Le chef de l'opposition péquiste à l'Assemblée nationale, Pierre Karl Péladeau, nie que des succursales d'entreprises aient été créées dans des paradis fiscaux à l'époque où il était président de Québecor.

Dans le cadre d'une entrevue à l'animateur Paul Arcand, au 98,5 FM lundi, le chef du Parti québécois a affirmé que des sociétés ayant des succursales dans des pays où le régime fiscal est avantageux avaient bel et bien été créées, mais par des entreprises desquelles Québecor s'est porté acquéreur, et ce, avant que Québecor s'en porte acquéreur.

De telles sociétés avaient été créées sous le règne de la famille Chagnon, a-t-il affirmé. Québecor a plus tard acquis Vidéotron de la famille Chagnon.

M. Péladeau a martelé que ce n'est donc pas lui qui avait créé ces sociétés, qu'elles n'avaient pas été créées à l'époque où il dirigeait Québecor et que leur existence était antérieure à son acquisition de Vidéotron auprès de la famille Chagnon.

Il a réitéré ainsi les affirmations qu'il avait déjà faites par l'intermédiaire des médias sociaux, après un premier reportage en ce sens réalisé par le quotidien La Presse vendredi concernant Québecor World, le plus grand imprimeur commercial au monde, dont Québecor était l'actionnaire de contrôle jusqu'en 2009.

«S'il devait y avoir eu des entités de ce type, c'est qu'elles existaient déjà dans les entreprises dont nous avons fait l'acquisition, notamment dans certaines filiales de Vidéotron, et nous les avons démantelées au fil du temps», avait-il écrit.

Le chef péquiste s'en est aussi pris à Radio-Canada, qui a laissé entendre dans un reportage diffusé dimanche - en vue de son émission Enquête qui sera diffusée jeudi - que de telles sociétés avaient été créées pendant sa présidence. «Ce sont des graves accusations qui sont faites à mon endroit», s'est-il exclamé.

Il a affirmé avoir même donné instructions qu'il n'y ait «pas de structures fiscales exotiques» au sein de Québecor.

Interrogé à savoir si d'autres membres de la direction auraient pu se servir de telles succursales à l'étranger, M. Péladeau a dit ne pas croire que cela se soit fait. Et cela aurait été contraire à ses instructions, a-t-il ajouté.

Quant à Québecor World, il a noté qu'il était administrateur à l'époque et qu'il ne dirigeait pas lui-même cette entreprise. À une certaine époque, Québecor World avait des intérêts dans 200 imprimeries, a-t-il noté.

M. Péladeau a été président et président et chef de la direction du conglomérat Québecor et de Québecor Média.

M. Péladeau a aussi qualifié le reportage de «pétard mouillé», répétant que ces sociétés n'avaient pas été créées lorsqu'il dirigeait Québecor.

Interrogé par l'animateur à savoir s'il allait poursuivre Radio-Canada, M. Péladeau a noté qu'il attendrait de voir ce que ferait la société maintenant.

Québecor a aussi diffusé un communiqué lundi au sujet du reportage de Radio-Canada qui fait, selon l'entreprise, des allégations mensongères. L'entreprise réaffirme qu'elle n'a jamais créé de compagnies dans des juridictions qualifiées de «complaisantes» en matière de fiscalité.

Toutefois, depuis la création de sa filiale Québecor Média en octobre 2000, Québecor dit avoir fait l'acquisition de nombreuses entreprises. Parmi celles-ci, elle dit avoir hérité de compagnies enregistrées dans de tels territoires, mais n'avoir jamais bénéficié d'avantages fiscaux relativement à celles-ci. Elle prétend les avoir toutes démantelées depuis, sans exception.

«Les compagnies QUEBECOR LTD. Cayman Islands, TCG VIDEOTRON CAYMAN, LTD. et Le Groupe Vidéotron Ltée à la Barbade n'ont jamais été créées, détenues, ni même utilisées par Québecor ou Québecor Média», est-il écrit dans le communiqué.

L'entreprise ajoute que «tout propos faisant état du contraire est totalement faux et mensonger» et même diffamatoire.

À Milan où il prend part à une mission économique, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, n'a pas voulu commenter les détails de la controverse. Il a affirmé qu'il appartenait au chef de l'opposition officielle de répliquer. «Ce sont ses enjeux, pas les miens», a-t-il dit.

«Ça illustre la situation dans laquelle lui-même se place: il est l'actionnaire de contrôle de l'entreprise dont il est question et il est chef de parti. Ce n'est pas une situation anodine et ça ne doit pas être traité de façon anodine», a commenté M. Couillard.

Interrogé sur la question de l'évitement fiscal - à ne pas confondre avec l'évasion fiscale, puisque le premier concept est légal - M. Couillard a affirmé que ce thème n'était pas propre au Québec ou au Canada, mais qu'il était «planétaire».

Loin des préoccupations des Québécois

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, croit pour sa part que les pratiques fiscales de Québecor sont loin des préoccupations de la population.

À l'occasion d'un caucus des députés de la CAQ, à Bromont, M. Legault a de plus affirmé que l'entreprise qu'il a lui-même dirigée, Air Transat, n'a jamais ouvert de filiale dans un paradis fiscal.

Par la suite, il a reconnu que Transat avait eu une filiale à la Barbade, une information déjà rendue publique il y a deux ans, afin de conserver des crédits d'impôt sur des pertes déclarées dans une filiale du transporteur aérien en France.

«On souhaite que le gouvernement fédéral et les pays dans le monde s'entendent pour réduire l'utilisation des paradis fiscaux, a-t-il dit. Maintenant, pour ce qui est de la situation exacte de Québecor, c'est à M. Péladeau à répondre.»

M. Legault a estimé que les questions soulevées par la situation de Québecor constituent une diversion aux problèmes économiques qui préoccupent les Québécois.

«Malheureusement, on est très loin des préoccupations des Québécois, a-t-il dit. Les Québécois sont inquiets pour leurs emplois, sont inquiets pour leur pouvoir d'achat, quand ils regardent leur RÉER fondre depuis un mois.»

M. Legault a affirmé qu'Air Transat n'a jamais ouvert de filiale dans un pays où «il n'y avait pas d'impôt».

Pourtant, en 1996, peu avant que M. Legault quitte l'entreprise, une filiale, Transat A.T. (Barbados) Ltd, avait été créée à la Barbade.

«C'était une façon, qui était permise, de transférer des dépenses, pour que ces dépenses-là, qui n'étaient pas déductibles en France, parce qu'il n'y avait pas de revenus, qu'on puisse le faire en déduisant des revenus, mais en payant tous les impôts au Québec, comme si l'entreprise était au Québec», a-t-il expliqué ensuite.

Selon M. Legault, cette façon de faire ne constitue pas une stratégie d'évitement fiscal.

«Ce n'était pas pour faire de l'évitement fiscal, c'était une façon d'utiliser certaines dépenses qui avaient été faites en France, mais ce n'était pas pour payer moins ou pas d'impôts», a-t-il dit.

Philippe Couillard ne commentera pas

À Milan, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, n'a pas voulu commenter les détails de la controverse. Il a affirmé qu'il appartenait au chef de l'opposition officielle de répliquer. «Ce sont ses enjeux pas les miens.»

Il a tout de même poursuivi: «ça illustre la situation dans laquelle lui-même se place: il est l'actionnaire de contrôle de l'entreprise dont il est question et il est chef de parti. Ce n'est pas une situation anodine et ça ne doit pas être traité de façon anodine», a commenté M. Couillard.

Interrogé sur la question de l'évitement fiscal - à ne pas confondre avec l'évasion fiscale, puisque le premier concept est légal - M. Couillard a affirmé que ce thème n'était pas propre au Québec ou au Canada, mais qu'il était «planétaire», mondial.

- La Presse Canadienne