Le crédit d'impôt pour les studios d'effets visuels ne bougera pas d'ici la fin du mandat du gouvernement Couillard. C'est l'assurance qu'a obtenue le plus important studio d'effets visuels du Québec. Résultat : d'autres studios étrangers viendront probablement s'installer à Montréal, croit Frédéric Rose, directeur général de Groupe Technicolor, qui exploite le plus important studio d'effets visuels au Québec.

Le gouvernement Couillard n'entendrait donc pas suivre la recommandation de la commission Godbout sur la fiscalité d'abolir le crédit d'impôt pour les effets visuels. « J'ai reçu des engagements de ce côté-là [le crédit d'impôt] qu'on peut être assurés d'une stabilité pour les quatre prochaines années. Je suis à l'aise avec les assurances que j'ai reçues. Ces assurances ne sont pas juridiques ou contractuelles, mais elles sont morales », a dit Frédéric Rose au cours d'une entrevue à La Presse alors qu'il était de passage à Montréal pour visiter ses studios qui abritent environ 1000 employés.

Le grand patron de Technicolor - qui exploite son principal studio d'effets visuels sous sa filiale Moving Picture Company (MPC) - dit ne pas avoir « demandé d'assurances » au gouvernement Couillard après la réduction du crédit d'impôt de 44 % à 36 %, en juin 2014. Le crédit d'impôt est resté à 36 % dans le dernier budget Leitao. 

« Ce que nous demandons, c'est la certitude et la stabilité. Dites-nous que ce sujet est fini pour toute la période de votre mandat. »

M. Rose indique avoir reçu ces « assurances morales ».

Le cabinet du ministre québécois des Finances Carlos Leitao a indiqué à La Presse hier que « le gouvernement ne bougera pas pour le moment [...] en ce qui a trait aux crédits d'impôt aux entreprises ». « Nous souhaitons donner aux entreprises un environnement d'affaires stable et prévisible afin de consolider cet écosystème et attirer de nouveaux investisseurs », a indiqué par courriel Andrée-Lyne Hallé, attachée de presse du ministre. Ce dernier avait indiqué dans son budget, le mois dernier, son intention que les crédits d'impôt aux entreprises « soient désormais prévisibles et stables ».

Depuis janvier 2013, plusieurs géants étrangers des effets visuels ont établi pignon sur rue à Montréal : les entreprises britanniques Framestore et Cinesite, la française Technicolor/MPC et l'américaine Atomic Fiction. Le gouvernement Marois avait notamment été très actif pour recruter les trois premiers studios.

Selon ce que Frédéric Rose entend au sein de l'industrie mondiale, d'autres studios étrangers devraient venir s'ajouter à cette liste au cours de la prochaine année. « Nos concurrents vont venir plus nombreux à Montréal, et c'est une très bonne chose. Nous voulons favoriser l'écosystème local. Nous créons un cercle vertueux, comme à Londres. Les clients [les studios de cinéma] sont attirés par le choix », dit le directeur général de Groupe Technicolor, qui croit que Montréal peut devenir « la deuxième plaque tournante » mondiale de l'industrie des effets visuels, après Londres.

Le défi de la «croissance organique»

Le mois dernier, Technicolor a acquis l'entreprise française Mikros Image, qui possède un studio d'environ 200 personnes à Montréal spécialisé dans les films d'animation. Mikros travaille notamment sur le film d'animation Le Petit Prince, dont la sortie est prévue en juillet. Avec cette acquisition, Technicolor compte environ 1000 employés à Montréal : 200 en animation (chez Mikros), 240 en postproduction et 560 en effets visuels.

Technicolor/MPC a commencé à faire des effets visuels à Montréal à l'été 2013. À titre de comparaison, Framestore Montréal est le deuxième studio d'effets visuels en importance au Québec avec 300 employés d'ici la fin de 2015. « Notre défi sera la croissance organique, de gagner des films et d'arriver à maturité, dit Frédéric Rose. Il y a 23 mois, nous n'avions rien à Montréal en effets visuels. C'est impressionnant de voir à quel point la mayonnaise a pris. »

Le directeur général de Groupe Technicolor est content que le débat sur le crédit d'impôt - qu'il compare à un « hiver un peu rude » - soit clos jusqu'à la fin du mandat du gouvernement. 

« La réalité, c'est que ces subventions [crédits d'impôt] attirent des clients qui ne viendraient pas à Montréal autrement. La question est assez binaire : ou bien on a quelque chose, ou bien on n'a rien »

La prochaine question à l'ordre du jour : la formation de la main-d'oeuvre en effets visuels. « Nous perdons beaucoup de temps à former des jeunes qui auraient peut-être pu être formés dans un contexte académique plus traditionnel », dit Frédéric Rose.

Le premier mandat du studio montréalais de Technicolor/MPC, X-Men : Days of Future Past, a reçu une nomination aux Oscars plus tôt cette année. Actuellement, les employés du studio travaillent notamment sur les effets visuels des films Terminator : Genysis, Fantastic Four, Tarzan et Pan.