Faire de Montréal la « Silicon Valley » de l'intelligence artificielle : c'est l'objectif d'Element AI, une plateforme bien particulière lancée hier à Montréal par des entrepreneurs, des chercheurs et des investisseurs technologiques. Le point en quatre questions.

Qu'est-ce qu'Element AI ?

Lancée en grande pompe hier soir, cette nouvelle entreprise se définit comme une « usine à start-up ». Son objectif : créer des dizaines d'entreprises en démarrage et des centaines d'emplois à Montréal dans le domaine de l'intelligence artificielle. Son modèle d'affaires n'est pas simple à comprendre. Disons que vous êtes une banque qui cherche à mieux détecter la fraude grâce à l'intelligence des ordinateurs. Vous allez cogner à la porte d'Element AI, qui regroupe autant des chercheurs universitaires que des entrepreneurs. Grâce à son expertise de pointe, le groupe vous pondra un produit qui répond à vos besoins. Puis, dans le meilleur des mondes, Element AI créera une entreprise afin de commercialiser le produit et le développer davantage. « Nous voulons créer la prochaine vague de grandes entreprises technologiques ici, à Montréal », a affirmé hier Jean-François Gagné, PDG d'Element AI.

Qui est derrière Element AI ?

Le groupe compte quatre cofondateurs. Les deux premiers, Jean-François Gagné et Nicolas Chapados, sont des entrepreneurs en série qui ont lancé des entreprises dans le domaine de l'intelligence artificielle. Le troisième est Yoshua Bengio, un chercheur de l'Université de Montréal considéré comme l'un des plus grands experts mondiaux de l'apprentissage profond, un domaine de pointe de l'intelligence artificielle. M. Bengio est souvent décrit comme l'un des derniers chercheurs de haut calibre à n'avoir pas cédé aux offres des géants comme Google et Facebook. « Il n'y a pas que l'argent dans la vie, et je tiens à mon indépendance », a-t-il dit hier à La Presse, confirmant s'être fait solliciter par les géants technologiques. Element AI est finalement soutenu par Real Ventures, un fonds de capital de risque montréalais dont le métier est de miser de l'argent sur des entreprises en démarrage dans l'espoir de les voir exploser.

Qu'est-ce que l'intelligence artificielle ?

Lorsque Netflix vous suggère des films à regarder ou que vous parlez à Siri dans votre iPhone, vous utilisez l'intelligence artificielle. On peut dire que la discipline vise à imiter certaines des fonctions du cerveau humain. Les gens d'Element AI font le pari que l'intelligence artificielle s'étendra bientôt à tous les domaines industriels.

« Nous sommes dans une période de changements technologiques sans précédent. C'est la plus grande opportunité depuis l'arrivée de l'internet », a dit Jean-François Gagné, PDG d'Element AI. Les fondateurs croient par exemple que l'intelligence artificielle aidera bientôt autant les vérificateurs comptables à détecter les transactions frauduleuses que les entreprises à gérer les horaires de leurs employés, sans oublier évidemment les fameuses voitures qui se conduisent seules.

« On ne parle pas d'un buzz en l'air, soutient M. Bengio. On a déjà parlé à des entreprises qui ont des problèmes très intéressants à régler, mais personne pour les aider. Et ce ne sont pas Facebook et Google qui vont le faire pour eux. »

Une des particularités des algorithmes d'intelligence artificielle est qu'ils sont capables d'apprendre de leurs erreurs, ce qui fait qu'ils s'améliorent sans cesse.

Montréal peut-il vraiment devenir une plaque tournante du domaine ?

Si Yoshua Bengio est la figure de proue de la recherche universitaire en intelligence artificielle à Montréal, il est loin d'être seul. « Nous avons 150 chercheurs dans le domaine à Montréal, une centaine à l'Université de Montréal et une cinquantaine à McGill. C'est unique au monde », a dit hier M. Bengio. Montréal compte aussi l'Institut de valorisation des données, ou Ivado, qui regroupe notamment l'Université de Montréal et des partenaires comme Hydro-Québec et CAE, et qui vient de recevoir un financement fédéral de 93 millions.

Element AI veut miser sur cette « masse critique » pour créer un bouillonnement qui freinerait l'énorme pouvoir d'attraction sur les chercheurs créé par des entreprises comme DeepMind, au Royaume-Uni, ou Facebook et Google, aux États-Unis. Le groupe est resté discret sur son financement, mais a affirmé que d'autres partenaires seront annoncés dans les prochaines semaines.

Photo Olivier Jean, La presse

Yoshua Bengio, chercheur de l'Université de Montréal, Jean-François Gagné, entrepreneur, et Jean-Sébastien Cournoyer, cofondateur de Real Ventures

Photo Elijah Nouvelage, Archives Reuters

Les voitures qui se conduisent seules, actuellement développées par quelques entreprises, sont un exemple d'utilisation de l'intelligence artificielle. Sur la photo, un prototype présenté par Google.