Après avoir suscité la critique au sujet de multiples fusions plus ou moins bien digérées, Pfizer cherche maintenant à acquérir AstraZeneca dans le cadre d'une mégatransaction de près de 100 milliards US.

«On pensait que ces gens-là avaient appris leur leçon, a commenté Robert James David, professeur à la faculté de gestion Desautels de l'Université McGill. Ils ont été très critiqués, on a dit qu'ils avaient procédé à trop de fusions, qu'ils étaient devenus trop gros, trop bureaucratiques, qu'ils ont eu des problèmes d'intégration. Et voilà qu'ils s'y remettent quelques années plus tard.»

Pfizer a notamment fait l'acquisition de Warner-Lambert en 2000, Pharmacia en 2003 et Wyeth en 2009. Plusieurs analystes ont remis en question les avantages de ces transactions.

«Le consensus est que le modèle de grandes transactions dans le domaine pharmaceutique comme celles des années 2000 a été discrédité, a déclaré M. David. C'est pour cela que l'offre de Pfizer me surprend.»

Pour la même raison, il ne s'attend pas à ce que l'offre de Pfizer suscite une nouvelle vague de mégatransactions dans l'industrie pharmaceutique.

Selon M. David, un nouveau modèle de transactions est en train d'émerger, illustré notamment par Valeant.

La semaine dernière, l'entreprise lavalloise a adressé une offre non sollicitée à Allergan, le fabricant du Botox. La transaction aurait une valeur d'environ 45 milliards US.

«Le nouveau modèle est plus léger, plus ciblé, plus concentré, a affirmé M. David. On ne parle plus de gros monstre ingérable.»

Rejet de l'offre

Si l'offre de Pfizer devait se concrétiser, il s'agirait de la plus grosse fusion de l'histoire de l'industrie pharmaceutique.

AstraZeneca, une firme britannique, a toutefois rejeté l'offre de l'américaine Pfizer.

Selon plusieurs observateurs, la transaction pourrait permettre à Pfizer d'utiliser des liquidités engrangées à l'étranger qu'elle ne veut pas rapatrier aux États-Unis pour des raisons fiscales.

M. David a indiqué qu'une fusion Pfizer-AstraZeneca permettrait également de réaliser des économies d'échelle en matière de vente et de marketing.

Lorsqu'un médicament est approuvé, il faut se dépêcher de le mettre sur le marché et d'en faire un succès avant l'expiration du brevet.

Économies d'échelle

«Le modèle de Pfizer repose sur une force massive de vente et de marketing qui pousse le produit sur plusieurs canaux, a déclaré M. David. Il y a des économies d'échelle à aller chercher en utilisant cette machine pour plusieurs produits.»

Il a toutefois affirmé que plusieurs études montraient que les mégafusions se faisaient au détriment de la recherche et du développement. «Selon les recherches, les grandes bureaucraties ont tendance à être moins créatives, moins innovatrices», a-t-il soutenu.

Le modèle de Valeant n'est cependant pas favorable non plus pour les premiers stades de la recherche et du développement. Afin de réduire les risques, Valeant se concentre sur les produits à un stade de développement très avancé.

«Il ne faudrait pas que trop d'entreprises fassent cela, parce qu'alors, qui fera les premiers stades de recherche et de développement? s'est demandé M. David. Il faut que quelqu'un le fasse, sinon nous n'aurons plus de bons produits.»

Le marché a bien accueilli l'offre de Pfizer: son titre a clôturé à 32,04$US à la Bourse de New York, un gain de 4,2%. De son côté, le titre d'AstraZeneca a bondi de près de 15% à la Bourse de Londres.

- Avec l'Agence France-Presse