Bell Canada demandera dorénavant le «consentement explicite» de ses clients avant d'analyser leur usage d'internet, de la télévision et du téléphone, dans le but de créer un profil publicitaire adapté à chacun. Une pratique par ailleurs toujours contestée devant le CRTC.

Après avoir reçu un nombre «sans précédent» de 170 plaintes sur cette «initiative publicitaire ciblée» de Bell, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a ouvert une enquête formelle qui a conclu que l'entreprise ne devrait pas prendre pour acquis que ses clients acceptent de voir leurs renseignements personnels utilisés pour «dresser des profils détaillés de clients, facilitant (ensuite) la publicité comportementale ciblée».

«Bell est en mesure de retracer tous les sites Web que ses clients visitent, de même que toutes les applications qu'ils utilisent, toutes les émissions de télévision qu'ils regardent et tous les appels qu'ils effectuent à partir de son réseau», rappelle le commissaire Therrien. «Lorsque ces renseignements sont combinés aux renseignements démographiques et du compte (âge, sexe, revenu moyen par utilisateur, langue de préférence et code postal), que l'entreprise compile depuis longtemps, il en découle un riche profil multidimensionnel que la plupart des gens considéreraient probablement comme hautement sensible.»

Le géant des télécommunications plaidait jusqu'ici que les clients pouvaient toujours se retirer de l'«initiative publicitaire ciblée» («option de retrait»), mais Bell a fait volte-face, mardi, quelques heures après le dépôt du rapport du commissaire Daniel Therrien.

Bell ne retrace pour l'instant que les sites web consultés par ses clients via leur téléphone cellulaire, mais aimerait bien étendre cette pratique à la télévision et au web via la fibre optique. L'entreprise soutient qu'elle respecte les règles en matière de protection de la vie privée, et que ses clients acceptent le principe de l'«option de retrait» s'ils souhaitent demeurer discrets.

Si l'entreprise montréalaise accepte maintenant la recommandation du commissaire de remplacer l'«option de retrait» par le «consentement explicite», elle demande cependant que ces nouvelles règles du jeu soient appliquées à tous - y compris aux entreprises étrangères qui mènent des activités au Canada, comme Facebook ou Google.

Une pratique légale ?

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada convient par ailleurs que «les publicités ciblées en fonction du comportement sont une nouvelle tendance dans le milieu des affaires», et il «surveillera cette tendance de près».

«Bell n'est pas la seule qui s'intéresse à ce domaine. Nous allons examiner d'autres organisations qui participent ou envisagent de participer à ce genre d'activité, y compris le secteur des télécommunications en général, car nous croyons que d'autres intervenants pourraient profiter des conclusions tirées de cette enquête.»

Le Centre pour la défense de l'intérêt public a d'ailleurs demandé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) de se pencher sur la légalité de cette pratique. Dans sa plainte au CRTC, l'organisme de défense des consommateurs soutient que cette pratique commerciale constitue une «violation de la vie privée», et que Bell outrepasse ainsi son rôle de fournisseur de services de télécommunications.

Selon le directeur du Centre, John Lawford, les lois sur les télécommunications interdisent à Bell d'utiliser les renseignements personnels de ses clients afin d'alimenter une activité lucrative - vendre aux publicitaires les profils de ses utilisateurs.