La chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera, qui fêtera en novembre son 20e anniversaire, a annoncé dimanche 500 nouveaux licenciements, alors que le paysage médiatique mondial est en pleine transformation et que l'émirat qui l'a lancée fait face à des difficultés économiques.

Les 500 postes supprimés s'ajoutent aux 700 autres appelés à disparaître avec la chaîne Al-Jazeera America qui mettra la clef sous la porte dans un mois, selon une annonce faite mi-janvier.

Au total, le nombre d'employés d'Al-Jazeera passera d'environ 5200 à 4000, soit une réduction d'effectifs de plus de 20 %.

Dans un communiqué dimanche, la chaîne d'information a annoncé que sa direction avait décidé de supprimer « environ 500 postes à travers le monde, dont une majorité au Qatar », où se trouve le siège d'Al-Jazeera.

Selon un responsable, 60 % des licenciements, soit 300 emplois, pourraient concerner le personnel basé au siège de Doha.

Le directeur général par intérim d'Al-Jazeera, Mostefa Souag, a assuré que les suppressions d'emplois étaient destinées à « optimiser » la productivité et à « faire évoluer le travail [de la chaîne] afin qu'elle conserve une position de leader ».

La décision a été « difficile à prendre », a souligné M. Souag, ajoutant: « Nous sommes toutefois convaincus qu'il s'agit d'une bonne décision pour assurer la compétitivité à long terme de notre réseau ».

Un responsable de la chaîne a indiqué à l'AFP que les premiers licenciements pourraient intervenir dès la semaine prochaine et que la plupart des départs ne concerneraient pas des journalistes.

Des employés ont indiqué dimanche qu'Al-Jazeera English serait épargnée par ce plan de départs.

« Paranoïa »

Un membre du réseau, qui a souhaité conserver l'anonymat, a dit à l'AFP que les suppressions d'emplois étaient anticipées depuis des mois et que cela avait créé « beaucoup de paranoïa » chez le personnel qui attendait simplement une annonce officielle.

« Depuis la mi-janvier, on nous disait la semaine prochaine, puis la semaine d'après, il y avait beaucoup de spéculations », a-t-il expliqué.

Le réseau d'information d'Al-Jazeera diffuse dans plusieurs langues. Il dispose de près de 80 bureaux à travers le monde et, selon la chaîne, Al-Jazeera English est reçue chaque jour dans 270 millions de foyers.

Al-Jazeera Arabic compte 27 millions de téléspectateurs quotidiens et la chaîne en ligne AJ+ a comptabilisé quelque 1,2 milliard de vues depuis son lancement en septembre.

Al-Jazeera America fermera fin avril, faute d'avoir su trouver son public et d'avoir généré un modèle économique « viable », selon une note interne.

Fondée il y a près de 20 ans par le gouvernement du Qatar, Al-Jazeera continue d'avoir une audience significative dans le monde arabe, bien que celle-ci ait apparemment baissé ces dernières années au profit d'autres chaînes qui ont fait leur entrée sur le marché.

Ses détracteurs affirment qu'Al-Jazeera accorde beaucoup de place aux islamistes et, en particulier, à la confrérie des Frères musulmans, ce qui a provoqué une grave crise avec l'Égypte du président Abdel Fattah al-Sissi. Ce dernier a renversé le président issu de cette confrérie Mohamed Morsi à l'été 2013.

Les suppressions d'emplois ont été annoncées au moment où le Qatar, un gros producteur de gaz mais également de pétrole, fait face à un effondrement des prix de ces sources d'énergie.

L'émirat prévoit un déficit budgétaire de plus 12 milliards de dollars en 2016, le premier en 15 ans.

En décembre, le jeune émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a mis en garde contre les dangers de l'État-providence. Il a estimé que la chute des prix des hydrocarbures pourrait aider à « corriger les phénomènes négatifs » ayant accompagné l'accumulation des richesses, comme « le gaspillage, les sureffectifs et le manque de responsabilité ».

Selon Khaled Hroub, professeur à la Northwestern University du Qatar, Al-Jazeera avait besoin d'une « secousse ».

Les responsables qataris, explique-t-il, « tentent d'adresser un message audacieux à chacun, y compris à leurs propres citoyens, selon lequel la politique actuelle de réductions [budgétaires] est très sérieuse en raison de la baisse continue des prix du pétrole ».