Le groupe pharmaceutique Teva a lancé mardi une offre non sollicitée de plus de 40 milliards de dollars pour son rival américain Mylan, en vue de donner naissance à un mastodonte des médicaments génériques.

Cette proposition, qui en ferait la fusion la plus chère dans la pharmacie depuis janvier si elle allait au bout, pourrait entraîner une bataille féroce entre les deux groupes.

Mylan essaie en effet lui-même de mettre la main sur un autre concurrent, Perrigo, pour lequel la société a fait une offre non sollicitée de 28,9 milliards de dollars.

Cette offre a été rejetée mardi par Perrigo qui estime qu'elle est «sous-évaluée» et pas dans l'intérêt de ses actionnaires.

Le rapprochement Teva-Mylan redistribuerait les cartes dans les génériques, secteur très investi par les groupes pharmaceutiques de pays émergents.

La nouvelle entité réaliserait un chiffre d'affaires annuel d'environ 30 milliards de dollars pour un bénéfice d'exploitation de près de 9 milliards, assure Teva.

Crucial

L'enjeu est crucial pour Teva dont le catalogue comprend des traitements liés notamment à la neurologie, la pneumologie et l'oncologie: il doit arrêter l'ascension du groupe indien Sun Pharmaceutical Industries qui ne cesse de lui prendre des parts de marché, selon les experts.

En outre, son médicament phare, le Copaxone prescrit contre la sclérose en plaques, devrait voir arriver prochainement sur le marché des versions génériques. Mylan fait partie des groupes pharmaceutiques qui développent des copies du Copaxone. Les versions des groupes Sandoz (Novartis AG) et Momenta Pharmaceuticals viennent d'obtenir le feu vert des autorités sanitaires américaines.

Or le Copaxone représente un cinquième des 20 milliards de dollars des revenus de Teva en 2014 et la moitié de ses 3 milliards de bénéfices.

«Cette transaction réduit les risques de Teva à son exposition au Copaxone» dont les ventes vont vraisemblablement diminuer, estime l'analyste James Chen chez RBC Capital Markets.

L'acquisition du groupe américain devrait permettre à Teva de se renforcer dans les traitements contre les maladies respiratoires par exemple, affirme l'analyste.

«Notre proposition est attractive aussi bien pour les actionnaires de Teva que pour ceux de Mylan», argumente le directeur général de Teva, Erez Vigodman.

Il souligne qu'une union entre Teva et Mylan va «transformer» en profondeur le paysage des médicaments génériques et faire de la nouvelle entité un leader du secteur pharmaceutique.

Le titre Mylan a bondi mardi à Wall Street où il a progressé de 8,85% à 74,07 dollars sur la bourse électronique Nasdaq. Teva de son côté a progressé de 1,37% à 64,16 dollars.

Réticences

Reste à voir si ces arguments vont vaincre les réticences émises par Mylan avant même que Teva ne formalise son offre.

«Nous avons déjà examiné un rapprochement potentiel entre Mylan et Teva par le passé et nous sommes persuadés qu'il n'aurait pas de logique industrielle et que la mayonnaise ne prendrait pas», avait balayé vendredi dernier Robert Coury, président du conseil d'administration de Mylan, alors que des rumeurs circulaient sur une offre prochaine de Teva.

Mylan n'avait pas encore réagi mardi vers 20h45 GMT.

«Teva-Mylan fait sens (...) Nous sommes en désaccord avec Mylan quand il affirme qu'il y a beaucoup d'obstacles qui seraient difficilement surmontables», avance James Chen.

Teva offre 82 dollars par titre Mylan, ce qui valorise l'entreprise à 40,1 milliards de dollars. Ce montant représente une prime de 20,5% comparé au cours de clôture lundi soir en Bourse. La transaction se ferait à moitié par action et l'autre moitié en numéraire.

Le groupe israélien argue que le rapprochement permettrait de dégager des économies annuelles d'environ 2 milliards dès la troisième année suivant sa finalisation, qu'il espère d'ici la fin de l'année. La nouvelle entité profiterait par exemple des sites à faibles coûts de Mylan dans les pays comme l'Inde, le Brésil ou encore la Pologne.

Cette offre marque le retour de Teva à sa stratégie de départ qui consistait à s'emparer des fabricants de génériques. Sa dernière fusion avec un «génériqueur» remonte à 2010 quand il avait racheté le groupe allemand Ratiopharm GmbH en Allemagne pour 3,6 milliards d'euros.

Depuis, le groupe s'était mis aux rachats d'entreprises disposant de médicaments brevetés et avait acquis en mars pour 3,2 milliards de dollars le groupe américain Auspex, spécialisé dans le traitement des personnes souffrant de troubles moteurs.

L'appétit de Teva reflète l'effervescence des fusions-acquisitions dans la pharmacie depuis plus d'un an. Elles ont atteint 124 milliards de dollars depuis janvier, soit plus du double comparé à la même période un an plus tôt (60,1 milliards), selon Dealogic.