Google et Netflix refusent de céder aux menaces du CRTC dans le bras de fer qui les oppose à l'organisme de réglementation au sujet de la production de documents qui touchent au contenu canadien sur leurs plateformes.

Dans une lettre envoyée lundi, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a menacé d'effacer toutes les preuves et représentations soumises par Netflix et Google dans le cadre des audiences « Parlons Télé » si les deux géants de l'internet persistent dans leur refus de fournir des documents exigés par le président de l'organisme, Jean-Pierre Blais.

L'organisme leur a donné jusqu'au 2 octobre pour donner suite à ses ordonnances, qui visent de l'information comme le nombre d'usagers canadiens, la croissance publicitaire envisagée au pays et la taille des investissements en production canadienne. 

« Le Conseil est un tribunal administratif indépendant », a rappelé John Traversy, secrétaire général de l'organisme, aux deux entreprises. « Le refus d'une entreprise de se conformer aux demandes et ordonnances dûment formulées lors d'une audience publique est une question sérieuse ».

« Le Conseil perçoit ces actions comme une tentative directe de miner sa capacité à servir les Canadiens, ainsi qu'à nuire à l'équité procédurale due à tous les participants. »

Refus

Mais Netflix et Google n'ont pas tardé à signaler leur intention de ne pas se plier aux menaces de l'organisme. « Nous nous en tenons aux soumissions que nous avons présentées dans le cadre de ce processus et nous croyons avoir apporté une contribution positive à la discussion », a déclaré une porte-parole de Google. Netflix a abondé dans le même sens.

Les deux entreprises ont évoqué la confidentialité de documents commercialement sensibles pour justifier leur décision.

Les consultations « Parlons Télé » visent à déterminer les changements qui devraient être apportés au cadre réglementaire canadien pour s'adapter aux nouvelles technologies et attitudes des Canadiens en matière de consommation d'offre télévisuelle.

Les deux entreprises ont plaidé contre l'étendue du cadre réglementaire aux plateformes en ligne. Cette réglementation imposée aux diffuseurs traditionnels étendrait certaines obligations en matière de contenu canadien aux joueurs émergents, qui bénéficient actuellement d'une exemption.

Pas de bataille judiciaire

Cette réaction du CRTC survient au moment où l'organisme tient une autre audience d'importance, cette fois-ci sur l'examen des services sans fil mobiles de gros, comme les frais d'itinérance et partage d'infrastructure de télécommunications entre les différentes compagnies de téléphonie cellulaire.

Cette nouvelle menace est toutefois moindre que celle qui avait été formulée par le président Jean-Pierre Blais lors de la comparution de la représentante de Netflix, Corie Wright.

« Vous opérez en vertu d'une exemption qui requiert que vous fournissiez de l'information. Le défaut de fournir de l'information met ces exemptions à risque », avait lancé M. Blais sur un ton autoritaire.

Un porte-parole du CRTC a précisé que le but de l'approche choisie vise surtout à éviter que l'attitude des deux entreprises ne fasse boule de neige et que d'autres ne soient tentés d'ainsi défier son autorité.

« On ne voulait pas s'embarquer dans une longue bataille judiciaire pour avoir quelques informations qui, à la fin, ne feraient que confirmer les prétentions de Netflix par rapport à leur présence dans le marché », a déclaré ce porte-parole, Denis Carmel.

« Par contre, on voulait envoyer un message à tous les joueurs qui opèrent dans le marché canadien que notre juridiction est bien là et qu'on peut l'affirmer », a ajouté M. Carmel.

Le CRTC risque donc de finaliser son étude sur l'avenir de la télévision sans tenir compte des soumissions des deux entreprises. Il devrait annoncer ses nouvelles orientations vers le début de 2015.

Les preuves et représentations qui seront ainsi effacées incluent un rapport de la firme Lemay-Yates Associates sur l'avenir de la télévision et des nouveaux médias au Canada et les exposés verbaux de leurs représentants.

« Lors de l'audience, vous avez affirmé que le contenu canadien captivant en ligne réussissait sans réglementation en radiodiffusion. Vous avez ajouté que les créateurs canadiens émergents et établis trouvent de nouveaux auditoires à l'échelle mondiale et génèrent des revenus sans avoir à passer par des intermédiaires », a écrit le CRTC à Google.

« En refusant de fournir des éléments de preuve, le Conseil est dans l'impossibilité d'évaluer la validité de l'argument de Google qui pourrait être convaincant sous réserve de preuves à l'appui ».