Bien des choses ont changé sur le terrain économique canadien depuis janvier, mais ce n'est pas suffisant pour décider la Banque du Canada à sortir de sa neutralité.

Il ne faut pas s'attendre à ce qu'elle donne la moindre indication, mercredi, du moment où elle entend modifier son taux directeur, fixé à 1,0% depuis septembre 2010.

En cela, elle continuera de se démarquer de la Réserve fédérale américaine dont les multiples modifications à ses orientations prospectives créent beaucoup de volatilité sur les marchés boursiers, obligataires et monétaires.

Sans jamais le reconnaître explicitement, les autorités monétaires canadiennes sont plutôt satisfaites de la dépréciation du huard face au billet vert. Aux environs de 90 cents US d'équivalence, la valeur de notre monnaie stimule quelque peu les exportations de biens manufacturés, tout en procurant un nouvel avantage compétitif aux fabricants canadiens, chez eux, face à des concurrents étrangers peut-être plus productifs.

Malheureusement, cette amélioration du solde de nos échanges commerciaux tarde à se concrétiser. Le mauvais temps hivernal a pesé lourd, tant sur les importations que sur les exportations. On sait en outre que la grève dans le port de Vancouver aura nui aux échanges durant le mois de mars.

En outre, les signaux mixtes donnés par les indicateurs économiques chinois et d'autres économies émergentes vont conforter la Banque dans le prolongement indéterminé du statu quo.

Autre effet bénéfique d'une monnaie affaiblie, les prix des biens importés augmentent en douce, ce qui devrait permettre de ramener le taux d'inflation à l'intérieur de la fourchette cible de 1% à 3%, dont il était sorti par le bas, durant l'automne, sans avoir à envisager une baisse risquée du taux directeur.

En février, le rythme d'inflation était remonté à 1,1%, grâce à une accélération marquée au cours des derniers mois.

En janvier, la Banque avait prévu un taux d'inflation annualisé de 0,9% pour le premier trimestre, mais ce sera plus élevé. Elle voyait aussi un retour à la cible de 2%, seulement à la fin de 2015.

Selon les scénarios de la Banque, le retour à la cible d'inflation coïncide aussi avec le moment où l'économie retrouve son plein potentiel.

Or, depuis la mi-janvier, quand est paru son plus récent Rapport sur la politique monétaire (RPM), Statistique Canada a publié les résultats de la croissance réelle durant l'automne. Elle s'est élevée à 2,9% en rythme annuel au lieu des 2,5% escomptés par la Banque.

L'agence fédérale a aussi revu à la hausse l'expansion des trimestres précédents. Au final, elle a été de 2,0% l'an dernier au lieu de 1,8%.

Comme le potentiel de l'économie canadienne est de 1,9%, selon l'estimation de la Banque qui admet qu'il s'agit d'une valeur très difficile à jauger, l'expansion observée en 2013 signifie que la quantité de capacités de production inutilisées a diminué l'an dernier au lieu d'augmenter, comme elle l'avait envisagé en janvier.

La faiblesse des investissements en machinerie et équipement, de même que la croissance décevante des intentions d'investir selon la vaste enquête annuelle de Statistique Canada, renforcent cette hypothèse.

Au surplus, l'affaiblissement du huard a pour néfaste contrepartie d'augmenter les prix de nouveaux équipements ou matériel informatique, très souvent libellés en dollars américains.

Le vieillissement de la population active ajoute aux perspectives que le potentiel de croissance de l'économie canadienne restera faible, comme s'en inquiète déjà le gouverneur Stephen Poloz.

L'économie est par conséquent plus près de son plein potentiel qu'il n'y paraît, mais la Banque a encore une saison au moins devant elle, avant de songer sérieusement à augmenter le loyer de l'argent, augmentation qui plafonnera à des niveaux plus faibles qu'au cours des cycles précédents, de toute façon.