Pourquoi une PME n'achèterait-elle pas une série d'abonnements à l'opéra? Après tout, Marie-Nicole Lemieux n'est pas moins talentueuse que P.K. Subban. C'est un des paris - audacieux - que cherche à relever l'institution montréalaise afin d'élargir le registre de ses revenus, au moment de son 35e anniversaire.

Sur un budget annuel qui excède 7 millions de dollars, les revenus de billetterie oscillent entre 40 et 45%. Le financement public couvre de 36 à 38% des revenus. Les 19 à 22% restants sont constitués des revenus autonomes: dons, commandites, revenus d'intérêt, revenus de location de production.

Comment accroître ces revenus? À l'heure de l'austérité, ce n'est pas du côté des subventions qu'il faut attendre de l'air frais.

L'auditoire de l'avenir? On est déjà à leur écoute. Avec des rabais ciblés, les abonnements chez les spectateurs de 30 ans et moins sont en croissance: ils comptent maintenant pour près de 30% de la clientèle.

La billetterie? Durant la saison 2013-2014, 84% des sièges ont été occupés par des spectateurs qui ont payé leur billet. Compte tenu des billets de faveur, on estime qu'une salle est remplie à pleine capacité lorsque 92% des billets sont achetés.

L'Opéra de Montréal s'en approche, et les nouveaux abonnés se gagnent à l'arraché.

«Il faut donc générer des revenus autonomes, constate son directeur général, Pierre Dufour. Il a fallu créer des outils différents au plan de la commandite pour être capable de générer de nouveaux revenus.»

Il donne un exemple au hasard: «Un grand journal pourrait décider d'inviter 200 de ses employés et de faire un cocktail dînatoire sur la scène de la salle Wilfrid-Pelletier, dans les décors de l'Opéra. C'est possible.»

Un autre volet s'apparente à celui des loges des grands auditoriums sportifs.

«Notre forfait en loge coûte 5000$ pour 8 billets, décrit-il. Il comprend un souper dans l'atelier de costumes de l'Opéra de Montréal. Le traiteur est le restaurant Toqué!, l'importateur de vin est Raisonnance. Ça fonctionne très bien. C'est un outil qu'on a bâti il y a maintenant cinq ans et il y a des entreprises qui reviennent depuis tous les ans.»

Un appel aux PME

«Le prochain bébé auquel on s'attaque depuis quelque temps, mais pour lequel on n'a pas encore trouvé le bon canal, c'est l'abonnement corporatif», informe le directeur général.

L'entreprise montréalaise a conçu un abonnement de 10 billets pouvant être utilisés à volonté durant toute la saison. Pièces d'auto Dédé - c'est un exemple - pourrait ainsi acheter six billets pour la production de Nabucco et quatre autres pour Le Barbier de Séville.

Deux forfaits sont proposés, un à 1250$ et un autre bonifié à 1500$, qui inclut les soirs de première et les réceptions avec les artistes.

«Pour une entreprise, c'est relativement... pas trop cher, constate Pierre Dufour. On vise la petite et la moyenne entreprise, mais surtout la petite, qui constitue la plus grande part de l'entreprise canadienne.»

L'Opéra de Montréal y travaille depuis trois ans, mais les PME se font tirer l'oreille. «On ne se leurre pas, dit-il. On n'est pas au Centre Bell, et 70% de notre clientèle ne sera pas corporative. Mais la possibilité de vendre 100 ou 200 de ces abonnements par saison et l'objectif d'en avoir 500 dans 3 ans sont à notre portée. Il faut juste trouver le bon angle.»

Il fait un petit calcul: «100 abonnements corporatifs, soit 1000 billets, représentent 150 000$. Une centaine d'entreprises dans le Grand Montréal, ce n'est peut-être pas rêver en couleurs», me semble-t-il.

Exportation en baisse!

La crise de 2008 et la poussée consécutive du dollar canadien ont fait mal aux exportations de l'Opéra de Montréal.

Car l'institution réalise une partie de ses revenus autonomes avec la location à l'étranger des décors et costumes de ses productions locales. Elle couvre ainsi souvent les coûts de création d'une nouvelle production.

«Cette année est déficitaire, constate Pierre Dufour, directeur général de l'Opéra de Montréal. Nos revenus de location nets ne devraient pas excéder 125 000$.»

C'est un reliquat des difficultés qu'a connues le marché américain depuis la dernière crise. «Nous avons quatre productions décors et costumes sur la route. Nous avons connu des années où il y en avait jusqu'à 12.»

Néanmoins, cette activité de location a permis de tisser des liens étroits avec l'Australie en 2007. Une relation dont la compagnie montréalaise commence à tirer des bénéfices.

«Nous sommes devenus la terre d'accueil en Amérique du Nord pour les productions australiennes, décrit Pierre Dufour. Ça nous a permis de coproduire plusieurs projets qui suscitent énormément d'intérêt auprès d'autres compagnies nord-américaines.»

C'est le cas de l'opéra Samson et Dalila, présenté en janvier prochain, dont la conception vidéographique est l'oeuvre de la firme de création montréalaise Circo de Bakuza. Trois entreprises américaines en Ohio, au Minnesota et au Texas s'y sont montrées intéressées.

Pierre Dufour appelle d'ailleurs de New York, où il est en négociation pour un projet en lien avec le 375e anniversaire de Montréal.

> 35 ans d'existence

> 16 employés à temps plein

> Chiffre d'affaires des 10 dernières années: 74 650 000$

Année financière 2013-2014

PRODUITS: 7 428 183$

> Billetterie: 3 022 606$

> Événements-bénéfices: 301 196$

> Placements et autres: 42 415$

> Location et vente de décors et costumes: 182 516$

> Dons: 456 349$

> Revenus de fondation: 450 000$

> Commandites et commandites en services: 354 763$

> Subventions (Montréal, Québec et Ottawa): 2 618 340$

CHARGES: 7 380 372 $

Excédent: 47 811$

Location de décors et costumes: données pour les 10 dernières années

> Valeur de l'inventaire des décors - 18 productions: 2 900 000$

> Valeur de l'inventaire des costumes - 26 productions: 1 700 000$

> Valeur totale de l'inventaire décors et costumes: 4 600 000$

> 75% des décors ont été réalisés à Montréal, soit un investissement dans les entreprises de la métropole de 2 175 000$

> 92% des costumes ont été réalisés à Montréal, soit un investissement dans les entreprises de la métropole de 1 564 000$

> Au cours des 5 dernières années, 3 coproductions ont attiré des capitaux étrangers totalisant plus de 1 400 000$

Source: Opéra de Montréal