Les problèmes des journaux et magazines canadiens ne devraient pas disparaître en 2016.

Lorsqu'ils préparent leurs campagnes, les annonceurs délaissent les médias imprimés à une cadence qui ne devrait pas donner de signes de ralentissement dans les quatre prochaines années, selon un nouveau rapport.

La firme de recherche EMarketer, une source de données pour l'industrie de la publicité, s'attend à ce que les ventes nationales de publicités pour les médias imprimés «diminuent de façon soutenue» de 4,5 points de pourcentage d'ici 2019, les annonceurs allouant une portion croissante de leurs budgets pour les plateformes numériques comme les vidéos, les téléphones intelligents et les réseaux sociaux.

«Le haut niveau de précision dans le ciblage du numérique et les données avancées attirent une plus grande partie des budgets publicitaires», a expliqué EMarketer dans son rapport, publié cette semaine.

Cela s'inscrit dans le cadre d'un changement qui s'impose maintenant depuis des années, mais s'intensifie discrètement.

Les avancées technologiques ont engendré des outils d'analyse de données en temps réel qui aident les grandes entreprises à suivre la progression de leurs campagnes en ligne.

En outre, les plateformes sociales comme Facebook, Twitter et Instagram ont connu une hausse fulgurante de popularité et permettent d'obtenir de précieuses informations sur leurs utilisateurs et leurs intérêts, ce qui permet de leur transmettre des publicités adaptées à leurs goûts.

Les annonceurs sont devenus plus futés lorsque vient le temps de dépenser leur argent, et ils lancent maintenant des campagnes en ligne tout en réduisant la priorité du secteur imprimé.

Un changement profond



C'est une perspective inquiétante pour les médias canadiens, mais une réalité qui est bien reconnue par l'association mondiale des journaux et des éditeurs d'actualités, un consortium à but non lucratif de médias imprimés. Ce regroupement a officiellement observé, plus tôt cette année, qu'un «changement profond» avait eu lieu dans le secteur mondial des journaux.

«La prémisse de base du modèle d'affaires de l'actualité - la subvention que les annonceurs ont longtemps fourni au contenu d'actualité - est disparue», a expliqué le secrétaire général de l'organisation, Larry Kilman, dans un communiqué plus tôt cette année.

«Nous pouvons librement dire que les lecteurs sont devenus la plus grande source de revenus des éditeurs.»

Les experts de l'industrie publicitaire canadienne sont généralement d'accord pour dire qu'ils sont à la recherche de nouveaux endroits où dépenser leurs budgets.

«Les plus vieux modèles sont en train de céder leur place», a observé Dan Snow, fondateur de Snow Digital, un développeur de stratégie de marque pour les petites et moyennes entreprises. «Il y a un changement de taille dans leur pointe de tarte.»

Les annonceurs présents dans les journaux représenteront 20%, soit environ 2,65 milliards $, de l'ensemble des dépenses en marketing en 2016, et EMarketer calcule que ce chiffre va reculer jusqu'à 16,5% d'ici 2019.

La croissance des publicités numériques, cependant, va bondir pendant cette période, prenant 10% dès l'an prochain pour atteindre 4,8 milliards $. D'ici quatre ans, elle représentera 41,7% des dépenses d'ensemble.

Ce chiffre comprend les médias sociaux - Facebook, Instagram et autres - qui devraient eux-mêmes croître de 25,7% l'an prochain pour représenter 767,7 millions $ des dépenses en marketing du secteur, avant de franchir le cap du milliard $ un an plus tard.

«Les médias sociaux sont de plus en plus présents, alors que les sociétés prennent de la maturité et se fient plus à l'analyse», a fait valoir Andrew Reid, le fondateur de Vision Critical, qui se spécialise dans les plateformes de logiciels intelligents pour les entreprises.

«Pour les (médias) traditionnels, le défi réside dans le fait qu'il faut beaucoup de temps pour faire sortir le message, alors que le marché bouge très rapidement.»

Selon M. Reid, le milieu du marketing a encore beaucoup à apprendre sur les médias sociaux, mais plusieurs se montrent plus stratégiques et sont plus méticuleux dans leur approche, et ils misent sur toute la connaissance disponible au sujet de leurs consommateurs.

«Les annonceurs traditionnels représentent essentiellement le modèle "vaporiser et prier", a-t-il illustré. Ils sortent le tuyau d'arrosage et ils espèrent qu'ils vont asperger le plus de gens possible.»

Certains des plus grands médias imprimés se sont tournés vers leur propre solution pour convaincre les annonceurs de rester avec eux.

En septembre, le Toronto Star a lancé son application pour tablette électronique Star Touch - officiellement inspirée de celle du quotidien montréalais La Presse - pour rester proactif face aux demandes des annonceurs et pour attirer un plus jeune public. En 50 jours, le Toronto Star a indiqué que son application avait été téléchargée plus de 100 000 fois sur des tablettes iPad d'Apple. Le lancement de l'application pour les tablettes Android a eu lieu plus tôt en décembre.

Mais malgré tout, les pressions qui accablent l'éditeur continuent de faire de l'ombre à ses efforts.

Le mois dernier, Torstar, la société mère du Toronto Star et le propriétaire de divers autres journaux en Ontario, a réduit de moitié son dividende, en plus d'avertir les investisseurs de la pression croissante du marché publicitaire pour les médias imprimés.

Postmedia, qui a récemment abandonné son édition tablette du soir, n'affiche guère de meilleures perspectives pour la nouvelle année. Son président et chef de la direction, Paul Godfrey, a indiqué aux investisseurs que les réductions de coûts étaient une des principales priorités pour l'entreprise.

De son côté, La Presse s'apprête à abandonner, en janvier, son édition quotidienne en papier, pour se concentrer presque exclusivement sur son application pour tablette, La Presse +. Seule l'édition du samedi sera encore imprimée.