La Réserve fédérale américaine (Fed) devrait attendre de voir des «signes tangibles» d'une hausse de l'inflation aux États-Unis avant de relever ses taux directeurs, a estimé le Fonds monétaire international dans un rapport publié jeudi.

«La première hausse des taux fédéraux (devrait) attendre jusqu'à ce que les progrès continus sur le marché du travail s'accompagnent de signes tangibles d'une inflation remontant régulièrement vers l'objectif de la Réserve fédérale de 2%», indique ce document publié en prélude au sommet du G20 d'Antalya (Turquie) dimanche et lundi.

Après des mois de spéculations, la Réserve fédérale pourrait décider lors de sa prochaine réunion en décembre de relever ses taux pour la première fois depuis 2006, au motif que l'économie américaine serait assez solide pour supporter ce changement de cap.

Le FMI a plusieurs fois plaidé pour davantage de patience, en pointant notamment le faible niveau de l'inflation américaine (actuellement proche de zéro) et les risques d'un changement de cap prématuré.

Dans un entretien à l'AFP, le chef économiste du FMI Maurice Obstfeld avait ainsi assuré «qu'agir trop tôt était plus risqué».

«Si pour une raison ou une autre la Fed doit revenir sur cette première hausse, les marchés verraient ça comme quelque chose d'extrêmement important», avait-il argumenté.

Dans leur note, les experts du FMI rappellent également que la hausse des taux américains pourrait «accroître» la volatilité des marchés et se traduire par une «inversion des flux de capitaux» au détriment des pays émergents.

Le Fonds prévient également que la transition économique de la Chine pourrait être «mouvementée» et provoquer des «perturbations» dans les pays habitués à exporter en masse des matières premières vers Pékin.

Charles Evans de la Fed veut aussi attendre 

Un responsable de la Fed a de nouveau préconisé jeudi d'attendre encore avant de relever les taux d'intérêt aux États-Unis et d'adopter ensuite «une approche très graduelle» vers une normalisation des taux.

Dans un discours, Charles Evans, président de l'antenne régionale de la Fed de Chicago, reconnaît que «la plupart» de ses collègues au sein du Comité monétaire (FOMC) «pensent qu'il sera approprié de relever les taux cette année», lors de la réunion des 15 et 16 décembre.

Il rappelle que les projections des membres de la Fed misent sur un relèvement des taux à environ 3,5% d'ici fin 2018 alors qu'ils sont proches de zéro depuis sept ans. Selon lui, «cette trajectoire reviendrait en moyenne à une hausse de 25 points de base (0,25%) lors d'une réunion sur deux du Comité monétaire», soit tous les trois mois pendant trois ans.

«À mes yeux, il faut être encore plus patient que cela», a affirmé M. Evans, membre votant du FOMC, qui estime que les taux d'intérêt sur les fonds fédéraux devraient rester en dessous de 1% pendant toute l'année 2016.

Une des principales raisons à sa prudence est l'atonie de l'inflation. «Je suis beaucoup moins confiant dans le fait que l'inflation atteigne notre objectif dans un délai raisonnable», a-t-il estimé, ajoutant que les perspectives d'une croissance plus lente en Chine et dans les pays émergents, ainsi que les bas prix de l'énergie et des importations empêchaient une remontée de l'inflation.

La Fed souhaite atteindre une inflation de 2% alors qu'elle n'est que de 0,2% actuellement, selon l'indice PCE. La majorité des membres du Comité prévoient que la hausse des prix atteindra ce niveau de 2% fin 2017 mais M. Evans se dit «beaucoup moins convaincu».

Il craint que le FOMC ne fasse «une erreur de politique monétaire». «Il est possible que nous commencions à relever les taux pour s'apercevoir que nous avons mal évalué la force de l'économie (...) et que nous devions à nouveau les rebaisser à un niveau proche de zéro», a affirmé M. Evans. «Ce n'est pas un scénario fantaisiste. Regardez les récents défis auxquels font face l'Europe et le Japon», a-t-il conclu.