L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) se remettait péniblement hier de l'assemblée extraordinaire tenue la veille, au cours de laquelle près de 2000 membres ont désavoué la direction de l'organisme et plusieurs de ses décisions des dernières années.

«Ça m'ébranle, je ne peux pas en faire abstraction», a admis la vice-présidente de l'OIQ, Isabelle Tremblay, au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Affaires.

Les ingénieurs réunis au Palais des congrès de Montréal ont adopté dans une proportion de 65% la proposition prônant la destitution du comité exécutif de l'Ordre et de son directeur général, André Rainville. Mais comme les décisions prises dans le cadre d'une assemblée ne sont pas exécutoires, c'est le conseil d'administration qui en disposera au cours des prochaines semaines. Il n'est donc pas exclu que le comité exécutif et M. Rainville restent en place.

L'assurance professionnelle

L'assemblée a adopté six autres propositions par de fortes marges, notamment pour annuler le règlement sur l'assurance professionnelle, suspendre celui sur la formation continue et abroger la cotisation additionnelle de 90$ par année entrée en vigueur le 1er avril.

Plusieurs ingénieurs sont insatisfaits du règlement sur l'assurance professionnelle adopté l'an dernier, qui a imposé des hausses de primes à certains d'entre eux, et du règlement sur la formation continue, qui impose depuis 2010 des exigences accrues en cette matière. Ils ne digèrent pas non plus la cotisation additionnelle, qui vise principalement à financer les centaines d'enquêtes sur des affaires de collusion, de corruption et de contributions politiques illégales déclenchées ces dernières années.

«Comme groupe professionnel, il faut qu'on démontre au public qu'on est dignes de confiance, a souligné Mme Tremblay. Il faut qu'on fasse plus que ce qui est attendu de nous. Mais c'est très, très difficile de faire passer ce message-là parmi nos membres.»

L'OIQ se retrouve dans une étrange situation: ses membres ont adopté démocratiquement des propositions qu'il ne peut pas vraiment mettre en oeuvre. En effet, en vertu du Code des professions, un ordre ne peut pas suspendre, et encore moins annuler, un de ses règlements.

«Dans le système professionnel, on ne peut pas, de façon cavalière, décider que dans l'intérêt des membres, on va faire abstraction des lois, a rappelé Isabelle Tremblay. Quand on veut modifier des règlements, il faut les publier dans la Gazette officielle, aller à l'Office des professions. Ça prend du temps.»

La vice-présidente de l'OIQ, qui est ingénieure à l'Agence spatiale canadienne, a néanmoins laissé entendre hier que le conseil d'administration allait tenter d'en arriver à un compromis pour répondre aux «préoccupations» des membres. «On va certainement trouver le juste milieu», a-t-elle dit.

L'Ordre semble toutefois moins enclin à s'amender sur la question de la cotisation, d'autant plus que le président de l'Office des professions, Jean Paul Dutrisac, s'est inquiété en décembre des difficultés financières de l'organisme.

«Les ingénieurs sont habitués de payer très peu cher pour être des professionnels au Québec, a estimé Mme Tremblay. C'est la culture qui est comme ça.»

Des élections se tiendront le 12 juin à l'Ordre, de sorte que c'est surtout le prochain président qui aura la responsabilité de répondre aux récriminations des membres. Le président sortant, Stéphane Bilodeau, ne se représente pas, et Isabelle Tremblay n'entend pas être sur les rangs non plus. À l'Office des professions, on n'a pas voulu réagir hier à la crise de confiance qui frappe l'OIQ.