La BBC a annoncé jeudi la suppression de plus de 1000 emplois supplémentaires pour faire face à l'érosion de sa principale source de financement, la redevance audiovisuelle, alors même que le gouvernement cherche à la rogner encore.

Déjà engagé depuis 2010 dans un vaste plan d'économie de 800 millions de livres (1,6 milliards de dollars) le premier groupe audiovisuel public au monde a dû se résoudre à tailler une nouvelle fois dans le vif pour compenser cette fois une baisse des revenus de la redevance.

«Je sais que le message est violent. Je sais que ce que j'ai dit aujourd'hui va causer une grande anxiété au sein de notre organisation», a déclaré Tony Hall, le directeur général de la BBC, en annonçant la mauvaise nouvelle aux salariés du groupe qui emploie actuellement plus de 16 600 personnes.

Ces dernières années, la BBC a déjà supprimé des milliers d'emplois, vendu 40% de son parc immobilier, réduit les coûts administratifs et cédé certains droits TV sur le sport pour économiser plus de 1,5 milliard de livres par an (2,9 milliards de dollars).

Mais «en dépit des progrès déjà réalisés et en raison de la licence TV gelée depuis sept ans, de nouvelles économies sont nécessaires», a expliqué le groupe.

Selon les prévisions, la redevance rapportera 150 millions de livres de moins que prévu en 2011. En cause: la révolution numérique et les multiples façons dont on consomme désormais la télévision, à la carte et à la demande, sur son ordinateur, sa tablette ou son téléphone. Des usages qui ne réclament pas verser les 145,5 livres (257 $) annuels de la redevance.

Une étude du régulateur audiovisuel Ofcom montre que seule la moitié des 16-24 ans regardent des programmes en direct à la télévision. L'autre moitié préfère le visionnage gratuit en ligne, notamment grâce au BBC iPlayer.

La qualité des programmes n'est pas en cause: la satisfaction des auditeurs a fait un bond de 68% à 79% en sept ans, selon l'Ofcom.

Grand écart

«Cela démontre une nouvelle fois, a martelé la BBC, que le système de redevance doit être modernisé» pour prendre en compte le visionnage de ses programmes en ligne ou sur un écran mobile.

«Le nombre de foyers qui possèdent un téléviseur diminue», a constaté Tony Hall. Et les recettes baissent en fonction.

Pour le groupe public de radio-télévision, l'enjeu est déterminant. Sur l'année 2013/14, il a reçu 3,7 milliards de livres au titre de la redevance.

Le prix de celle-ci n'a pas bougé depuis 2010 et l'entrée en vigueur de la politique d'austérité du gouvernement conservateur de David Cameron, réélu en mai pour un second mandat.

Et la tendance va plutôt vers une nouvelle réduction des recettes, alors que la BBC et le gouvernement doivent renégocier les termes de la redevance dans 18 mois.

Une exonération totale pour les plus de 75 ans (ce qui lui coûterait quelque 700 millions de livres par an) et le projet de rétrograder de crime à délit le fait de ne pas payer la redevance figureraient notamment dans les cartons du ministre de la Culture, John Whittingdale.

Si elles sont approuvées, ces mesures entraîneraient un nouveau manque à gagner pour la BBC au moment même où celle-ci réclame, au contraire, plus de moyens en suggérant d'étendre la redevance aux seconds écrans.

Face à ce grand écart, le député travailliste Chris Bryant a appelé jeudi dans le quotidien The Guardian à ne «pas ruiner la plus forte institution culturelle du Royaume-Uni».

En charge de la Culture au Labour, il a déploré au passage l'ironie du fait que la redevance a en partie été utilisée pour développer l'internet à très haut débit. Une technologie qui contribue à détourner les consommateurs de leur téléviseur et à lui préférer tablette ou téléphone intelligent.