La lutte de pouvoir s'intensifie chez le groupe de médias américain Viacom, plusieurs membres du conseil d'administration se disant officiellement prêts à aller en justice pour contester leur éventuel limogeage, sur lequel les médias spéculent depuis plusieurs jours.

«Nous contesterons ce prétendu limogeage s'il arrive», prévient le principal administrateur indépendant du groupe, Frederic Salerno, dans une lettre aux actionnaires rendue publique lundi, disant s'exprimer également au nom des cinq autres membres indépendants du conseil d'administration.

M. Salerno explique réagir à la «spéculation» croissante sur un projet de l'actionnaire majoritaire de Viacom, le milliardaire Sumner Redstone, pour débarquer la quasi-intégralité du conseil d'administration, y compris le PDG Philippe Dauman.

Une telle décision pourrait être l'objectif ultime d'un bras de fer opposant Philippe Dauman à la famille Redstone, et notamment à la fille du magnat, Shari, avec laquelle il est en conflit ouvert.

Le PDG de Viacom avait déjà été débarqué il y a une dizaine de jours du conseil d'administration de National Amusements, la société à travers laquelle la famille Redstone contrôle la majorité du capital de Viacom ainsi que d'un autre groupe de médias américain, CBS. Il a parallèlement été radié du «trust» chargé de gérer les actifs de la famille en cas de décès ou d'incapacité de Sumner Redstone, qui vient de fêter ses 93 ans.

Philippe Dauman avait dénoncé une «manipulation» de Shari Redstone et saisi la justice pour être rétabli parmi les administrateurs du trust.

De la même manière, les membres du conseil d'administration estiment «inexplicable» l'idée que Sumner Redstone puisse les débarquer «en agissant de sa propre initiative et avec la compétence mentale pour le faire», écrit M. Salerno. Ils estimeraient donc avoir «la responsabilité de contester en justice» une telle décision.

Sumner Redstone n'est pratiquement plus apparu en public depuis deux ans, alimentant les rumeurs sur son état de santé. Un juge de Los Angeles avait toutefois rejeté pas plus tard que début mai une plainte d'une de ses ex-compagnes affirmant qu'il n'avait plus toute sa tête.

Bras de fer sur Paramount

Sumner Redstone n'a jusqu'ici ni confirmé, ni démenti vouloir remplacer le conseil d'administration et le patron de Viacom. Le milliardaire «prendra chaque décision (...) en se basant sur les meilleurs intérêts des actionnaires», avait juste indiqué un porte-parole vendredi après les premières informations de presse.

Au-delà de la question des dirigeants, le bras de fer se cristallise autour de l'avenir des studios Paramount, dont la prise de contrôle en 1994 avait été l'un des grands faits d'armes permettant à Sumner Redstone de bâtir son empire des médias.

Philippe Dauman a annoncé fin février qu'il cherchait à en céder un morceau, mais Sumner Redstone a fait savoir le week-end dernier qu'il y était opposé.

Dans sa lettre lundi, M. Salerno affiche l'intention du conseil de poursuivre l'examen d'une potentielle transaction, faisant valoir que c'est «une étape importante» pour tenter d'améliorer les performances de Viacom, dont le conseil avoue n'être «pas satisfait».

Il reconnaît toutefois qu'en continuant sur cette voie, les administrateurs s'exposent effectivement à un limogeage si la compétence mentale de Sumner Redstone est confirmée.

La perspective d'un départ de Philippe Dauman, dont plusieurs investisseurs activistes ont critiqué ces derniers mois le manque d'actions convaincantes face à la concurrence croissante de la vidéo en ligne, semble en tout cas pour l'instant réjouir Wall Street.

L'action Viacom a bondi de 13% en une semaine pour clôturer vendredi soir à 44,24 dollars. Elle reste toutefois loin de son pic historique de 2014, où elle avait frôlé les 90 dollars.