L'économiste Jimmy Royer ne regarde plus les matchs des Patriots de la Nouvelle-Angleterre du même oeil, cet automne.

Le vice-président de Groupe d'analyse, firme bostonienne qui a aussi un bureau à Montréal, a toujours aimé le football américain. Ce qui a changé cette année: il a passé une partie de l'été à analyser le rapport Wells sur le «Deflategate» pour le compte de Tom Brady et l'Association des joueurs de la National Football League (NFL). «J'étais content de faire ce mandat, car je suis un amateur de football, dit Jimmy Royer. Et c'est gratifiant de travailler avec un joueur-vedette comme Tom Brady.»

L'économiste montréalais était l'un des experts présents avec Tom Brady, dans la salle d'audience, le 23 juin quand les parties ont été entendues par le juge Richard Berman. Une demi-douzaine de personnes constituaient le clan Brady ce jour-là: ses avocats, son agent, le doyen de la faculté de gestion de Yale Edward Snyder, et les économistes de Groupe d'analyse qui ont déposé un rapport contredisant les conclusions statistiques du rapport commandé par la NFL sur l'écart de pression des ballons des Patriots.

«Après le témoignage, Tom Brady a remercié l'équipe avec beaucoup d'enthousiasme. Il est très gentil et portait un grand intérêt à tout ce qui se déroulait à l'audience, même si c'était parfois très aride», dit l'économiste de 41 ans titulaire d'un doctorat en économie de l'Université Laval.

Une expertise particulière

C'est son employeur, Groupe d'analyse, qui a eu l'idée de contacter l'avocat de l'Association des joueurs de la NFL après avoir examiné le rapport de Ted Wells sur lequel la NFL s'est basé pour suspendre le quart arrière des Patriots. «Un collègue de Boston m'a appelé pour me dire: «Regarde ce rapport. Je pense qu'il y a des problèmes.»», dit Jimmy Royer.

Le spécialiste des statistiques appliquées à l'économie avait déjà fait des analyses pour Samsung dans ses litiges contre Apple. Il avait aussi participé au dossier de défense de deux ex-gestionnaires de fonds de Bear Stearns accusés au criminel dans la foulée de la crise financière - ils ont été acquittés.

Puis est arrivé le dossier Brady. «L'analyse statistique [du rapport Wells] nous semblait faible», dit-il.

Soit, les ballons des Patriots étaient inférieurs à la limite de 12,5 lb/po2 à la mi-temps du fameux match de séries contre les Colts d'Indianapolis, mais cet écart peut s'expliquer par plusieurs raisons sur le plan statistique, selon Jimmy Royer. «Dans notre rapport, nous montrons que les changements de pression des ballons des Pats sont cohérents avec les changements de pression des ballons des Colts, si on tient compte du moment auquel les ballons ont été mesurés», dit-il.

Écart de température

La principale raison: les ballons n'ont pas été mesurés en même temps à la demie par les officiels. «Il y avait un facteur très important qui n'a pas été considéré dans le rapport Wells: l'écart de température entre le terrain (40 degrés Fahrenheit ou 4 degrés Celsius) et le vestiaire (70 oF ou 21 oC), dit Jimmy Royer. La pression du ballon peut chuter à cause de la température. Les arbitres ont mesuré les 11 ballons des Pats au début de la mi-temps, alors qu'ils étaient froids et humides, et les ballons des Colts à la fin de la mi-temps alors qu'ils étaient plus chauds. Ils ont regonflé les 11 ballons des Pats à 12,5 lb/po2 et ils ont manqué de temps pour mesure tous les ballons des Colts [ils en ont mesuré 4 sur 13].»

De façon accessoire, les ballons des Patriots ont été soumis plus longtemps aux intempéries durant la première demie. «L'humidité fait aussi chuter la pression, car l'eau prend la chaleur de l'intérieur du ballon, et les Pats ont eu le ballon plus longtemps durant la première demie [sur l'ensemble du match, les Patriots ont eu le ballon durant presque 38 minutes, contre 22 minutes pour les Colts]», ajoute Jimmy Royer.

Finalement, le juge Richard Berman a annulé la suspension de quatre matchs de Tom Brady au début de septembre essentiellement pour des motifs juridiques (voir note 1), et non en raison de la preuve statistique présentée par Groupe d'analyse. Le juge Berman ne s'est pas prononcé sur cette question sur le fond.

À l'audience, c'est le doyen de la faculté de gestion de l'Université Yale, l'économiste Edward Snyder, qui a témoigné pour expliquer les conclusions du rapport de Groupe d'analyse, firme de Boston qui a un bureau à Montréal. L'équipe dirigée par Jimmy Royer comprenait deux autres économistes ayant des liens avec Montréal: Paul Greenberg, Montréalais d'origine, et Pierre Crémieux, ancien professeur à l'UQAM, qui travaillent tous deux pour Groupe d'analyse à Boston.

Jimmy Royer n'est pas à son premier mandat médiatisé. Mais jamais il n'avait travaillé sur un dossier aussi connu du grand public - ni pour un client qu'il regarde à la télé presque tous les dimanches. «Ça fait partie des mandats très intéressants sur lesquels j'ai travaillé au cours de ma carrière», dit Jimmy Royer.

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Note 1: En résumé, le juge Berman a annulé la suspension de Tom Brady en raison de la façon dont la NFL a mené son processus disciplinaire, du fait que la plupart des documents invoqués pour suspendre Tom Brady n'ont pas été négociés avec l'Association des joueurs dans le cadre de la convention collective et du fait que Tom Brady n'a pas eu l'occasion d'interroger l'avocat en chef de la NFL qui a publié le rapport Wells.