Le 4e salon eComMTL se tiendra demain au Palais des congrès. Près de 40 conférenciers y parleront de sujets liés au commerce électronique: l'évolution des métiers du numérique, les aspects juridiques de la vente en ligne, les meilleures pratiques de fidélisation des clients, le marketing par courriel, les tendances d'avenir, etc. La Presse s'est entretenue avec le cofondateur et président de l'événement, Stéphane Ricoul.

Q L'eComMTL, c'est quoi?

R C'est un événement qui se veut une plateforme d'échange autour des affaires électroniques exclusivement. L'objectif qu'on a toujours eu, c'est que les participants partagent les expériences qu'ils ont eues, de façon à ce que les uns et les autres apprennent. On apprend plus au contact des autres qu'avec une lecture isolée sur un site web.

Q Pourquoi les entreprises devraient-elles y participer?

R La première raison, c'est pour s'inspirer, car on va parler des meilleures pratiques dans le monde. On a invité des conférenciers de l'extérieur. Ensuite, pour être plus efficace. Troisièmement, pour apprendre. Quand une personne a des cicatrices dans le dos, c'est-à-dire qu'elle a fait du commerce électronique, qu'elle a fait des erreurs, qu'elle les a corrigées et qu'elle en a tiré des leçons et obtenu du succès, et qu'elle a la gentillesse de venir partager son expérience... c'est de l'éducation. Ce qui est important de dire, c'est que j'interdis tout pitch de vente. Aucune conférence ne mettra en vedette un produit ou un service. Les fournisseurs ne parlent pas sur scène.

Q Quelle grande tendance observez-vous dans le commerce électronique?

R Dans le commerce de détail et le commerce électronique, on essaie de simplifier et de fluidifier au maximum l'expérience que le client va avoir en ligne. Il faut avoir le moins d'obstacles possible, le moins d'étapes possible pour obtenir un meilleur taux de conversion [plus haut ratio de transactions conclues]. Si on prend l'exemple de la livraison, il faut que ce soit gratuit ou que le coût soit inclus dans le prix du produit. Il faut que la création du compte serve comme adresse de livraison. Il faut simplifier à outrance le paiement. Il faut raccourcir le délai d'action et de prise de décision.

Q Quel est le plus grand défi des entreprises?

R Adapter leur modèle d'affaires. Faire du commerce électronique, c'est bien. Faire du mauvais commerce électronique, c'est très dommageable. Le commerce en ligne, c'est complexe quand on le regarde dans son ensemble. Ça touche tous les services d'une entreprise: la livraison, la distribution, la gestion des stocks, les ressources humaines, la finance, le marketing. Donc, il faut revoir son modèle au complet. Si un président pense que le commerce électronique, c'est juste un catalogue et un site, il risque de se diriger vers un échec. Blockbuster a inventé le Netflix d'aujourd'hui et Kodak a inventé la photo numérique, mais ils n'ont pas adapté leur modèle d'affaires et ça les a tués.

Q Les entreprises sont-elles conscientes de tout ça?

R On observe qu'il y a de plus en plus de têtes grises dans l'assistance du eComMTL. Les premières années, c'étaient les directeurs e-commerce qui venaient avec des analystes et des directeurs marketing. L'an dernier, on est passés à un autre stade; c'étaient des vice-présidents, des présidents, des responsables des finances, des conseils d'administration. Cela me fait dire que les entreprises prennent conscience que le canal numérique est un canal de vente devenu incontournable dans lequel il faut investir. Les porteurs d'eau dans les entreprises ont réussi à convaincre les hautes directions d'investir dans le commerce électronique.

Q Dans ce cas, comment expliquez-vous le retard du Québec?

R Selon des statistiques du Collège des administrateurs de sociétés, 59% des conseils d'administration ne croient pas que le numérique permet aux entreprises d'être plus productives. Et le pire, c'est que 52% des conseils ne jettent jamais un regard sur la stratégie numérique de leur entreprise. Ça veut dire que la majorité des PDG d'entreprises au Québec ne sont jamais remis en question sur leur rythme d'adoption des stratégies numériques. Je trouve ça grave. C'est peut-être ce qui explique la timidité du commerce électronique au Québec.

Q Timidité... Ce n'est pas plutôt un retard?

R Je ne parle pas de retard, parce que c'est péjoratif et que le Québec n'est pas en retard. Selon le CEFRIO, [le Centre facilitant la recherche et l'innovation dans les organisations, à l'aide des technologies de l'information et de la communication] de 13 à 15% des entreprises du Québec font du commerce en ligne. En France, c'est 16%. Technologiquement, on n'est pas en retard, et les consommateurs non plus, ils adorent commander en ligne. Je suis contre l'utilisation du mot retard. Mais ce que j'observe, c'est que nos entreprises ne se lancent pas dans le commerce en ligne avec de grandes offres pour concurrencer Amazon. Elles ont plutôt une philosophie de petits pas.