Les écarts de salaire entre hommes et femmes subsistent toujours, mais ils ont considérablement diminué en 30 ans, selon une analyse minutieuse des données socio-économiques de 1981 à 2012.

La vaste étude portant sur l'évolution de la rémunération horaire au Québec fait ressortir une augmentation du salaire horaire réel médian des hommes et des femmes de 17 à 64 ans de 9,1% seulement, en 31 ans.

L'étude de Jules Bélanger et d'Oscar Calderon publiée hier par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IREC) cerne les profonds changements du salariat sur une période de 30 ans.

Outre une méthodologie complexe originale dont on épargnera les détails au lecteur, l'un des mérites pédagogiques des auteurs est d'avoir présenté les résultats en dollars constants de 2010, ce qui permet un repère plus facile pour comprendre les variations réelles (sans inflation) de la rémunération.

Bélanger et Calderon ont aussi modulé leurs résultats en tenant compte des cohortes d'âge (les 17-24 ans ou les 55-64 ans, par exemple), les niveaux de scolarité terminée ainsi que les catégories professionnelles (ouvriers, travailleurs scientifiques, du divertissement ou du commerce, etc.).

Ils observent d'abord que les salaires horaires réels médians des femmes ont progressé de 19,4%, à 19,00$, durant la période, alors que ceux des hommes ont avancé de 2,8% seulement, à 20,60$. Le rattrapage du salaire moyen observé est par contre plus faible. Cela s'explique peut-être par le fait que l'écart de la rémunération entre les hommes et les femmes aux échelons les plus élevés persiste plus, un phénomène qu'on a appelé métaphoriquement le plafond de verre.

La réduction des écarts du salaire horaire médian va de pair avec la progression spectaculaire des femmes titulaires d'un baccalauréat. De 9,3% en 1981, la proportion passe à 32,2% 31 ans plus tard.

Chez les hommes, on avance de 12,4%, à 23,1%.

Chez les deux sexes, on observe aussi un effondrement de la cohorte des ouvriers allant de pair avec le déclin du secteur manufacturier.

Chez les femmes, cela s'est plutôt fait au profit du travail en santé, en éducation et en sciences sociales. La principale catégorie d'emploi en 1981, le secrétariat, reste le premier bassin d'emplois, bien qu'il ait fondu de près de 11 points de pourcentage, à 28,9%, entre 1981 et 2012.

Chez les hommes, le travail de secrétariat est marginalement à la hausse. À 10,6%, c'est le deuxième secteur d'emplois après les métiers scientifiques (13,0%), qui ont doublé de taille en 31 ans pour largement coiffer les ouvriers qui, à 9,1%, ne représentent plus que la moitié de leur poids du début des années 80.

La concentration des femmes dans le secteur public leur permet d'acquérir davantage d'ancienneté auprès de leur employeur. Cela a largement contribué à leur rattrapage salarial, davantage même que leur scolarité accrue, selon les chercheurs.

La Loi sur l'équité salariale est entrée en jeu au tournant du siècle. Elle explique aussi en partie le rattrapage.

Une fois prises en compte toutes les composantes socio-économiques, les auteurs calculent que l'écart de salaire entre hommes et femmes serait de 11,3%.

La différence dans la rémunération totale est sans doute plus élevée, puisque les hommes consacrent plus d'heures au travail rémunéré.

L'âge joue aussi dans la rémunération. S'il est vrai qu'ancienneté et expérience ont pour corollaire un salaire accru, d'autres facteurs entrent en ligne de compte.

Ainsi, la délocalisation a diminué la rémunération des emplois requérant peu de qualifications, au grand dam des ouvriers peu scolarisés. A contrario, les jeunes diplômés s'en tirent mieux, mais l'écart de rémunération entre titulaires d'un diplôme secondaire ou collégial et universitaire a été réduit en 30 ans parallèlement à l'augmentation des titulaires d'un baccalauréat ou d'une maîtrise.

«Pour une demande de travailleurs éduqués constante, une partie des nouveaux diplômés universitaires sont affectés à des tâches requérant un niveau d'éducation plus faible à mesure que l'offre de travailleurs universitaires grandit, notent Bélanger et Calderon. Ceci peut alors avoir comme impact d'amener une pression à la baisse sur les salaires des travailleurs scolarisés.»

Faut-il voir dans la demande constante (plutôt qu'en hausse) des employeurs pour des diplômés une explication des faibles gains de productivité des entreprises? C'est probablement un élément de réponse.