Encore une fois, le présent cycle économique confond les experts économiques et politiques de tous les horizons politiques.

Encore une fois, la croissance mondiale se montre obstinément faible, ce qui n'est pas sans conséquence pour celle du Québec à qui on promettait une expansion honorable après deux ans toussoteux.

Les signes de fragilité sont suffisamment inquiétants pour que la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, presse la présidente de la Réserve fédérale américaine Janet Yellen de surseoir à toute hausse du taux directeur avant l'apparition de signes sensibles d'inflation des prix ou des salaires.

L'économie américaine a décru au premier trimestre, tout comme celle du Canada.

De ce côté-ci de la frontière, les prévisionnistes se sont empressés de diminuer leur pronostic de croissance pour l'ensemble de 2015.

Les déclinaisons provinciales de leurs nouvelles prévisions entraînent des révisions à la baisse pour le Québec dans la plupart des cas. CIBC et Scotia ramènent leur prévision à 1,7 %, RBC, BMO et TD à 1,8 %.

Ces chiffres sont beaucoup plus en harmonie avec ceux de Desjardins qui faisait cavalier seul en début d'année avec 1,7 %. L'institution lévisienne n'a pas encore changé son pronostic, après la publication des mauvais chiffres canadiens du premier trimestre avec une décroissance annualisée de 0,6 %.

Ces révisions font désormais paraître très optimiste le scénario économique de Québec pour dégager un surplus de 1,5 milliard entièrement destiné au Fonds des générations. Le budget de Carlos Leitao présenté le 26 mars table sur une croissance réelle de 2,0 %, un chiffre qui correspondait alors à la moyenne du secteur privé.

Sa prévision de croissance du PIB nominal, une mesure de la variation de la taille de l'économie en dollars courants qui permet de mieux jauger l'évolution de l'assiette fiscale, paraît moins remise en cause. À 3,8 %, elle est quand même désormais plus élevée que celles de CIBC, RBC et TD.

Pour assurer une croissance de 2 % de l'économie québécoise, soit bien au-delà de son potentiel (celui du Canada est estimé à 1,8 % par la banque centrale), le Québec doit absolument compter sur une nouvelle augmentation du volume de ses exportations. Il en a connu une solide en 2014. À hauteur de 10,9 %, c'est la plus forte du millénaire jusqu'ici.

Maintenir le cap n'est pas chose facile. Depuis plusieurs années, le Québec souffre d'une carence d'investissements privés dans le secteur manufacturier, en dépit des milliards injectés par Bombardier pour développer les deux versions de son biréacteur CSeries.

Dans l'analyse expliquant la révision de ses prévisions, CIBC souligne que le secteur manufacturier québécois ne semble pas avoir le ressort de celui de l'Ontario qui profite de l'essor de son segment automobile.

La construction résidentielle sera de peu de secours puisqu'on s'attend à une diminution du nombre de mises en chantier.

Austérité budgétaire oblige, Québec et Ottawa ne pourront chauffer l'économie, malgré le démarrage de quelques grands chantiers comme le nouveau pont Champlain.

Reste la consommation des ménages. Vrai, le marché du travail a pris du mieux depuis le début de l'année.

Les données de l'Enquête sur la population active font état de 47 700 emplois additionnels depuis décembre. Beaucoup de ces gains sont en fait un rattrapage, après deux ans de misère.

Celles de l'Enquête sur l'emploi, la rémunération et les heures de travail qui compilent les variations du nombre de salariés non agricoles auprès des entreprises sont jusqu'ici moins probantes. En mars, dernier mois disponible, le Québec comptait seulement 5300 salariés de plus qu'un an plus tôt. Depuis, il y a eu l'annonce de 200 mises à pied à Chantiers Davie, de 300 à Bell Helicopter, 300 encore à Produits forestiers Mauricie et 1000 à Bombardier aéronautique, pour ne mentionner que les plus grosses saignées d'effectifs.

Ce climat crée de l'insécurité, peu propice à stimuler la consommation des ménages.

D'ailleurs, ils sont déjà passablement endettés. Dans le bulletin Données sociodémographiques en bref publiées la semaine dernière par l'Institut de la statistique du Québec, on faisait ce constat inquiétant suivant : en 2012, les dettes de consommation des familles québécoises (qui excluent les dettes hypothécaires) représentent désormais 44,5 % de leurs revenus disponibles. En 1999, le ratio s'établissait à 28 %.

Emprunter pour payer l'épicerie n'est plus seulement le sort des moins nantis. En 1999, le ratio des dettes de consommation sur le revenu disponible des propriétaires de leur logement était de 26,1 %. Il s'élève désormais à 47,2 %, sans doute à cause de la popularité des marges de crédit hypothécaires.

Le consommateur est vraiment à bout de souffle alors que le secteur privé paraît peu disposé à porter le flambeau de la croissance.