Depuis 30 ans, le marché du travail s'est transformé, au point où les travailleurs des années 80 qui l'ont quitté peineraient à s'y retrouver.

Outre la robotisation qui a transformé le travail manuel, l'informatisation et l'internet qui ont bouleversé les métiers de bureau, l'économie mondialisée a fait voler en éclats les liens d'emploi classiques entre employeurs et employés.

Environ 2,67 millions de Canadiens (sur 17,86 millions de travailleurs estimés le mois dernier) sont désormais leur propre patron et ils cherchent tantôt du boulot, tantôt des clients.

Le travail autonome, non volontaire dans la plupart des cas, comporte son lot de défis qui échappent à l'employé permanent, à plus forte raison s'il fait partie des «happy few» syndiqués.

Avec les chutes boursières de 2001 et de 2008-2009, les employeurs ont en plus décidé d'abandonner le pilier du système de retraite canadien dont ils avaient jusque-là la charge en fermant leurs régimes de retraite à prestations déterminées. Trop chers pour les actionnaires, plaident-ils, ce qui revient à transférer sur les épaules de leurs employés (et, à terme, sur celles de l'État) la sécurité de leurs revenus, une fois complétée leur vie professionnelle.

Bref, la nouvelle dynamique du marché du travail a des répercussions encore mal comprises dans toute la société.

La Grande Récession, dont le Canada et les États-Unis se sont sortis si on la juge à l'aune de la variation du nombre d'emplois, a laissé des stigmates qui aggravent les mutations déjà en cours depuis une trentaine d'années. En fait foi, par exemple, la forte proportion de 55 ans et plus parmi la cohorte des chômeurs de longue durée.

À cette dynamique complexe s'ajoute le vieillissement de la population et son lot de défis pour la production de biens et services, pour les budgets publics dédiés à la santé et aux services sociaux et pour le filet de sécurité sociale dans son ensemble.

La réévaluation des dynamiques du marché du travail sera d'ailleurs le thème du symposium de Jackson Hole, au Wyoming, qui se tiendra plus tard cette semaine.

Cette rencontre annuelle, qui réunit banquiers centraux et sommités du monde universitaire versées en économie et en finances, a souvent servi à sonder les marchés financiers sur un virage prochain de la politique monétaire.

L'an dernier, le président sortant de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben S. Bernanke, avait brillé par son absence. Il faut dire que le président Barack Obama lui avait signalé que son mandat ne serait pas renouvelé.

Celle qui le remplace depuis février, Janet Yellen, a confirmé sa présence. Elle prendra la parole vendredi matin. Comme le veut la tradition, le titre de son allocution ne sera annoncé que peu avant son arrivée à la tribune, mais il suscite déjà beaucoup de conjectures.

C'est sans doute en octobre que la Fed mettra fin à sa troisième ronde de détente monétaire.

La prochaine réunion de son comité de politique monétaire, que préside Mme Yellen, doit avoir lieu à la mi-septembre et sera l'occasion de remettre à jour les projections de la Fed en matière de chômage, de croissance du produit intérieur brut, d'inflation et de fixation du taux directeur, abaissé à presque zéro depuis décembre 2008.

À la réunion de la mi-juillet, Charles Plosser, de la Réserve de Philadelphie, s'était opposé à ce que le taux cible reste en place longtemps après la fin de la ronde de détente quantitative, comme le précisait le communiqué.

Il faut dire que le taux de chômage aux États-Unis était de 6,2% en juillet, contre 7,0% au Canada (mais de 6,1% avec la méthode de calcul américaine). La création d'emplois par le secteur privé américain est robuste depuis plusieurs mois (mais faible au Canada). Le taux d'inflation avoisine la cible de 2%, quel que soit l'indice retenu.

Tout ne va pas bien pour autant. Le taux de sous-emploi reste élevé et, surtout, le taux d'activité est loin de ses niveaux d'avant la récession. Ce taux correspond à la fraction de la population de 15 ou 16 ans et plus qui détient ou cherche activement un emploi.

Au Canada, il se situe à 66,1%, son taux le plus faible en 13 ans. Aux États-Unis, il n'est qu'à 62,9%.

Un si faible taux explique les faibles pressions sur les salaires. Mais pourquoi est-il si faible? Cette tendance peut-elle s'inverser?

On scrutera des éléments de réponse dans l'allocution de Mme Yellen.