L'inévitable transformation des médias, les "buzz" des réseaux sociaux et la situation des artisans du web. Voilà quelques thèmes abordés jeudi lors d'un panel sur l'avenir des médias traditionnels, la première grande conférence en français à C2 Montréal en cinq ans.

Le panel réunissait Marie-France Bazzo, Guy A. Lepage, le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, et le directeur de rédaction de Paris Match, Olivier Royant.

Guy A. Lepage a exprimé de façon pragmatique la réalité des médias numériques et des artisans qui y oeuvrent. Et ce, tout en mettant en parallèle celle des artisans travaillant dans les médias traditionnels. « En 1997, le fait d'avoir fait Un gars, une fille à la télé nous a permis de vendre le concept à l'international, explique-t-il. Mais en 2014, par exemple, j'aurais probablement poussé le concept sur le web. Puis, au bout d'un an et demi, la comédienne Sylvie Léonard, m'aurait dit : "Guy, j'adore jouer dans Un gars, une fille, mais je dois gagner ma vie et on vient de me proposer un contrat au théâtre !" »

L'animateur de Tout le monde en parle reconnaît que le web est une carte de visite exceptionnelle. « Mais ce n'est pas un modèle rentable, juge-t-il. Pour les créateurs, l'argent est encore à la télé. Le web attire des milliards de revenus, mais c'est payant pour les chaînes YouTube. Les Facebook, Cogeco, Vidéotron et Bell Média ne sont pas obligés de réinvestir dans le web, par exemple, pour favoriser la production locale. Les créateurs vont donc continuer d'être sous-payés. »

« Au bout de 10 ans, une vedette du Net va vivre avec trois colocataires, alors que des gens autour se seront mis riches. L'avenir du web passe par le respect des créateurs qui font vivre la bête », assure Guy A. Lepage.

Ce web est toutefois incontournable et les médias traditionnels doivent en tenir compte, ensuite s'adapter, se transformer... tout en ne laissant pas de côté ce qu'ils sont à la base, selon les panélistes. « La transformation des médias ne fait que commencer, soutient Guy Crevier, de La Presse. Elle va amener une consommation différente et des changements dans les entreprises. Au début, ils sont tous pareils et se copient. Combien sont allés sur le web avec un mur payant ? Les médias de demain sont ceux qui vont se différencier. Avec La Presse+, on est les premiers au monde à offrir un quotidien sur tablette. Il a fallu changer la culture de l'entreprise. On a l'impression d'avoir inventé un nouveau média. »

AMENER LES AUDITOIRES AILLEURS

Et ces nouveaux médias permettent des mesures de lectorat précis et une offre de contenu plus ciblée. Un avantage et un désavantage, selon Marie-France Bazzo. « Il faut écouter le public, mais c'est important d'amener les auditoires ailleurs, estime l'animatrice et éditrice du mensuel numérique BazzoMag. Il faut monter le niveau d'information. Le public ne sait pas tout le temps où il veut aller. Il ne faut pas écouter que les sondages pour savoir quoi écrire. »

Et il faut éviter les « buzz » sur les réseaux sociaux, parfois trompeurs, parfois séduisants pour un éditeur de contenu, selon Olivier Royant, de Paris Match. Et ce, à une époque où l'information pullule et où l'auditoire plus jeune se construit son propre fil de presse numérique. 

« Les médias traditionnels doivent partager des histoires que les lecteurs ont envie de lire et les amener sur de nouveaux territoires, dit M. Royant. Le problème, selon le journaliste Fareed Zakaria, c'est que les gens vont chercher sur Facebook des infos qui les rassurent. Quel genre d'individu vais-je être si je ne trouve que des infos qui renforcent mes convictions ? »