Mais comment ai-je pu réussir ce coup-là? Chaque semaine, un (ou une) entrepreneur nous raconte par quels moyens il a concrétisé un projet important.

En avril 2103, le jeune entrepreneur montréalais a fait le trajet d'Austin à Houston en autocar Greyhound pour y rencontrer le président du plus important transporteur routier de passagers aux États-Unis.

«C'était un peu l'équivalent de cogner à leur porte», relate Louis-Philippe Maurice (il se fait appeler LP), 33 ans, cofondateur et président de Busbud, la plateforme de recherche et de réservation de billets d'autocar en ligne. «J'avais pris un rendez-vous mais on ne se connaissait pas, on ne s'était jamais rencontrés.»

Busbud a été fondée en 2011 et sillonne l'autoroute électronique.

Greyhound a eu 100 ans en 2014 et évoque la vieille route 66.

Une manière de choc des générations.

«C'était quand même impressionnant. C'est un grand édifice, Greyhound a 6000 employés. Toute leur équipe de direction était là.»

Bénéfices mutuels

Pour la petite entreprise montréalaise, qui ne comptait à l'époque que cinq employés, un partenariat avec Greyhound était plus qu'une évidence: une priorité.

«Il fallait vraiment qu'on les ait sur notre plateforme. C'était le plus important joueur au Canada et aux États-Unis et il desservait des routes importantes pour nous, comme Montréal-New York.»

En contrepartie, Busbud offrait à Greyhound un accès à la jeunesse internationale et branchée, une façon de rajeunir son image d'entreprise d'un autre siècle - un voyage en autocar Greyhound était au coeur du film It Happened One Night, avec Clark Gable, en 1934!

La panne

«On en était à nos débuts mais j'étais quand même très confiant», raconte LP Maurice.

Mais on lui a appris que l'entreprise américaine rénovait son système de technologies de l'information. Ce n'était pas le moment d'y connecter un nouveau partenaire.

Malgré les bonnes relations établies lors de la rencontre initiale à Houston, le dossier n'a pas progressé d'un pouce au cours des mois suivants. La refonte de la plateforme des technologies de l'information était-elle la seule explication? «On s'est mis à douter de l'arrimage naturel qu'on avait vu au départ», relate LP Maurice.

Il fallait découvrir ce qui causait la panne.

Dans l'année qui a suivi, LP et son vice-président au développement des affaires Pierrich Picard ont participé à plusieurs congrès et événements qui présentaient entre autres intérêts celui d'être fréquentés par le personnel de Greyhound et de ses partenaires.

«C'était un facteur-clé, explique LP: la décision de signer ne serait pas prise par une personne, mais par une équipe de personnes. On devait connaître les responsables des TI, des partenariats, du développement des affaires.»

À force de rencontres plus ou moins impromptues et de discussions à bâtons partiellement rompus, ils ont compris où se trouvait l'achoppement.

Greyhound craignait que sa forte marque et sa prépondérance dans son marché ne se trouvent pas traduites sur la plateforme d'un agrégateur où les petits transporteurs côtoient les grands.

«On a fait valoir que ce ne serait pas le cas, au contraire, décrit Pierrich Picard. Le monde verrait l'importance de leur réseau. Ça nous a pris longtemps avant de le savoir, et c'est la chose qui nous a fait débloquer.»

Démarrage

Le moteur a été relancé en août 2014, lors d'une importante rencontre de deux heures tenue au siège social de Greyhound. «Là, on parlait aux bonnes personnes, on savait sur quels points insister, on savait quelles étaient leurs craintes», poursuit le vice-président.

En septembre, une entente pour un projet pilote de trois mois était signée. En guise de test, Greyhound accordait l'intégration de ses circuits dans le nord-est du continent.

«Nous étions les premiers à avoir une entente de ce type avec Greyhound, précise LP Maurice. Il y avait donc des défis technologiques importants à se connecter à leur système. C'était comme une nouvelle frontière, pour Greyhound comme pour nous.»

Après la délicate étape d'intégration et de rodage, une part importante (mais non précisée) des 3800 circuits de Greyhound ont été lancés sur Busbud le 17 décembre dernier. «Ça a généré pour nous des ventes records durant tout le temps des Fêtes», se réjouit LP.

Greyhound en a aussi fait son profit. Un mois à peine s'était écoulé dans le projet pilote de trois mois que le transporteur acceptait d'élargir l'entente à d'autres circuits.

Un voyage à Montréal

Pour célébrer ce partenariat, les hauts dirigeants de Greyhound sont venus visiter les bureaux de Busbud à Montréal, en octobre 2014. Ce n'est pas Houston: aire ouverte que divisent quelques parois vitrées ou colorées, tables à pique-nique alignées en guise de cafétéria, table de ping-pong...

Pour LP, il n'était pas question de s'endimancher et de trahir sa condition de jeune entrepreneur techno pour accueillir la haute direction cravatée de Greyhound. Chemise, jeans.

«Ils ont leur culture d'entreprise et on a la nôtre, fait-il valoir. On va essayer de s'ajuster et de s'arrimer, mais fondamentalement, c'est une entreprise centenaire de 6000 employés, et nous sommes une start-up dynamique de 30 employés. On ne fera pas semblant qu'on est autre chose et ils apprécient ça aussi.»

Ils ont apprécié. LP Maurice les a invités à souper sur la place des Festivals. On sait vivre, tout de même.

«J'avais fait la démarche initiale d'aller les rencontrer au Texas, et qu'eux viennent nous voir pour en parler, c'était un moment gratifiant, une belle validation du concept.»

Le circuit était bouclé.

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Louis-Philippe (dit LP) Maurice

Son aventure:

convaincre Greyhound de monter à bord de Busbud

Sa manière:

assumer sa jeunesse, contourner l'obstacle

Busbud: plateforme en ligne de recherche et de réservation de billets d'autocar

Fondation: 2011

Employés: 35

Pays: 89

Villes: près de 10 500

Langues: 11

Transporteurs participants: près de 1500

Circuits d'autocars: 170 000