Michael Pearson se pavanait presque, non sans raison.

Son public, composé d'importants investisseurs de Wall Street, était venu entendre celui qui a réécrit les règles des grandes sociétés pharmaceutiques et, ce faisant, rendu plusieurs personnes très riches. Au très chic hôtel Waldorf Astoria de Manhattan, Michael Pearson, la force motrice de Valeant Pharmaceuticals [[|ticker sym='T"VRX'|]], a présenté une franche analyse des géants de l'industrie des médicaments et a expliqué en quoi son entreprise est différente. «Le monde évolue, a-t-il affirmé devant cette foule, en mai 2014. Et lorsque des changements fondamentaux se produisent au sein d'une industrie, ceux-ci proviennent habituellement de l'extérieur. C'est dans cette optique que nous avons essayé de construire Valeant.»

Ce monde a vraiment changé - rapidement et furieusement - pour Valeant et pour Pearson. En quelques jours à peine, presque 14 milliards de dollars de capitalisation d'une des plus populaires sociétés pharmaceutiques se sont envolés. Après avoir passé sept années à bâtir Valeant à coup d'acquisitions, Pearson doit maintenant répondre à des questions relatives aux pratiques comptables, de tarification et commerciales qui ont secoué l'entreprise, l'industrie et le marché boursier.

Pour Pearson, ancien conseiller en gestion chez McKinsey&Co., il s'agit d'un remarquable virage. Il est le même qui se targuait de faire de l'argent selon une approche de vente de médicaments non conventionnelle qui accordait peu d'importance aux laboratoires de recherche et qui a permis à l'action de la société d'exploser de 900% entre juin 2010 et septembre 2015.

Une approche qui a fait grincer des dents nombre de ses pairs qui avaient l'impression qu'il ne respectait pas, ni ne comprenait, le besoin d'allouer des ressources à la recherche et au développement afin de découvrir des traitements et des remèdes. Les tensions sont apparues lors de l'échec de l'offre hostile de Valeant pour l'achat d'Allergan, fabricant du Botox. «Toute l'histoire de l'offre de rachat d'Allergan a soulevé de grandes questions pour l'industrie, selon David Amsellem, analyste chez Piper Jaffray. Par exemple, les grandes pharmaceutiques devraient-elles prendre de grands risques ou des risques modérés?»

«Un fonds spéculatif»

Michael Pearson, 56 ans, qui n'a pas répondu à notre demande d'entrevue, s'est joint à l'industrie pharmaceutique en empruntant un chemin inhabituel, après 23 ans de travail chez McKinsey. Il ne détient pas de formation en biologie. Lorsqu'il a pris la direction de Valeant, en 2008, il n'avait jamais été PDG d'une entreprise. D'emblée, il a été très agressif pour réduire la structure de coûts, observe Umer Raffat, analyste chez Evercore ISI. En fait, les bureaux de l'entreprise québécoise qui sont situés à Bridgewater, au New Jersey, se trouvent dans un ancien bâtiment du YMCA.

L'organisme Pharmaceutical Research and Manufacturers of America, le groupe de lobbyisme de l'industrie, s'en est même pris à Valeant, affirmant qu'elle «agit davantage comme un fonds spéculatif que comme une compagnie pharmaceutique».

Laurie Little, porte-parole pour Valeant, affirme pour sa part que «l'innovation ne devrait pas se mesurer par le montant de ses dépenses, mais plutôt par les nouveaux produits qu'une entreprise est en mesure de mettre en marché».

Son ascension chez Valeant

Homme imposant aux cheveux gris coupés court, Pearson est le plus important actionnaire individuel de Valeant, et sa valeur est estimée à environ 1 milliard US, selon l'index des milliardaires de Bloomberg. Celui qui a grandi au Québec et en Ontario et dont le père travaillait pour Bell Canada a affirmé en mars, dans le cadre d'une entrevue: «J'ai été élevé dans une famille de classe moyenne. Chaque dollar comptait... beaucoup.» Il a étudié en génie à l'Université Duke, en Caroline-du-Nord, puis en administration des affaires à l'Université de Virginie.

Ensuite, il s'est joint à McKinsey, où il agissait à titre de conseiller pour des entreprises de différents secteurs. Il s'est hissé à la tête du secteur des pratiques pharmaceutiques mondiales de la firme. En 2007, Valeant est devenue une nouvelle cliente. Puis, Pearson allait obtenir la direction de Valeant grâce à sa façon de penser différente de celle de l'industrie, selon Robert Ingram, administrateur principal du conseil chez Valeant.

M. Pearson a suggéré ce qui est devenu sa stratégie de marque, selon M. Ingram. «Cesser de dilapider des ressources en recherche fondamentale, se concentrer sur une ou deux disciplines - la dermatologie étant la première - et une fois celles-ci appuyées par une plus solide fondation financière, envisager le développement de l'entreprise grâce à la croissance organique et aux fusions et acquisitions.»