La réforme des services de santé que le ministre Gaétan Barrette entend mener à bien contre vents et marées peut sans doute contribuer au rétablissement de l'équilibre budgétaire, préalable que s'est fixé le gouvernement à toute autre action décisive.

Adoptée, elle ne suffira pas à relever les défis du vieillissement de la population qui érode déjà le marché du travail avant de ballonner les coûts des soins de santé.

En 2014, la population de 15 à 64 ans a diminué pour la première fois, selon les projections de l'Institut de la statistique du Québec citées par le ministère des Finances dans les documents du minibudget de décembre dernier. D'ici 2021, elle ne devrait pas vraiment bouger alors que la population totale va grossir de quelque 400 000 personnes.

Les données révisées de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada publiées fin janvier font état d'un repli de 21 000 personnes dans la cohorte des Québécois détenant ou cherchant un emploi, alors que la population de 15 ans et plus a augmenté de 44 200 personnes. De 2010 à 2013, les moyennes étaient des ajouts respectifs de 37 000 et de 67 450, selon les calculs de l'économiste Jean-Pierre Aubry, fellow associé au CIRANO.

C'est un signe tangible que le Québec vieillit. Le Canada aussi, mais moins dramatiquement. Sa population active a quand même augmenté de 56 000 personnes en un an.

La gestion des finances publiques devient de plus en plus difficile, au point où on en vient à négliger les tendances à long terme, auxquelles il faut pourtant s'attaquer plutôt tôt que tard.

C'est l'avertissement sans équivoque qu'a donné le Fonds monétaire international (FMI) au Canada dans son bulletin annuel publié le 30 janvier.

«L'ajustement budgétaire au niveau provincial doit se poursuivre, y lit-on, notamment en continuant de limiter les dépenses liées au vieillissement de la population et en s'appuyant sur des examens réguliers des dépenses.»

Le FMI recommande d'étendre les prévisions budgétaires à long terme au niveau provincial.

De telles prévisions existent pour la gestion de la dette, mais pas en matière de croissance des dépenses en santé.

Or, celles-ci sont appelées à augmenter très rapidement. Se maintenir en santé, voire en vie, coûte de plus en plus cher à mesure qu'on progresse dans l'âge d'or.

Un malheur n'arrivant jamais seul, on observe aussi que les coûts des soins augmentent plus vite que la croissance de l'économie, en raison de la sophistication accrue des traitements, des chirurgies et des médicaments. Autrement dit, en faisant abstraction de l'inflation, les soins prodigués à un octogénaire coûtent plus cher aujourd'hui qu'il y a 15 ans, sans compter que son espérance de vie a augmenté.

Jusqu'à maintenant, le Québec a déployé d'immenses efforts pour limiter la progression de ses dépenses en santé en comprimant son effectif et l'offre de services dans les hôpitaux et autres établissements de santé.

Ainsi, depuis un an, 58 100 des 127 600 emplois en plus observés d'un océan à l'autre sont concentrés dans les services de santé.

Au Québec, il n'y a pas eu création nette d'emplois depuis un an, et les services de santé ne font pas exception. Cette situation ne pourra perdurer en raison de la demande grandissante pour les soins de longue durée pour les personnes âgées.

Que représentera en dollars l'augmentation de l'âge moyen des Québécois sur les coûts des services de santé?

Une étude de l'Institut C.D. Howe aborde cette question. Les chercheurs ont développé une méthodologie qu'ils ont appliquée pour l'évolution démographique de chaque province.

«Les subventions publiques accordées aux soins de longue durée dans les établissements ou à domicile sont généralement opaques ou mal comprises, écrivent les chercheurs. Les autorités provinciales doivent définir clairement jusqu'où elles couvriront les coûts futurs.»

Sans quoi on se dirige sur un mur. Pour des élus, c'est une fatalité bien difficile à expliquer à un électorat vieillissant.

C'est pourtant un enjeu intergénérationnel au moins aussi important que les régimes de retraite.

Les auteurs ont calculé que le Québec dépense davantage que les autres provinces en maisons de soins infirmiers et soins résidentiels, mais moins sur les médecins et toutes les activités de prévention.

Peut-être y a-t-il avantage renverser cette situation.

Plutôt que de laisser le champ libre au secteur privé, les auteurs suggèrent enfin d'établir un préfinancement sur une base par habitant des soins de longue durée. Cela pourrait se faire par des contributions analogues à celles au Régime des rentes.

Avant d'en arriver à une telle solution qui aurait porté de meilleurs fruits si elle avait été lancée il y a 20 ou 30 ans, il faudra faire prendre conscience aux Québécois que la vieillesse n'est pas qu'un naufrage, pour paraphraser le général de Gaulle. C'est aussi un coût dont on a la responsabilité de ne pas transférer à nos enfants.