Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec abandonnent la stratégie du mur payant sur leurs sites internet, où tous les contenus seront désormais offerts gratuitement. La direction du quotidien l'a annoncé dans les pages hier. Les murs payants avaient été mis en place en septembre 2013.

Plusieurs forfaits existaient, que l'on soit abonné ou non aux versions papier des quotidiens, que l'on consulte les textes des chroniqueurs d'opinion, les reportages d'enquêtes... «Le forfait à 6,95$ par mois est celui qu'on a tenu le plus longtemps, cite Mathieu Turbide, directeur des contenus numériques pour les journaux du Groupe Média de Québecor, à titre d'exemple. Mais ce n'était pas une formule figée.»

Un échec, ces murs payants pour l'entreprise? «Pas du tout, répond Mathieu Turbide. La stratégie du mur payant a toujours été transitoire, afin de protéger le contenu papier. Car on avait quand même un lectorat très fort dans le papier. On ne voulait pas que le contenu soit totalement gratuit. Mais évidemment, avec les réseaux sociaux, notre objectif est de progresser. Donc, le mur payant ne correspondait plus à nos objectifs pour joindre le plus de gens possible.»

«Habituellement, une telle décision signifie qu'on ne tirait pas beaucoup de revenus du mur payant, analyse Francine Marcotte, vice-présidente médias de l'agence Cossette. Mais grâce à la gratuité, le site du Journal de Montréal pourra ainsi s'attirer une plus grande part d'auditoire, donc une plus grande part d'annonceurs. Et il y aura plus de choix pour les annonceurs.»

Le site Journaldemontreal.com compte 2,5 millions de visiteurs uniques, dont 1,1 million sur mobile, selon comScore. La fréquentation du site et de celui du Journal de Québec a explosé depuis un an et demi, selon Mathieu Turbide. «On a doublé le lectorat. Ça nous force à comprendre comment nos lecteurs nous lisent, à avoir une vision différente du modèle d'affaires.»

De multiples modèles



Depuis la création du premier mur payant, celui du Wall Street Journal en 1997, les modèles des quotidiens se sont multipliés. Les réussites et les tests non concluants également.

Même le New York Times a annoncé la fin du contenu payant en août dernier sur son application. «Le modèle des murs payants dans le monde n'a jamais été unique, clair, explique Mathieu Turbide. Les quotidiens l'ont utilisé de façons diverses. La réflexion est continue. En Europe, il y a beaucoup de murs payants, mais il y a une tendance au retrait.»

Le quotidien Le Devoir a toujours un mur payant sur son site web, qui s'active au-delà d'un certain nombre d'articles lus par mois. La Presse n'a pas de mur payant.

«Aucun modèle ne s'est imposé, estime aussi Bernard Motulsky, titulaire de la chaire de relations publiques et communication marketing de l'UQAM. On est encore dans la mutation. Quand il y a un mur payant avec du contenu très recherché, ça a plus de chances de fonctionner. On est prêt à payer pour ce qu'on ne peut trouver ailleurs.»

Les modèles s'élargissent toutefois dans une industrie (les médias imprimés) qui a vu fondre ses revenus publicitaires de 30 milliards US entre 2006 et 2014 aux États-Unis, selon le Pew Research Center.

Le Journal de Montréal, qui annonçait du même coup hier une association avec Facebook pour la publication d'articles dans Instant Articles, compte sur la tendance en croissance de lecture sur téléphone intelligent pour attirer des revenus. «Cette association avec Facebook vise directement le téléphone mobile, soit l'appareil qui connaît la plus forte croissance», expliqué Mathieu Turbide.

Plus de 44% des adultes québécois accèdent à des nouvelles à l'aide d'un appareil mobile à une fréquence hebdomadaire, selon une enquête du CEFRIO. Mais si 31% des Québécois consultent les nouvelles sur leur téléphone intelligent, la province est loin derrière les Américains (44%) et l'Australie (59%).