Après les politiciens américains et les actionnaires, c'est au tour de l'Autorité des marchés financiers (AMF) d'être préoccupée par un controversé rapport soulevant des questions sur les pratiques de Valeant  (T.VRX).

La société pharmaceutique établie à Laval depuis 2010 ne fait pas encore l'objet d'une enquête, mais le régulateur québécois a bien l'intention de se pencher sur les allégations évoquées par Citron Research.

«On ne se prononcera pas à ce stade-ci sur la nature des irrégularités, a expliqué jeudi son porte-parole, Sylvain Théberge. On va toutefois s'assurer qu'il n'y a eu aucun manquement à la Loi sur les valeurs mobilières.»

Dans un rapport publié mercredi, la firme américaine - qui se penche sur les actions surévaluées et les compagnies aux pratiques potentiellement frauduleuses - se demande si Valeant n'est pas un «Enron pharmaceutique», en référence au géant déchu de l'énergie ayant fait scandale au début des années 2000.

Citron Research accuse Valeant de stocker des médicaments dans un réseau de pharmacies affiliées à la société de distribution Philidor, pour ensuite présenter ces transactions comme des ventes.

La tempête déclenchée par ce rapport a même incité la direction du géant pharmaceutique à répondre aux accusations, qu'elle a qualifiées d'«erronées». Une conférence téléphonique à ce sujet aura d'ailleurs lieu lundi.

«Nous avons hâte à cet appel (...) où nous pourrons répondre en plus de réfuter les récentes allégations», écrit le président et chef de la direction de Valeant, Michael Pearson.

Aucune accusation n'a été déposée au Canada ou aux États-Unis pour l'instant.

À la Bourse de Toronto, l'action de Valeant a clôturé jeudi à 144,05 $, en baisse de 6,59 %, loin de son sommet de 346 $ atteint en août. La veille, un plongeon de 19,2 % a été enregistré.

Le porte-parole de l'AMF n'a pas voulu dire à quel moment une enquête pourrait être déclenchée et s'il connaissait Citron Research, dirigée par le vendeur à découvert Andrew Left.

Toutefois, le régulateur a bien l'intention d'aller cueillir de l'information au sud de la frontière, où Valeant est très active.

«Nous sommes aussi en contact avec la Securities and Exchange Commission aux États-Unis, a souligné M. Théberge. Nous allons utiliser tous les moyens dont nous disposons pour obtenir les informations que nous désirons.»

Pour leur part, les analystes qui suivent Valeant se sont montrés prudents dans leurs commentaires quant au contenu du rapport de Citron Research.

Si la structure de l'entreprise n'est pas «illégale», elle soulève néanmoins des doutes qui disparaîtront seulement lorsqu'une enquête fera la lumière sur cette controverse, croit Alex Arfaei, de BMO Marchés des capitaux.

M. Arfaei n'adhère pas à la comparaison avec Enron, mais il écrit dans une note qu'il ne peut pas réfuter totalement les allégations de Citron Research en ce qui a trait aux «ventes fantômes».

«Les relations entre Valeant et Philidor (...) soulèvent des questions», fait-il valoir.

L'agence de notation Standard & Poor's a de son côté indiqué que les spéculations entourant Valeant ainsi que la chute de son action n'influençaient pas sa cote de crédit.

«Nous ne voyons pas d'éléments du rapport (de Citron Research) prouvant les allégations de falsification ou de stockage des médicaments», écrit l'analyste David Kaplan dans un rapport.

Entre-temps, l'investisseur activiste Bill Ackman - un partenaire de Valeant dans sa tentative ratée visant à acquérir Allergan - a profité du plongeon de l'action de la pharmaceutique mercredi pour en acheter plus de deux millions. Cela permet à son fonds Pershing Square Capital de devenir le deuxième actionnaire en importance de l'entreprise.

De son côté, la firme new-yorkaise Rosen Law Firm, spécialisée dans la défense des droits des actionnaires, enquête sur de «potentielles informations trompeuses» fournies par Valeant. Elle prépare un recours collectif afin de récupérer les sommes perdues par les investisseurs du géant pharmaceutique.

Valeant est sous la loupe des autorités politiques et judiciaires aux États-Unis après avoir procédé à d'importantes augmentations du prix de certains médicaments, ce qui a suscité la controverse.