Pour les investisseurs en Bourse, l'évaluation du travail de leur courtier ou conseiller en placements dépend de plus en plus de la performance des outils informatisés que celui-ci utilise pour gérer ses comptes clients.

Or, dans ce créneau complexe des technologies boursières, une PME québécoise, Croesus, s'est bâti une clientèle enviable parmi les intervenants les plus influents du secteur boursier au Canada.

En fait, Croesus a déjà passé le cap des 10 000 utilisateurs - des courtiers de plein exercice et des conseillers - parmi une dizaine des plus grosses firmes de courtage à Montréal et à Toronto. Des filiales boursières de banques et du Mouvement Desjardins, mais aussi quelques firmes indépendantes.

Autre chiffre probant: cette dizaine de milliers d'utilisateurs des logiciels de Croesus gère en tout des actifs clients pour une valeur avoisinant les 550 milliards.

«À eux seuls, nos cinq plus gros clients comptent pour la moitié environ du marché de l'actif investi en Bourse qui est géré par des courtiers au Canada. C'est une part de marché dont nous sommes fiers et une clientèle dont nous prenons évidemment le plus grand soin avec notre suivi technique et les améliorations à nos logiciels», explique Rémy Therrien, président et fondateur de Croesus, lors d'un entretien avec La Presse Affaires.

«Cela dit, nous avons d'autres ambitions de croissance de notre base de courtiers-utilisateurs afin d'atteindre les 1000 milliards en actif de comptes clients gérés avec nos logiciels.»

Selon M. Therrien, Croesus et ses 116 employés se sont donné «quatre à cinq ans» pour atteindre ce niveau d'actif client géré avec ses logiciels de courtiers.

Mais il ajoute rapidement que l'objectif pourrait être atteint «plus vite, d'ici trois ans», si d'importants projets de démarchage d'affaires au Canada et, depuis peu, aux États-Unis portaient leurs fruits plus rapidement qu'attendu.

À ce rythme, aussi, Croesus aurait le potentiel de doubler ou presque son chiffre d'affaires par rapport à son niveau actuel «entre 15 et 20 millions», anticipe M. Therrien.

Au Canada, le président de Croesus fait état d'un projet d'implantation de logiciels dans une firme de courtage d'importance qui, lorsque complété, ajoutera plusieurs centaines d'utilisateurs. Cet autre client d'envergure, que M. Therrien ne peut nommer pour l'instant, pourrait élever l'actif client géré avec ses logiciels au-delà des 700 milliards.

Aux États-Unis, Croesus peut s'appuyer depuis quelques mois sur un bureau d'affaires à San Diego qui a été ouvert avec un partenaire régional déjà établi dans une technologie connexe: les logiciels de «back office» en courtage. Ceux de Croesus sont dits de «front office» parce qu'ils sont utilisés par les courtiers et leurs clients investisseurs.

Le deuxième bureau américain est en planification pour New York, encore une fois avec un partenaire régional en technologies de courtage boursier.

Avec cette nouvelle représentation au sud de la frontière, Croesus cible la clientèle de nombreux bureaux de courtiers et de conseillers de placements boursiers qui sont semi-indépendants des grandes firmes de courtage identifiées à Wall Street.

Cette stratégie de pénétration du marché américain diffère de celle qui a fait le succès de Croesus jusqu'à maintenant parmi les grandes firmes de courtage au Canada.

Mais aussi, admet Rémy Therrien, elle est mieux adaptée aux moyens encore limités de l'entreprise hors de son marché principal dans les milieux boursiers de Montréal et de Toronto.

«Aux États-Unis, le marché des technologies de gestion de comptes clients chez les gros courtiers nationaux est accaparé par de grosses firmes d'informatique. Elles ont beaucoup de moyens, certes, mais elles n'ont pas l'agilité nécessaire pour bien desservir les firmes et les bureaux de courtage d'envergure plus régionale», explique Rémy Therrien.

«Chez Croesus, cette agilité d'affaires, c'est l'une de nos plus grandes forces. Car non seulement avons-nous développé des logiciels mieux adaptés aux besoins des courtiers, mais aussi nous en poursuivons l'amélioration en étroite collaboration avec eux, en fonction de leurs besoins spécifiques.»

C'est dans cette culture d'affaires que, par exemple, Croesus a fait évoluer ses logiciels de gestion de comptes clients individuels vers la gestion groupée et simultanée dans le cadre de portefeuilles types gérés par un courtier.

Selon Rémy Therrien, «c'est un modèle de placement de plus en plus répandu parmi les courtiers et conseillers, afin d'améliorer l'efficacité de gestion de leurs comptes clients tout en bénéficiant d'économies d'échelle pour les frais de transactions boursières».

«Un modèle à succès»

«Croesus est un modèle de PME technologique à succès», a affirmé Louis Vachon, président de la Banque Nationale, lors du récent colloque FinTech sur les technologies des services financiers, organisé par Finance Montréal il y a deux semaines.

Les dirigeants et les employés de Croesus ne pouvaient espérer meilleure accolade du grand patron de leur client de plus longue date, la Financière Banque Nationale.

Louis Vachon a fait ce commentaire sur Croesus alors qu'il expliquait l'intérêt de la Banque Nationale pour appuyer des «start-up» en technologies appliquées au secteur financier.

«Nous en avons appuyé quelques-unes depuis dix ans. Mais une en particulier, Croesus, s'est avérée un immense succès auquel nous sommes très fiers d'avoir participé», a dit M. Vachon devant des 450 participants au colloque FinTech. «Croesus est un modèle d'entreprise où nous avons réussi à collaborer pour développer une plateforme [de logiciels de gestion de comptes clients investisseurs] qu'elle a pu vendre ensuite à des courtiers partout au Canada et maintenant aux États-Unis.»