Pour la première fois de son histoire, Theratechnologies (T.TH) vient de générer un profit trimestriel découlant de ses activités. La pharmaceutique montréalaise est même bien placée pour enregistrer un premier exercice financier rentable. Le nouveau modèle d'affaires de l'entreprise commence à faire ses preuves et les investisseurs semblaient l'anticiper: la valeur de l'action s'est multipliée par six depuis le début de l'année.

Le titre de Theratech, qui a commencé l'année à 36 cents, est de loin celui qui présente le meilleur rendement jusqu'ici en 2015 à la Bourse de Toronto avec sa progression de près de 500%.

Peu après la divulgation de sa plus récente performance trimestrielle hier matin, l'action de Theratech a gagné près de 15% de plus pour toucher son plus haut niveau depuis trois ans, à 2,32$. Le titre a finalement clôturé la séance en hausse de 2%, à 2,10$, dans ce qui s'est avéré la séance de transactions la plus volumineuse cette année pour Theratech.

Problèmes de production

Selon le PDG Luc Tanguay, la poussée boursière de 2015 n'est pas démesurée. «Il faut regarder d'où on part; or, nous revenons de très loin», dit celui qui dirige l'entreprise dont le produit-vedette Egrifta agit sur la répartition anormale des graisses chez les patients atteints de VIH.

«Mettez-vous dans la peau des investisseurs. Nous avons eu des problèmes de production durant cinq mois, l'an dernier. Nous n'avions aucun revenu et des liquidités limitées. Il y avait une perception de risque qui était importante et le titre en a beaucoup souffert. Lorsqu'on a relancé le produit, j'ai dit aux employés qu'il allait falloir démontrer que nos problèmes de production sont derrière nous.»

Egrifta a été commercialisé aux États-Unis il y a quatre ans, mais sous licence, et Theratechnologies touchait des redevances. Les revenus étaient beaucoup plus modestes qu'ils ne le sont depuis le rachat des droits de commercialisation l'an dernier.

Theratech a éprouvé des problèmes de production au printemps l'an passé au moment même où elle abandonnait son modèle de biotech à redevances. Ces ennuis ont empêché l'entreprise de toucher des revenus de mai à septembre.

Poussée des ventes

Depuis ce temps, la production a repris et Theratech se charge de la commercialisation d'Egrifta. Les mois d'octobre et novembre ont généré des ventes de 2,6 millions de dollars. Une hausse de 72% a suivi durant les mois de décembre, janvier et février. L'entreprise a ensuite annoncé hier que la progression des ventes s'est élevée à 55%, d'un trimestre à l'autre, pour sa période de mars, avril et mai.

Luc Tanguay affirme que le risque de tomber en pénurie n'existe plus. «C'est un nuage qui a été dissipé.»

Les gens attendaient de voir si, en rapatriant le produit, ils seraient capables de devenir une entreprise rentable, dit-il. «Les résultats que nous publions cette semaine le confirment.»

Le prochain objectif est de dépasser dans un avenir rapproché le chiffre d'affaires que l'ancien partenaire EMD Serono réalisait.

Une fois cet objectif atteint, l'entreprise tentera d'acquérir de nouveaux produits et d'augmenter sa capacité commerciale. Luc Tanguay se donne un horizon de 12 mois pour y parvenir.

«Dans un premier temps, on se tournera vers un marché destiné à la même population, de façon à optimiser notre réseau de ventes aux États-Unis. Ça pourrait donc être un produit qui s'adresse à une population touchée par le HIV», explique le PDG.

Le Canada et le Mexique

Si les revenus proviennent aujourd'hui uniquement des États-Unis, Luc Tanguay prévoit de premières ventes au Canada durant le trimestre en cours.

Des ventes au Mexique devraient suivre au début de l'an prochain, ce qui devrait servir de porte d'entrée pour l'Amérique latine. En Europe, des ventes modestes sont à prévoir dès cette année. L'approbation officielle devrait prendre encore quelques années en Europe, mais les médecins européens peuvent tout de même le prescrire puisqu'il a été approuvé ici, explique Luc Tanguay.

Theratechnologies n'a pas d'autres produits que l'Egrifta, mais détient un portefeuille de molécules. On n'a pas encore tranché la question, mais Luc Tanguay doute que l'entreprise décide d'investir pour les développer. «Maintenant que l'entreprise est rentable, il devient difficile de revenir en arrière pour investir de 30 à 40 millions par année en études cliniques, à moins d'avoir une rentabilité gigantesque. Notre portefeuille de molécules a cependant une valeur. Il faut trouver une façon de le valoriser en partenariat avec des pharmaceutiques qui ont plus de moyens.»

Les trois analystes qui suivent le titre recommandent tous l'achat. Deux d'entre eux parlent toutefois d'achat spéculatif. Au moins deux des trois analystes ont par ailleurs haussé leur cour cible hier après la diffusion des résultats financiers. «Je bonifie ma cible en raison, notamment, de la croissance des ventes et de la croissance encore plus forte du bénéfice brut», dit Doug Low, chez Europac. Ce dernier voit maintenant le titre à 4,25$ d'ici un an. Sa cible précédente était de 3$.

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LES ÉTAPES IMPORTANTES

Juin 2015

Theratech amorce la distribution d'Egrifta au Canada

> Février 2015

Dévoilement d'une entente de commercialisation en Europe

> Février 2014

Avis de pénurie à venir d'Egrifta et arrêt de fabrication du produit

> Décembre 2013

Rapatriement des droits de commercialisation aux États-Unis

> Février 2013

Retrait des actions du NASDAQ

> Juin 2012

Refus-surprise des autorités européennes

> Juin 2011

Inscription au NASDAQ

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POUR SUIVRE L'ÉVOLUTION DES ACTIVITÉS

Évaluer les pharmaceutiques n'est pas chose facile pour les investisseurs. Les investisseurs qui ont accès à un terminal Bloomberg peuvent cependant consulter des sondages hebdomadaires sur les ordonnances de médicaments.

Les investisseurs peuvent ainsi suivre l'évolution des ordonnances. Comme Egrifta est le seul produit de Theratechnologies, les investisseurs peuvent utiliser cette information pour guider leur évaluation de l'action.

«Ce type de données rend notre modèle d'affaires plus crédible. Les gens peuvent mettre des chiffres sur la rentabilité et nos revenus et ainsi évaluer le titre en fonction», dit le PDG de Theratechnologies, Luc Tanguay.

Ceux qui n'ont pas accès à un terminal Bloomberg peuvent se tourner vers des sites comme Stockhouse, où ce type d'informations est vite relayé.

Au cours actuel d'un peu plus de 2$ en Bourse, l'action de Theratech confère une capitalisation boursière de 120 millions à l'entreprise.

Afin de mettre en perspective la progression boursière de Theratech en 2015, Luc Tanguay suggère de comparer les ratios d'évaluation du titre avec ceux d'autres pharmaceutiques spécialisées comme Cipher, Merus, Cardiome, BioSyent et Medicure.

La direction achète

Plusieurs membres de la haute direction de Theratechnologies ont fait une bonne affaire sur papier en achetant des actions de l'entreprise, ce printemps.

Le PDG, une vice-présidente et trois membres du conseil d'administration ont acheté au total plus de 100 000 actions à des prix variant de 1,16 à 1,40$ en avril et en mai. Le PDG Luc Tanguay s'est par ailleurs vu attribuer à la fin d'avril 300 000 options d'achat d'actions ayant un prix d'exercice de 1,11$.

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LE PRODUIT EN BREF

Egrifta en bref

L'unique produit de Theratechnologies est Egrifta, médicament administré par injection pour s'attaquer à la répartition anormale des graisses chez les patients atteints de VIH.

Il y a deux sortes de gras: le gras sous-cutané, que l'on peut pincer (par exemple, les poignées d'amour). L'autre type de gras est viscéral. C'est celui qui se trouve au niveau de l'abdomen, autour des organes (foie, coeur, etc.), explique le PDG Luc Tanguay. «Il y a une corrélation directe avec les maladies cardiovasculaires. Chez les personnes atteintes du VIH, le virus et la médication font en sorte que les gens perdent leur gras sous-cutané mais accumulent du gras viscéral, ce qui peut entraîner des maladies cardiovasculaires.»

L'Egrifta a été commercialisé aux États-Unis au début de 2011.

Theratech en bref

> Activités: pharmaceutique spécialisée dans le traitement de désordres métaboliques

> Bourse: Toronto

> Symbole: TH

> Siège social: Montréal

> Année de fondation: 1993

> Nombre d'employés: 17

> PDG: Luc Tanguay

Le deuxième trimestre en bref

(2015 c. 2014)

> Revenus consolidés: 7,3 millions c. 4,1 millions

> Bénéfice brut ajusté: 1,9 million c. 3 millions