À la mi-décembre, La Presse Affaires a transmis par courriel cinq questions aux huit responsables de la recherche économique des banques canadiennes et du Mouvement Desjardins. Tous devaient y répondre en une cinquantaine de mots. L'exercice est moins facile qu'il n'y paraît, ce qui a entraîné quelques débordements, marqués heureusement par beaucoup de substance.

Depuis qu'il est gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz a cherché officieusement à affaiblir le huard pour stimuler les exportations manufacturières. Est-il sur le point de réussir ? Sinon que devra faire la Banque encore ?



Beata Caranci, vice-présidente et économiste en chef Groupe Banque TD : La Banque du Canada n'a pas de taux de change cible. En aurait-elle un que ça ne marcherait pas. La faiblesse du huard, c'est avant tout les bas prix du pétrole et la divergence entre nos taux de croissance et d'intérêt avec deux de nos voisins du Sud. La compétitivité accrue des biens canadiens devrait se refléter dans l'amélioration des exportations au cours de 2016. Comme la Banque du Canada, Recherches économiques TD s'attend à ce que les exportations jouent un rôle de premier plan dans l'activité économique, d'autant plus que les cycles de consommation et d'habitation s'essoufflent. Cela dit, le rythme d'expansion des exportations ne sera sans doute pas comme par le passé. D'autres monnaies se sont aussi dépréciées face au billet vert. La compétitivité de ces pays a aussi augmenté aux États-Unis. Enfin, désormais, les exportations répondront moins aux variations du change qu'à la demande étrangère. Au bout du compte, la croissance en 2016 augmentera par rapport à la faible performance de 2015, mais au rythme modeste de 1,7 %. Si la croissance des exportations reste faible à cause de la faiblesse de la demande étrangère, alors l'expansion sera en deçà de cette faible prévision. De même, une augmentation rapide des coûts d'emprunt par effet de contagion des taux américains ralentira davantage la consommation et l'habitation. En pareil cas, la Banque du Canada pourrait abaisser encore ses taux. Toutefois, cela arrivera seulement en cas de faiblesse manifeste de l'économie.

François Dupuis, vice-président et économiste en chef, Mouvement Desjardins : La Banque du Canada vient d'indiquer qu'elle n'est pas à cours d'outils pour continuer, au besoin, d'assouplir sa politique monétaire en dépit du fait que les taux directeurs sont déjà très faibles. Selon la situation, elle pourrait opter pour des indications prospectives, des achats massifs de titres, des mesures de soutien au crédit ou des taux d'intérêt directeurs à zéro, voire négatifs. À divers degrés, ces mesures pourraient affaiblir davantage le huard.

Derek Holt, vice-président, recherches économiques, Banque Scotia : La Banque est rendue à un carrefour où elle doit se préoccuper des avantages et des inconvénients pour la croissance d'une monnaie plus faible. La dépréciation massive entrave le pouvoir d'achat des consommateurs puisque nous importons en grande partie ce que nous achetons et que nous pouvons bien imparfaitement substituer par des produits canadiens. Je suis aussi d'avis que les avantages pour la compétitivité des exportations non liées aux ressources seront plus limités au cours du présent cycle.

Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint, Valeurs mobilières Banque Laurentienne : La dépréciation du huard est causée surtout par la chute du prix des commodités. Un rebond du prix du pétrole en 2016 ferait remonter notre pétrodollar, augmentant la probabilité d'une baisse du taux directeur. Maintenir un huard concurrentiel est primordial pour ne pas contrecarrer l'élan positif des exportations ex-commodités.

Stéfane Marion, économiste en chef, Banque Nationale : Le huard a déjà énormément baissé au cours des deux dernières années : une dépréciation record de 30 %. Cette baisse est principalement attribuable à la faiblesse du prix des denrées de base plutôt qu'aux actions de la Banque du Canada. Au niveau actuel de 72 cents U.S., je ne pense pas que la BdC ait besoin d'intervenir directement pour affaiblir davantage la devise, d'autant plus qu'un stimuli budgétaire est imminent.

Douglas Porter, économiste en chef, BMO, Marchés des capitaux : Si l'objectif officieux de la Banque consistait à affaiblir le huard, elle a réussi au-delà de ses rêves les plus fous. La devise a enregistré sa plus grande chute en l'espace deux ans. La question, c'est désormais : est-ce qu'un huard si affaibli va entraîner davantage d'exportations non énergétiques. Je le crois, mais les gains vont sans doute continuer de décevoir quelque peu.

Avery Shenfeld, économiste en chef, CIBC : Les actions de la Banque du Canada, qui ont culminé en 2015 avec des baisses de taux tandis que la Fed s'apprêtait à commencer à les augmenter, ont affaibli le huard. Quelques manufacturiers et exportateurs de services en profitent déjà tandis que d'autres ont besoin d'une économie mondiale plus dynamique et de plus de temps pour rebâtir des capacités disparues quand le dollar était surévalué. La faible croissance des derniers mois du secteur manufacturier américain diminue les commandes de leurs fournisseurs canadiens. Au bout du compte, il s'agit d'un chantier à très long terme, d'une décennie peut-être, avant qu'il ne soit complété. La Banque du Canada peut contribuer à garder le taux de change compétitif, même si la reprise du secteur pétrolier sera lente, en prenant plus de temps que la Fed pour augmenter les taux d'intérêt au cours des prochaines années.

Craig Wright, économiste en chef, RBC : La préférence présumée de la Banque du Canada pour une monnaie affaiblie représente un seul des éléments qui contribuent aux difficultés du huard. Parmi les plus significatifs, on retrouve la faiblesse des prix des biens de base, la montée du billet vert et une Fed qui amorce une hausse de son taux tandis que les taux canadiens vont sans doute demeurer bas durant longtemps. La relance des exportations va aller de pair avec la robustesse de l'économie américaine et une monnaie affaiblie.

La Réserve fédérale américaine navigue à contre-courant des banques centrales en amorçant la normalisation de son taux directeur. Comment peut-elle éviter que cela entraîne une nouvelle appréciation du billet vert et des taux des obligations corporatives américaines et étrangères ?



B.C. La décision de la Réserve fédérale d'augmenter les taux reflète des fondements économiques meilleurs que ceux de ses pays pairs. Ces fondements se matérialisent dans la robustesse du marché du travail et de la demande intérieure. Toutefois, la Fed a très clairement indiqué sa volonté d'ajuster les taux à un rythme modeste par rapport aux cycles passés. Ce climat d'investissement devait se détériorer et créer de l'instabilité sur les marchés financiers, alors la Fed ralentirait davantage le rythme de son resserrement afin d'assurer la stabilité de l'expansion économique.

F.D. Il sera difficile d'éviter une autre période d'appréciation du dollar américain et une remontée des taux obligataires. Néanmoins, la Fed devrait relever ses taux très graduellement, et ce, avec beaucoup de prudence et de doigté. Cela permettra d'atténuer les mouvements indésirables sur les différentes places financières. Mentionnons également que le resserrement monétaire américain est déjà en partie escompté, ce qui devrait limiter les mouvements futurs du billet vert et des taux obligataires.

D.H. La Fed a bien géré la réaction du marché obligataire à sa première hausse de taux en une décennie en réinvestissant les obligations venues à échéance qu'elle détient. Ce faisant, elle en achète plus longtemps qu'on ne l'a cru. Une monnaie forte a beaucoup moins d'effet sur la croissance américaine que dans les autres économies industrialisées en raison du poids relativement faible des exportations si on le compare à l'ampleur du marché intérieur des États-Unis. En outre, à mesure que les autres monnaies, l'euro en particulier, s'affaiblissent face au dollar, cela va relancer leur économie et mitiger les effets négatifs des actions de la Fed.

S.L. La poursuite des bonnes communications de la part de la Fed permettra d'éviter des tumultes sur les marchés financiers. Nous anticipons seulement deux hausses de 25 points de base en 2016 puisque l'appréciation passée de la devise américaine nuit déjà aux exportateurs américains et l'endettement mondial dépasse 400 % du PIB.

S.M. La Réserve fédérale devra faire preuve de doigté dans sa communication afin d'éviter de devoir majorer ses taux de façon séquentielle. Dans un contexte où l'inflation est faible, la Fed a toute la latitude pour majorer de façon sporadique. Qui plus est, en advenant que l'économie mondiale se replace quelque peu, d'autres banques centrales pourraient enclencher elles aussi un cycle de resserrement (Mexique et autres pays émergents) ou être moins agressives dans leur opération de détente quantitative (Japon, BCE), le potentiel d'appréciation du dollar US devient plus limité et une dépréciation, très possible.

D.P. La Fed ne peut pas grand-chose contre la poussée du dollar américain et nous prévoyons qu'il va continuer de s'apprécier en 2016. Un dollar fort va limiter ses hausses de taux et nous en voyons trois tout au plus, l'an prochain. Compte tenu que c'est ce à quoi les marchés s'attendent, ces hausses modestes de taux auront peu d'effet sur les marchés des devises.

A.S. Le gros de l'appréciation du billet vert associé à une hausse tandis que les autres banques sont en attente s'est déjà matérialisé dans les taux de change. La Fed aura soin d'emprunter une voie très douce dans la poursuite de son resserrement, pour éviter que le dollar s'apprécie davantage. À noter que le déficit commercial crée des flux qui contiennent la montée du billet vert. Une pause dans les taux d'intérêt après mars prochain pourrait permettre au dollar de céder en partie son appréciation récente. La Fed est disposée à tolérer l'augmentation graduelle des taux obligataires pendant son resserrement, mais elle va tenter d'empêcher une flambée dangereuse des taux en soulignant qu'elle serrera la vis plus lentement qu'au cours des cycles précédents.

C.W. La Fed amorce un cycle de resserrement prudent et conditionnel. Le billet vert travaille un peu pour la Fed en affaiblissant les perspectives d'exportations. Mis à part le secteur extérieur, l'économie intérieure demeure robuste grâce aux dépenses de consommation et la reprise des investissements tandis que se desserrent les pressions fiscales. En présumant que la Fed va réussir à orchestrer une hausse graduelle des taux d'intérêt, la demande intérieure va continuer de soutenir la croissance.

La Banque centrale européenne puise de plus en plus dans la boîte à outils élaborée par Ben S. Bernanke. Peut-elle aller encore beaucoup plus loin dans la détente quantitative (DQ) sans provoquer les dissensions publiques de l'Allemagne ?

B.C. L'ultime mandat de la BCE est d'assurer la stabilité des prix dans la zone euro. Elle doit y parvenir sans préjudice pour demeurer crédible et efficace. Si l'environnement économique n'est pas conforme à ses attentes, elle déploiera tout ce qui lui paraît adéquat pour réaliser son mandat qui, ultimement, suppose un niveau élevé d'emploi et une croissance équilibrée. Toutefois, la conduite de la politique monétaire devra aussi tenir compte des avantages liés à plus de détente par rapport aux risques qui viennent avec sur les marchés financiers par l'entremise des liquidités ou d'autres pressions. La BCE devra naviguer à travers ces forces divergentes susceptibles de soulever les dissensions d'un ou de quelques pays. Cela dit, il n'est pas dans l'intérêt d'un pays d'atténuer les efforts de la BCE pour stabiliser tout l'ensemble économique. Pour l'instant, semblent avoir foi dans l'expansion soutenue, mais modeste, de la zone euro. La BCE souligne sa volonté de garder les taux bas longtemps. Tous comprennent que la divergence des politiques monétaires va perdurer quelque temps.

F.D. La BCE affirme qu'elle peut encore agir avec l'ensemble de ses outils actuels, ce qui inclut une hausse additionnelle de ses achats d'actifs. Un tel scénario deviendrait probable dans l'éventualité où l'économie eurolandaise montrerait de nouveaux signes de faiblesse et si l'inflation tardait à augmenter. Dans ce contexte, les réticences de l'Allemagne seraient plus mitigées.

D.H. Oui. La BCE doit forger une politique monétaire pour tenir compte des conditions auxquelles font face l'économie et les marchés de la zone euro. C'est un peu comme la Réserve fédérale et la Banque du Canada qui ne peuvent laisser des conditions régionales compromettre une politique conçue en fonction de l'évolution de l'ensemble de l'économie.

S.L. Il est difficile d'aller plus loin puisque les banques centrales de la zone euro et du Japon continueront leurs efforts pour stabiliser le marché des devises. On préférera attendre de voir si les effets des remèdes administrés auront les effets attendus et d'y aller d'ajustements mineurs au besoin.

S.M. Je pense qu'il sera difficile pour la BCE d'en faire beaucoup plus étant donné que la transmission de la politique monétaire semble finalement s'opérer pour la première fois en cinq ans (hausse des prêts bancaires aux entreprises et ménages). Dans ces conditions, M. Draghi aura effectivement mal à partir avec l'Allemagne s'il désire faire plus de DQ.

D.P. Je crois que la BCE peut aller plus loin, mais pas à pas. Il y a deux ans à peine, il aurait été inconcevable que l'Allemagne tolère quelque forte de détente quantitative que ce soit. Mais, puisque l'inflation est faible et stable, il semble que l'Allemagne se laisse convaincre que la DQ ne menace pas vraiment la stabilité des prix.

A.S. L'Allemagne ne s'opposera pas à la poursuite de la détente quantitative tant que l'inflation sera suffisamment ténue. Tout en nous attendant à ce que l'inflation augmente dans la zone euro quand les prix du pétrole vont commencer à remonter l'an prochain, les prix de base vont demeurer plutôt stables, compte tenu des capacités excédentaires considérables en Europe.

C.W. La BCE va tout faire pour rétablir les perspectives de croissance et ramener le taux d'inflation près de la cible de 2 %. Avec des taux d'intérêt négatifs, elle se concentrera encore sur la taille de son bilan, qui devrait grossir davantage en 2016. Les perspectives de croissance s'améliorent à mesure que le secteur financier prend du mieux. Si la croissance devait défaillir, la BCE prendra d'autres mesures d'assouplissement.

La Banque d'Angleterre est la seule banque centrale qui puisse peut-être songer à augmenter son taux directeur en 2016. La désinflation et la chute des prix du pétrole vont-elles l'en empêcher ?

B.C. La Banque d'Angleterre est prête à emboîter le pas à la Fed dans un cycle de resserrement bien graduel. Les attentes des marchés repoussent toutefois cette première hausse. Les participants aux marchés estiment à 50-50 les probabilités d'une hausse au printemps. Une hausse plus tard durant l'été paraît plus probable. Cela est causé par la décélération des augmentations de salaire qui sont passées de près de 4 % au début de 2015, à moins de 2 %, dernièrement. Cela laisse beaucoup de marge à la banque pour agir avec précaution. Cela dit, le désir d'augmenter les taux reste très grand puisque la robuste croissance de l'emploi tend le marché du travail au point où le taux de chômage est redescendu à des niveaux d'avant la récession.

F.D. Les pressions désinflationnistes devraient être moins fortes en 2016 avec la stabilisation prévue des prix du pétrole, et même une remontée de ceux-ci en seconde moitié d'année. La tenue d'un référendum sur le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Brexit) pourrait avoir un plus grand impact dans la décision de hausser ou non le taux directeur.

D.H. Ce n'est pas complètement vrai. On s'attend à ce que la Fed serre aussi la vis en 2016. D'autres suivront probablement. Plusieurs banques centrales latino-américaines l'ont déjà fait ces derniers jours. Selon moi, la chose à faire pour les pays qui sont des importateurs nets de pétrole est de mettre l'accent sur les avantages plutôt que les inconvénients des faibles prix du pétrole.

S.L. La désinflation présentement importée en Angleterre tirera éventuellement à sa fin. Le gouverneur Carney veut éviter une surchauffe de l'économie anglaise en signalant aux ménages de se préparer à des taux plus élevés afin d'assurer le retour de l'inflation vers la cible de 2 %, sans contrecarrer la croissance déjà respectable.

S.M. Pour M. Carney, tout dépendra de la croissance européenne et de sa capacité à surprendre à la hausse. Nous ne pouvons pas écarter une majoration du taux directeur dès 2016.

D.P. Mark Carney a montré à maintes reprises, tant au Canada qu'en Grande-Bretagne, qu'il aboie plus qu'il ne mord en matière de taux d'intérêt. On peut déjà imaginer que la Banque d'Angleterre reste en touche en 2016, surtout si les prix du pétrole continuent de baisser. Cela dit, nous croyons que l'inflation va commencer à monter au Royaume-Uni l'an prochain et que la Banque va augmenter ses taux en milieu d'année.

A.S. Notre projection que la Banque d'Angleterre soit celle qui suive la Fed dans l'amorce d'un resserrement est vulnérable à un choc inattendu qui ralentisse la croissance ou les pressions inflationnistes. À ce jour, il reste toutefois peu de capacités excédentaires dans l'économie britannique pour empêcher la Banque de commencer à augmenter son taux directeur en 2016. Même si l'inflation est temporairement faible à cause de la chute des prix du pétrole et de l'effet non récurrent de la force de la livre sterling sur les biens importés, les salaires augmentent, ce qui est un indicateur avancé du raffermissement des prix. Comme la Fed, la Banque d'Angleterre doit surveiller l'effet de ses hausses de taux sur le taux de change. Voilà pourquoi l'équipe de Mark Carney pourrait attendre jusqu'en milieu d'année avant de donner le premier tour de vis.

C.W. Les attentes d'un resserrement par la Banque d'Angleterre sont systématiquement repoussées. La croissance semble encourageante, ce qui suggère que l'inflation va doucement s'accélérer. Cela va dissiper la nécessité de garder les taux d'intérêt à des creux historiques. En conséquence, on peut s'attendre à de modestes hausses de taux en 2016.

En 2016, la Banque populaire de Chine va se lancer dans des programmes d'emprunts internationaux libellés en renminbis. Comment cela risque-t-il d'affecter les taux d'intérêt obligataires mondiaux ?

B.C. D'un vilain petit canard durant l'été aux yeux des marchés financiers, la Chine est devenue un cygne aux yeux du FMI, en décembre. Le yuan chinois est devenu la cinquième monnaie de réserve dans le panier du FMI. C'est un geste symbolique pour légitimer le yuan sur la scène mondiale et encourager la réforme financière en cours en Chine. Cette initiative devait avoir peu d'influence sur les marchés financiers au début. La Chine doit encore créer bien des canaux pour assurer la profondeur et la liquidité de ses marchés financiers. Cela prendra des années. À ce défi, s'ajoute le rythme plus lent de la croissance chinoise qui inclut beaucoup de changements structurels peu susceptibles d'inciter les investisseurs à convertir leurs avoirs en actifs libellés en yuans. Comme on l'a vu durant l'été, la réforme des marchés chinois ne se fera pas sans faux pas. Cela signifie de la volatilité. Nous allons observer avec soin en 2016 et après comment la Chine va composer croissance rapide et soutenabilité dans la réforme de ses marchés financiers et la conversion d'une croissance fondée sur les investissements en une expansion axée sur la consommation.

F.D. Cela risque très peu d'affecter les taux d'intérêt mondiaux. Il faudrait que le volume de ces emprunts soit très élevé pour avoir un effet notable. Par ailleurs, si ces emprunts en renminbis ne font que remplacer des emprunts qui auraient été faits dans d'autres devises, cela ne modifie pas l'encours mondial du crédit.

D.H. Au mieux, très modestement à court et à moyen terme. Il s'agit davantage d'efforts pour favoriser la convertibilité du renminbi et son attrait sur les marchés de change mondiaux.

S.L. Il est trop tôt pour savoir si cette nouveauté sera une goutte d'eau dans l'océan ou non. Certes, l'émission, en octobre dernier, de 787M $ d'une obligation 12 mois au taux de 3,1 % a attiré les investisseurs. L'avenir nous dira si le marché a de l'appétit pour des émissions plus massives.

S.M. Bien que les programmes d'emprunt demeurent très modestes pour l'instant, nous assistons tout de même à un changement important qui va mener à une intégration beaucoup plus profonde de la Chine au sein du système financier mondial. À mesure que les programmes d'emprunt prendront de l'ampleur au cours des prochaines années, nous devrions assister à une certaine pression à la hausse sur les taux d'intérêt (probablement plus à partir de 2017).

D.P. Commencer à emprunter sur les marchés mondiaux dans sa devise fait partie des efforts de la Chine pour mondialiser le yuan. Je ne crois pas que ce geste aura grand effet sur les taux d'intérêt mondiaux. Ce qui les fait bouger bien davantage c'est le taux de croissance sous-jacente de la Chine. Tant que le taux de croissance ralentit, comme nous le prévoyons pour 2016, les prix des biens de base et l'inflation mondiale seront plafonnés, tout comme les taux d'intérêt.

A.S. Nous ne considérons pas que la décision de la BPC d'emprunter en renminbis puisse avoir d'effet tangible sur les taux des obligations libellées en d'autres monnaies.

C.W. Nous n'avons jamais vu autant de banques centrales si accommodantes durant si longtemps. Puisque la Fed commence à prendre ses distances et que la Banque d'Angleterre va la suivre, la tendance dominante sur le marché obligataire en sera une d'augmentation graduelle des taux. À moins d'un dérapage, nous ne nous attendons pas à ce qu'un développement en Chine change le cours escompté des taux d'intérêt.