Le mot à la mode en élaboration de nouveaux composés biopharmaceutiques au Québec est « virtuel ».

Les temps sont révolus où, chaque fois qu'un chercheur découvrait une nouvelle molécule à potentiel thérapeutique, on créait une entreprise de biotechnologie, avec tous ses cadres et ses chercheurs.

On devait trouver un chef de la direction financière, un autre aux affaires réglementaires, un autre encore aux questions scientifiques, quelqu'un pour s'occuper des affaires réglementaires, etc. Ces temps sont aujourd'hui révolus, et on préfère maintenant voyager léger.

« Au lieu d'investir dans la recherche et le développement de la nouvelle molécule, on créait une biotech, on embauchait une pléthore de spécialistes, on achetait des équipements de laboratoire extrêmement coûteux et on louait des locaux. Résultat : 70 % du capital investi passait à cela », explique Luc Marengère, associé principal chez TVM Capital Sciences de la Vie.

En 2012 et 2013, TVM a innové en écartant ce modèle pour le remplacer par un processus virtuel. Son investissement dans Kaneq, une société qui développe un composé contre le diabète de type 2, illustre cette nouvelle approche. 

« Le gros du développement est confié à la compagnie Chorus Canada, basée à Montréal. Au lieu de salaires et de locaux, nous payons pour des services et des résultats. » 

Le composé de Kaneq fut découvert dans les laboratoires de Merck à Montréal, juste avant que la maison mère les ferme.

Chorus Canada a été fondée par la société pharmaceutique Ely Lilly en mai 2012, dans le but précis d'offrir un processus de développement « aminci » pour les nouvelles molécules québécoises. 

Elle prend en charge le développement et les essais sur les humains de toute molécule d'intérêt dans laquelle TVM investit. Chorus Canada emploie 40 personnes, toutes issues des labos d'Ely Lilly.

Rappelons que TVM s'est donné les moyens de faire avancer plusieurs molécules dans les prochaines années. La société d'investissement a finalisé une collecte de fonds de 201 millions US en octobre 2014.

Sanderling et Therillia

Robert McNeil, fondateur du fonds de capital de risque Sanderling, a aussi adopté le modèle virtuel. 

Son antenne montréalaise, la Compagnie de développement Therillia, ne possède ni labos ni personnel scientifique. 

La tâche de Therillia est de trouver des idées prometteuses et d'identifier les experts disponibles pour assurer le développement de ces idées jusqu'à en faire des produits commercialisables », dit-il.

Actuellement, la firme supervise le développement de trois des « idées prometteuses » qu'affectionne M. McNeil. 

Deux proviennent de Californie et une de l'Université de Montréal. Une quatrième idée viendra sous peu s'ajouter au portefeuille de Therillia et elle est aussi montréalaise.

« Pour deux des trois molécules, le développement se fait dans un laboratoire montréalais, précise Louise Proulx, chef, développement de produits, chez Therillia. Nous avons confié la mise au point de ces deux molécules à Gordon Shore, directeur du Laboratoire de développement thérapeutique de l'Université McGill. »

Le Dr Shore a mis au point une plateforme de recherche, grâce au soutien du Consortium québécois sur la découverte de médicaments (CQDM). « En utilisant cet outil, dit Mme Proulx, il a montré, pour une de nos molécules anticancer, quels types de cancer elle serait la plus susceptible de combattre efficacement. Résultat, dans 15 mois, nous sommes déjà prêts à commencer les études cliniques chez l'humain. »

AmorChem et CTI

Deux autres fonds de capital de risque québécois en sciences de la vie, AmorChem et CTI Sciences de la vie, font aussi dans le monde virtuel. 

CTI a amassé 134 des 150 à 160 millions visés par sa présente collecte de fonds. Au moins un tiers de la somme totale sera investi au Québec.

« Nous créons des compagnies qui abritent la propriété intellectuelle liée à la découverte, mais c'est fini de louer des locaux, d'acheter de l'équipement scientifique ou de payer des salaires, corrige Laurence Rulleau, associée principale chez CTI. 

« Nous n'avons pas une unité ou une entreprise soeur vouée à orchestrer le développement, comme Therillia le fait pour Sanderling, mais nous avons aussi choisi de confier les mandats de développement à des sociétés qui ont déjà fait leurs preuves. » 

Chez AmorChem, il existe une telle société soeur. L'entreprise montréalaise de capital de risque des sciences de la vie a créé NuChem Thérapeutiques, qui fait le travail de peaufinage chimique des molécules qui intéressent AmorChem. « NuChem travaille actuellement sur quatre de nos molécules, précise Élizabeth Douville, associée principale chez AmorChem. Elle peut aussi le faire pour d'autres clients. »

NuChem pourrait avoir beaucoup de pain sur la planche en 2016 puisque c'est le moment où sa grande soeur AmorChem pense compléter sa seconde levée de fonds, celle d'AmorChem 2, totalisant de 50 à 60 millions de dollars.