L'entreprise québécoise Lucas Meyer, spécialiste des ingrédients pour l'industrie des cosmétiques, changera encore de propriétaire, passant cette fois d'un fonds européen vers une multinationale américaine lors d'une transaction prévue à hauteur de 390 millions CA.

Cet acquéreur américain est International Flavors & Fragrances (IFF), basée à New York, qui est l'un des principaux fournisseurs mondiaux de saveurs et d'aromates aux industries des aliments, des produits d'entretien ménager et de soins personnels.

IFF emploie 6 200 personnes et elle est implantée dans 52 pays. Son chiffre d'affaires annuel a franchi récemment les trois milliards US, avec un bénéfice net de 436 millions depuis un an. Sa capitalisation boursière à New York frôle les neuf milliards.

Ce qu'IFF achète à Québec, Lucas Meyer Cosmetics de son nom complet, est de bien moindre envergure, mais de grande notoriété dans l'industrie mondiale des cosmétiques à titre de fournisseur d'ingrédients spéciaux et de haute valeur ajoutée.

Méconnue hors de son marché, Lucas Meyer regroupe 90 employés dans quatre pôles d'activités principaux à Québec, Paris, Toulouse et en Australie. Son chiffre d'affaires voisine les 55 millions CA, selon les informations obtenues de son prochain propriétaire, IFF. 

Néanmoins, l'ampleur du montant convenu pour son acquisition -soit 283 millions d'euros ou 390 millions CA- témoigne d'une entreprise aux résultats et au positionnement de marché très avantageux. 

Des qualités identifiées d'emblée par le président d'IFF, Andreas Fibig, lors de l'annonce de l'acquisition aux actionnaires de l'entreprise, vendredi, quelques jours à peine après leur avoir présenté un ambitieux plan d'expansion d'ici cinq ans.

«L'ajout de Lucas Meyer s'aligne bien avec notre stratégie de croissance et de renforcement de notre gamme d'activités. Cette entreprise a une bonne feuille de croissance de plus de 10% par an depuis 2011 dans une industrie -les cosmétiques et produits de soins cutanés- qui est très attrayante pour IFF», a indiqué M. Fibig.

IFF devra toutefois patienter quelques semaines avant de conclure son acquisition de Lucas Meyer, jusqu'au feu vert des autorités européennes.

Pourquoi l'Europe ? D'une part, Lucas Meyer a deux de ses principaux centres de développement et de production d'ingrédients cosmétiques qui sont situés en banlieue de Paris et à Toulouse. Et la France, on s'en doute bien, a l'oeil attentif sur les actifs considérés stratégiques pour son importante industrie des cosmétiques.

D'autre part, IFF a négocié l'acquisition de Lucas Meyer avec son deuxième propriétaire européen consécutif en quelques années. Il s'agit du fonds d'investissement IK Investment Partners, d'origine scandinave mais géré de Londres et du Luxembourg.  

IK détient Lucas Meyer depuis trois ans, lors d'une transaction d'actifs avec un autre fonds européen, Axa Capital Partners, alors en désinvestissement.

Axa possédait alors Lucas Meyer des suites de son acquisition d'une firme québécoise, Unipex, en 2008, des mains des entrepreneurs québécois Éric et Luc Dupont. Unipex avait changé de nom en 2011 avec l'acquisition de Lucas Meyer et le déménagement de son siège social de Paris à Québec.

Avec un autre changement de propriétaire en vue, Américain cette fois, quel sort attend le siège social de Lucas Meyer à Québec ?

À la direction new-yorkaise d'IFF, la porte-parole désignée, Denise Gillen, a indiqué à La Presse qu'il était encore « trop tôt» avant d'en savoir davantage. Du moins, tant que la transaction n'aura pas été conclue officiellement, d'ici septembre. 

Entre temps, Mme Gillen a souligné qu'IFF n'était pas encore implantée au Canada, alors qu'elle a plusieurs centres d'activités aux États-Unis, au Mexique et en Amérique latine.

Au siège social de Lucas Meyer à Québec, la porte-parole désignée et directrice du marketing, Isabelle Lacasse, a soutenu que la vingtaine d'employés sur place «sont emballés de joindre un partenaire de choix pour la croissance future de l'entreprise.»  Elle a aussi fait part d'une «très bonne confiance» envers IFF pour le maintien et le développement même des activités de Lucas Meyer à Québec. «Avec le prix (env. 390 millions CA) qu'IFF paiera pour Lucas Meyer, elle obtiendra un savoir-faire et une expertise réputés dans l'industrie des cosmétiques qu'elle ne voudra sans doute pas endommager», a suggéré Mme Lacasse.

Le plus haut dirigeant de Lucas Meyer à Québec, Antonio Lara, vice-président et directeur général, a préféré s'abstenir de répondre aux questions de La Presse. 

Mais dans le communiqué émis par IFF, M. Lara dit «croire qu'il s'agit du partenaire préférentiel pour le développement futur de Lucas Meyer et la continuité de l'expertise de classe mondiale qui s'est développée au fil des ans parmi ses loyaux employés.» 

Antonio Lara fait aussi partie de la demi-douzaine de dirigeants de Lucas Meyer qui vendront les actions qu'ils avaient conservé depuis 2012, lors de son transfert de propriété d'Axa Capital vers IK Investment.

L'ACQUISE: LUCAS MEYER COSMETICS

Activités : développement, fabrication et commercialisation d'ingrédients novateurs pour l'industrie des cosmétiques et des produits de soin.

Siège social : Québec

Chiffre d'affaires : environ 55 millions CA Effectif : 90 employés (Québec, Paris, Toulouse, Australie, New Jersey, Singapour, Shanghai) Valeur d'acquisition annoncée : 283 millions euros (390 millions CA) Propriétaire vendeur : IK Investment Partners (Londres, Luxembourg)

L'ACQUÉREUR: INTERNATIONAL FLAVORS & FLAGRANCES (IFF)

Activités: développement, fabrication et commercialisation de saveurs et d'aromates pour l'industrie des aliments et des cosmétiques Siège social : New York Effectifs : 6 200 employés (États-Unis et 31 autres pays) Revenus (pour 12 mois au 31 mars) : 3,1 milliards US (+3%) Bénéfice net (pour 12 mois au 31 mars) : 436,1 millions (+18%) Valeur boursière : 8,9 milliards US  (Bourse de New York) Actionnaires principaux : fonds Vanguard (8,7%), Capital Group (8,5%, Los Angeles), fonds Blackrock (6,5%), etc.

Sources: entreprises, Bloomberg