La réduction de 20% des programmes de crédits d'impôt aux entreprises annoncée mercredi dans le budget provincial a surpris les éditeurs de jeux vidéo et spécialistes des affaires électroniques, qui peinaient hier à en évaluer les conséquences directes.

Cette évaluation devra toutefois se faire assez rapidement, dans certains cas.

«Le téléphone a commencé à sonner ce matin en provenance de Californie», confiait hier Martin Carrier, vice-président et chef de studio de Warner Bros. Games Montréal. Le siège social de Warner se situe sur la côte Ouest américaine et c'est justement un Québécois, Martin Tremblay, qui assure la direction de la division jeux vidéo.

Le climat général en était un de surprise dans cette industrie.

«Je suis un peu déçu de la rapidité de la prise de décision», s'étonnait Yanick Roy, directeur du studio montréalais de BioWare, une filiale du géant Electronic Arts. «Ça tombe avant même qu'on fasse une étude sur les conséquences potentielles.»

«On s'attendait à une consultation, ajoute M. Carrier, qui est aussi président de l'Alliance Numérique, le regroupement des éditeurs de jeux vidéo. Nous voulions faire valoir la valeur de ces mesures. Nous estimons que le gouvernement réalise un retour de 1,12 $ pour chaque dollar investi. Nous n'aurons malheureusement pas eu cette opportunité.»

Avec ses quelque 2900 employés à Montréal et Québec, Ubisoft apparaît comme l'éditeur le plus affecté par ces coupes. Son plus récent rapport annuel, publié en 2013, fait état d'une somme de 45,5 millions pour le seul crédit d'impôt pour la production de titres multimédias. La réduction de 20% signifierait donc un manque à gagner de 9,1 millions.

En réalité, cette somme est manifestement plus élevée. L'entreprise reçoit aussi des crédits d'impôt pour la recherche et développement, eux aussi amputés, et a augmenté le nombre de ses employés admissibles au cours de la dernière année.

L'entreprise française n'a toutefois pas voulu émettre de commentaires hier, indiquant qu'elle souhaitait d'abord prendre le temps d'analyser les impacts.

Les studios de jeux vidéo appartenant à des multinationales comme ceux d'Ubisoft, Electronic Arts et Warner sont particulièrement susceptibles aux conséquences de ces coupes, puisqu'ils doivent rivaliser sur une base régulière avec les autres filiales de leur groupe pour l'obtention de mandats.

«Il n'y a rien qui va changer demain, mais quand il y aura des discussions à savoir si on veut ajouter un projet ou si on a besoin de grossir, chaque fois, ces choses-là sont prises en compte, confie M. Roy. C'est certain que ça change le portrait pour le futur d'une manière ou d'une autre.»

Affaires électroniques

La surprise était tout aussi grande chez Keyrus, une entreprise de services informatiques bénéficiaire du crédit d'impôt au développement des affaires électroniques. Ce crédit, qui devait venir à échéance le 31 décembre 2015, avait été prolongé de 10 ans dans une annonce réalisée l'été dernier.

La menace d'une délocalisation est moindre pour Keyrus, convient son directeur général Éric Blanchet, puisque ses consultants oeuvrent auprès de clients québécois. Mais les effets pourraient se faire sentir d'une autre façon.

«Nous avons quelques ressources très spécialisées qui commandent des salaires très élevés, explique-t-il. Notre capacité à les embaucher pourrait être limitée, ce qui signifie qu'il faudrait adapter notre offre à notre clientèle.»

Les géants CGI, IBM et Ericsson, grands bénéficiaires des crédits d'impôt réduits mercredi, n'ont pas répondu à nos appels.

Les crédits d'impôt à la production de titres multimédias (135) et au développement des affaires électroniques (293) ont coûté environ 428 millions au gouvernement du Québec l'an dernier, une somme qui progressait d'année en année. Leur réduction de 20% devrait donc permettre d'économiser un minimum de 87 millions.