines chaînes comme Séries+ et Historia, propriété de Corus, ainsi que VRAK, propriété de Bell Média.

Avant la décision de mai dernier du CRTC, seulement trois chaînes de télé sur les 31 chaînes visées par les licences francophones avaient une condition de licence liée à la production originale : Séries+ devait dépenser 1,5 million par an, Historia devait y consacrer 75 % de ses dépenses en contenu canadien et VRAK devait produire pour 104 heures par an. L'AQPM demandera aussi à ce que le CRTC remette en vigueur une condition de licence liée à la production originale pour ces trois chaînes spécialisées.

Selon les chiffres fournis au CRTC par Bell Média, la chaîne VRAK consacre 95 % de ses dépenses en contenu canadien à des productions originales. En 2014-2015, VRAK a dépensé 11,8 millions en productions originales, sur un total de 12,4 millions en dépenses en émissions canadiennes. Pour RDS, la neuvième chaîne de Bell Média qui possède une licence distincte, 100 % de ses dépenses en émissions canadiennes sont de la production originale. Les dépenses en production originale de Séries+ et Historia ont été soumises confidentiellement au CRTC par Corus.

Le Groupe TVA a indiqué hier avoir « toujours cru dans le contenu original francophone » mais a réitéré « la nécessité d'un système réglementaire flexible dans un contexte de concurrence devenue planétaire », a indiqué l'entreprise dans un communiqué. 

Bell Média, le Groupe V Média et Corus n'ont pas commenté hier la décision du gouvernement Trudeau d'ordonner un nouvel examen de leurs licences au CRTC pour protéger la production indépendante francophone. 

Par communiqué de presse, l'Union des artistes du Québec et un front commun d'organismes artistiques ont « félicité le leadership » du gouvernement Trudeau et espèrent « que le nouveau président du CRTC [Ian Scott] tienne compte de la volonté politique clairement exprimée ».