Accusé de délit d'initiés, David Baazov affirme qu'il lui arrive fréquemment de perdre son téléphone cellulaire.

Cette information relayée à La Presse par le principal intéressé est importante, car l'Autorité des marchés financiers (AMF) a révélé le mois dernier que l'ex-PDG de l'entreprise montréalaise Amaya avait changé de cellulaire avant que les enquêteurs ne puissent saisir l'appareil dans le cadre de leur enquête pour délit d'initiés.

David Baazov affirme que c'est parce qu'il l'avait encore une fois égaré qu'il l'a remplacé.

L'AMF s'est rendu compte que le cellulaire de l'ex-PDG d'Amaya avait été changé au lendemain de la perquisition menée dans les bureaux de l'entreprise de Pointe-Claire le 10 décembre 2014. Le gendarme boursier québécois se voit ainsi incapable de récupérer, notamment, le contenu des messages textes de l'appareil aujourd'hui introuvable.

« David Baazov a souvent perdu son téléphone dans le passé », a indiqué jeudi à La Presse son porte-parole Ian Robertson.

Par exemple, dit-il, le lendemain de la perquisition réalisée par l'AMF le 10 décembre 2014 dans les bureaux d'Amaya, David Baazov est monté à bord d'un avion à Atlanta en oubliant son cellulaire branché sur la recharge à l'aéroport.

« Il a aussi perdu son téléphone à deux autres reprises cette année-là », précise Ian Robertson. Une fois en octobre 2014 et une autre fois le 22 décembre 2014, dit-il.

« C'est simplement une succession de malchances qui ont frappé quelqu'un qui était passablement occupé à diriger une entreprise publique très active. »

Le 10 décembre 2014, les enquêteurs étaient repartis du siège social d'Amaya avec six boîtes de documents papier, quatre ordinateurs et trois disques durs. Mais sans téléphone intelligent.

Selon l'AMF, le « nouveau » téléphone de David Baazov a finalement pu être saisi dans le cadre d'une perquisition subséquente effectuée à sa résidence neuf mois plus tard, soit le 16 septembre 2015. L'AMF affirme que l'analyse du cellulaire saisi lui permet de savoir que ce téléphone a été activé le 11 décembre 2014.

Cette analyse suscite par ailleurs une certaine confusion, car David Baazov a fait savoir à La Presse jeudi qu'il avait de nouveau perdu son téléphone le 22 décembre 2014.

Appelé à éclaircir la situation, Ian Robertson a indiqué que puisque l'enquête se poursuivait, il préférait ne pas commenter davantage.

L'enquête pour délit d'initiés a été déclenchée il y a deux ans après l'annonce de l'achat de la maison mère du site PokerStars par Amaya au prix de 5 milliards US.

Les enquêteurs continuent d'éplucher des documents et n'ont toujours pas accès aux cellulaires et ordinateurs personnels d'autres acteurs importants de cette affaire, comme Josh Baazov, le frère de David, et son associé Craig Levett.

DROIT AU SILENCE

D'autre part, l'avocate de David Baazov a affirmé jeudi devant le Tribunal administratif des marchés financiers que son client avait un « droit constitutionnel au silence », puisqu'il fait face à des accusations formelles de délit d'initiés. Sophie Melchers, du cabinet Norton Rose Fulbright, répondait ainsi au procureur de l'AMF, Philippe Levasseur, qui reproche à David Baazov de ne pas s'être déplacé pour venir témoigner afin d'apporter un démenti aux faits allégués à son endroit.

Sophie Melchers est également revenue jeudi sur les propos formulés la veille par l'avocat de l'AMF voulant que les dossiers de délits d'initiés soient « quasi exclusivement » toujours présentés avec des éléments de preuve circonstancielle, et non pas de preuve directe. « Le nombre de jugements qui sont favorables aux régulateurs est extrêmement petit. Pourquoi ? Parce que c'est difficile. Ça prend une preuve [directe] de communications », a dit Sophie Melchers qui avait fait admettre à l'AMF qu'elle ne détenait pas de preuve directe que de l'information privilégiée avait été transmise dans des appels téléphoniques précédant une série de transactions survenues au cours des six dernières années.

Dans son plaidoyer, l'avocate de David Baazov a reproché son manque de transparence à l'AMF et a accusé l'organisme de dresser un portrait tronqué dans sa présentation des faits allégués. Sophie Melchers espère avoir convaincu le tribunal de revoir ses conclusions selon lesquelles David Baazov serait à l'origine d'une importante fuite d'informations privilégiées qui aurait profité à une douzaine d'intimés.

Le tribunal devrait rendre sa décision dans les prochains mois.