L'actualité récente montre à quel point Ottawa et Québec font face à des perspectives opposées quand il s'agit de boucler leur budget. La capitale fédérale est en voie de dégager un surplus dès le présent exercice, tandis que celle du Québec remue mer et monde afin d'atteindre l'équilibre péniblement l'an prochain.

Pourtant, toutes deux étaient au bord du gouffre, au sortir de la récession de 1990-1991 et toutes deux avaient retrouvé l'équilibre budgétaire à la fin de cette décennie.

«Tout s'est joué dans la période centrale de 1998-2008, affirme Pierre Cliche. Le gouvernement du Québec s'est remis graduellement à dépenser davantage plutôt que d'accumuler des surplus et de rembourser une partie de sa dette comme le Canada le faisait.»

Son analyse Gestion budgétaire comparée des années 1990 à aujourd'hui, parue la semaine dernière, examine en détail l'évolution des comptes publics des deux gouvernements.

De lecture facile et accompagnée de nombreux graphiques, l'étude suit les variations des soldes budgétaires tant en chiffres absolus qu'en proportion de leur poids relatif par rapport à la taille de l'économie mesurée en dollars courants (le PIB nominal).

On constate tout d'abord que les soldes budgétaires du Canada et du Québec évoluent dans un étroit synchronisme, bien que l'amplitude de ceux d'Ottawa soit plus marquée.

Trois phases se découpent clairement: 1990-1997, 1998-2008 et 2008-2013.

L'auteur s'attache ensuite à analyser la croissance des recettes fiscales et des dépenses pour chacune des années de ces trois périodes. Cliche relève ainsi qu'Ottawa n'a pas hésité à diminuer ses transferts aux provinces durant les années d'effort pour retrouver l'équilibre, tout comme Québec est parvenu à réduire ses dépenses de programmes pour y arriver. Bref, on a vivement serré la vis dans les deux capitales.

Cliche fait aussi ressortir que, durant la saine décennie de 1998 à 2008, Ottawa a été en mesure de rembourser 90 milliards de sa dette tout en diminuant quelque peu le fardeau fiscal qu'il avait alourdi pour retrouver l'équilibre. Il rompt avec les déficits un an plus tôt que Québec et équilibre grosso modo la croissance des dépenses et des recettes par la suite.

Durant la même période, Québec accumule des surplus de 2,6 milliards seulement parce que ses dépenses augmentent rapidement. Il ne parvient pas non plus à diminuer substantiellement le fardeau fiscal. Au contraire, il l'augmente même pour maintenir l'équilibre budgétaire.

En outre, la croissance du Québec est plus faible que la canadienne, ce qui ralentit la progression des rentrées fiscales tandis que les pressions sur les dépenses de santé commencent à faire leurs ravages.

Durant la période qui commence avec la récession de 2008-2009, les déficits d'Ottawa sont beaucoup plus importants, mais la progression relative de la dette est plus marquée à Québec. Deux raisons expliquent ce phénomène. D'abord le programme d'infrastructures n'est que partiellement comptabilisé dans l'exercice budgétaire du Québec. Il est plutôt amorti. Ensuite, Québec a moins amélioré son bilan durant la saine décennie.

Fait à signaler, les transferts fédéraux ont augmenté ou se sont maintenus durant cette période difficile. Ottawa n'a pas augmenté le fardeau des contribuables. Québec, si. Par une majoration de la taxe de vente, l'introduction de la taxe santé, l'ajout d'un taux d'imposition pour les revenus de plus de 100 000$.

Ottawa a repris le contrôle de ses dépenses dès l'an trois de ce cycle, Québec commence à peine.

Au final, la maîtrise des finances publiques a été mieux réussie par Ottawa qui partait de beaucoup plus loin. En 1989-1990, le service de sa dette, c'est-à-dire les intérêts que les contribuables payent à leurs créanciers publics, représentait plus de 6% du PIB nominal. En 2012-2013, c'était moins de 2%.

Au Québec, les résultats sont bien moins probants, bien qu'il faille tenir compte de la réforme comptable de 1997-1998 qui inclut désormais les déficits des écoles et des hôpitaux dans le périmètre comptable du gouvernement.

Si Ottawa fait des choix qui coincent les provinces, force est de constater que Québec a tardé à réagir. «Une dette publique qui augmente plus vite que l'économie pendant une période prolongée met en péril la transmission ordonnée du fardeau fiscal intergénérationnel», prévient Cliche.

Ceux qui mesurent encore mal l'ampleur de la tâche auraient intérêt à le lire.