À près de 110$US en juin, le prix du baril de brut de qualité West Texas Intermediate (WTI) se négocie aux environs de 45$US ces jours-ci. Certains le voient tomber jusqu'à 35$US avant d'amorcer une lente remontée vers un prix moyen de 65$US le baril, l'an prochain.

Le défi posé par cette dégringolade aux gouvernements fédéral et provinciaux prend de l'ampleur de jour en jour.

La chute du prix du pétrole fait fondre le taux d'inflation mesuré non pas par l'indice des prix à la consommation (IPC), mais par le dégonfleur (ou déflateur) du produit intérieur brut (PIB) réel ou, autrement dit, de notre production totale de biens et services durant une période donnée.

À la différence de l'IPC, le dégonfleur du PIB tient aussi compte des termes de l'échange, soit le rapport entre la valeur des prix que nous exportons et ceux que nous importons.

Grosso modo, ça se passe comme suit: la chute du prix du pétrole diminue la valeur de ce que nous exportons et déprécie notre monnaie, ce qui fait augmenter les prix de ce que nous importons.

Au final, la variation de la taille de notre économie (la croissance) prend moins de valeur.

Autrement dit, le PIB réel peut augmenter davantage que sa valeur, le PIB nominal, qui est aussi la meilleure indication de la taille de l'assiette fiscale.

En règle générale, c'est le contraire qui se produit puisque l'inflation gonfle normalement la valeur de la croissance.

Ainsi, dans son mini-budget de l'automne, Québec a projeté une croissance du PIB réel de 1,9% en 2015 assortie d'aune augmentation de 3,8% du PIB nominal.

Devant la chute des prix du pétrole, le ministre des Finances Carlos Leitao a déclaré la semaine dernière qu'il avait bon espoir que cela puisse pousser l'augmentation du PIB réel.

Les économistes de la Banque TD et de la BMO lui donnent raison. Les premiers nous prédisent une expansion du PIB réel de 2,1% en 2015, les seconds, de 2,2%.

Toutefois, ils ramènent tous deux à 2,8% la variation du PIB nominal.

La semaine dernière, le service de recherches économiques de Desjardins, qui suit le Québec de plus près que les économistes de la Ville Reine, prédisait une croissance réelle de 1,7% seulement pour le Québec, assortie d'une expansion du PIB nominal de 2,5%.

Desjardins fait l'hypothèse d'une remontée des prix du brut en deuxième moitié d'année. Si elle ne se matérialisait pas, il est plausible que le PIB nominal soit plus faible encore.

La modeste croissance du PIB nominal, la plus faible au Canada depuis la récession, complique la vie de tous les ministres des Finances, à commencer par ceux des provinces productrices de pétrole.

Ainsi, si l'Alberta échappe de peu à la décroissance réelle avec un gain modeste de 0,5% de son PIB réel, son PIB nominal va plonger de 6,6%. C'est une catastrophe pour une province qui se targue de ne pas avoir de taxe de vente. La chute des redevances pétrolières est synonyme de retour au déficit budgétaire.

La Saskatchewan et Terre-Neuve-et Labrador vont sans doute connaître aussi un recul du PIB nominal qui va effacer les surplus budgétaires de la première et faire perdurer les déficits de la seconde.

Les autres gouvernements qui se sont engagés à éliminer le déficit en 2015 voient leur tâche se compliquer.

C'est le cas d'Ottawa qui a même épuisé son coussin de 3 milliards en permettant le fractionnement des revenus d'un couple ayant des enfants à charge pour l'année d'imposition 2014.

La croissance du PIB réel devrait se situer aux environs de 2% en 2015, mais celle du PIB nominal à à peine plus de 1%.

En pleine année électorale, Ottawa est aux prises avec le dilemme suivant: austérité pour éliminer le déficit ou plan de relance de la croissance avec maintien de déficits à la clé.

Les profils de croissance des PIB réel et nominal de la Nouvelle-Écosse et du Québec sont fort semblables en 2015. Pour les deux provinces, la cible de l'équilibre budgétaire sera plus difficile à atteindre. Augmenter les compressions pour compenser des rentrées fiscales moins élevées que prévu peut affaiblir la croissance qui devra reposer entièrement sur les épaules du secteur privé. Qui s'est fait prier pour investir et embaucher, l'an dernier, dans les deux provinces.