Le géant américain de la vente en ligne eBay (EBAY) a finalement cédé aux pressions et va rendre son indépendance à sa filiale de paiements PayPal, un revirement justifié mardi par les bouleversements dans ce secteur où Apple notamment s'apprête à se lancer.

La scission interviendra au deuxième semestre 2015, mais a déjà fait grimper l'action eBay de près de 8% mardi à Wall Street.

«Un examen stratégique approfondi (...) montre que conserver eBay et PayPal ensemble au-delà de 2015 devient clairement moins avantageux», a indiqué le directeur général du groupe de distribution, John Donahoe, qui cédera les rênes du nouvel eBay à l'actuel responsable des plateformes commerciales, Devin Wenig.

Il y a quelques mois, M. Donahoe s'opposait encore catégoriquement à la séparation de PayPal, réclamée alors par l'investisseur activiste Carl Icahn.

Il a justifié son retournement par le fait que «le paysage est en train de changer dans le secteur.

eBay avait payé 1,5 milliard de dollars en 2012 pour Paypal, à l'époque une startup venant d'entrer en Bourse. Le service revendique aujourd'hui plus de 152 millions de comptes actifs, avec un dollar sur six dépensé en ligne passant par lui.

Il croît plus vite que les plateformes commerciales (+19% à 7,2 milliards de dollars de revenus en douze mois, contre +10% à 9,9 milliards), et dépend toujours moins d'elles: l'activité de PayPal réalisée en dehors d'eBay est passée de 49% à 71% sur l'année écoulée, relève Shebly Seyrafi, analyste chez FBN Securities.

En outre, «le récent départ du patron (de PayPal) David Marcus (débauché en juin par Facebook NDLR) a créé un vide au sommet qui peut avoir servi de catalyseur pour la décision», juge l'analyste.

D'après certains sites spécialisés, des candidats potentiels exigeaient la scission pour accepter le poste. eBay a finalement annoncé mardi l'embauche de Dan Schulman, venu d'American Express.

Partenariats voire fusion pour PayPal

Le nouveau PayPal indépendant aura les coudées d'autant plus franches pour de potentiels investissements qu'il doit démarrer son activité sans aucune dette: les 7,5 milliards de dollars existant resteront supportés par le nouvel eBay.

John Donahoe a évoqué de vagues «partenariats» stratégiques, mais affirmé que la scission ne visait «pas à positionner l'une des deux activités pour une vente».

Carl Icahn prône toutefois des acquisitions voire carrément «une fusion entre PayPal et un autre acteur fort du secteur»: c'est selon lui urgent «vu le développement d'une concurrence solide, comme l'arrivée d'Apple Pay».

Le groupe à la pomme doit lancer en octobre son propre service de paiements. Il sera dans l'immédiat accessible uniquement aux États-Unis et avec le nouvel iPhone 6, mais vu sa base de clients, Apple pourrait à long terme devenir un adversaire très sérieux.

Beaucoup d'analystes voient d'ailleurs une dimension défensive dans la scission de PayPal.

«Sans sous-estimer la présence d'actionnaires activistes, le moment (choisi pour annoncer la scission) est largement influencé par l'expansion d'Apple et d'Amazon dans les paiements, et le potentiel que Facebook y entre aussi», fait valoir la maison de courtage Topeka.

De manière générale, «le paysage dans les paiements est hyper-compétitif, le rythme du changement s'accélère, et tout le monde vise PayPal», souligne aussi Denee Carrington, analyste pour le cabinet de recherche Forrester.

Les paiements mobiles se bornent pour l'instant à de petites transactions, comme l'achat d'un café chez Starbucks, mais ont un fort potentiel de croissance, avec un volume pour les seuls États-Unis qui devrait passer de 3,5 milliards de dollars cette année à 118 milliards d'ici 2018, selon la société de recherche eMarketer.

Un PayPal indépendant devrait mieux en profiter, en se montrant «plus agressif pour gagner de nouveaux clients», selon Trip Chowdhry, analyste chez Global Equities Research, qui n'exclut pas qu'il devienne partenaire d'Apple Pay, comme déjà American Express, Visa ou Mastercard.

Il souligne toutefois que PayPal continue pour l'instant de stocker les données de ses utilisateurs en ligne plutôt que localement dans leurs appareils, ce qui augmente les risques en cas de piratage.

Le nouvel eBay sera pour sa part «une entreprise plus petite, avec un profil de crédit plus faible», a prévenu l'agence financière Moody's, qui a mis sa note sous surveillance mardi, disant envisager un abaissement de plusieurs crans.